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Législatives 2022: la France est devenue ingouvernable

Marine Le Pen et son parti le Rassemblement national apparaissent comme les vainqueurs du second tour des législatives.
Marine Le Pen et son parti le Rassemblement national apparaissent comme les vainqueurs du second tour des législatives.image: keystone
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Législatives: la France est devenue ingouvernable

Pas de majorité absolue pour Emmanuel Macron, une forte poussée du Rassemblement national: les élections législatives accouchent d'une Assemblée nationale chamboulée et comme impossible à gouverner.
19.06.2022, 23:0520.06.2022, 08:35
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On pourra retenir mille images de la claque monumentale mise dimanche par les Français à Emmanuel Macron, qui perd largement sa majorité absolue à l’Assemblée nationale. L’image du président de cette dernière, Richard Ferrand, félicitant, les yeux encore mouillés de larmes, celle qui l’a battu et qui se présentait sous les couleurs de la Nupes (alliance de gauche), est l’une d’elles.

L'échec du «en même temps»

Ce lundi matin, au lendemain du second tour des élections législatives, le coq français a-t-il encore sa tête? La France a-t-elle une direction politique? Sait-elle vers quoi elle va, vers quoi aller? Cette chambre semblant sans queue ni tête, avec d’un côté une gauche qui triple, sinon plus, son nombre de sièges, et un Rassemblement national qui multiplie peut-être par quinze sa représentation, sonne comme l’échec du «en même temps», autrement dit, du macronisme.

Mais c’est aussi l’échec d’un style – et l’on entre ici dans des considérations plus personnelles: celui d’Emmanuel Macron, avec sa façon parfois horripilante de «faire des phrases», de «jouer les caïds». Au moins sera-t-il resté jusqu’au bout le même, ce qui dénote une forme de courage. Et à une époque où il est beaucoup question de «genre», face aux ricanements qui n'ont jamais cessé, il assume le sien: oui, ma femme est plus âgée que moi, si ça vous pose un problème, tant pis pour vous!

Défaite aussi pour Jean-Luc Mélenchon

Revenons aux résultats. Défaite pour Emmanuel Macron, rapport aux espoirs de majorité absolue qu'il avait fondés et que sa majorité relative, par définition, ne réalise pas. Mais, sous ses airs d'entrée en force, défaite également pour la Nupes de Jean-Luc Mélenchon, qui ne réussit pas son pari de remporter la majorité, ne serait-ce que relative, qui aurait fait de son alliance électorale (Insoumis, écologistes, communistes et socialistes) la première force du pays et de lui un sérieux candidat au poste de premier ministre.

Dimanche soir et ce matin, Mélenchon doit en vouloir au Rassemblement national, l’extrême-droite en France, de lui voler la vedette. Car le fait majeur de ce second tour des législatives, outre le cruel revers de la coalition présidentielle Ensemble, c’est l’incroyable bond en avant du RN de Marine Le Pen, auquel les estimations accordaient hier soir entre 80 et 100 sièges à l’Assemblée nationale. Certainement Marine Le Pen, battue au second tour de la présidentielle le 24 avril, n’y croyait-elle pas elle-même.

Des électeurs de gauche auront voté extrême droite

Que s'est-il passé? A quoi attribuer ce «miracle»? Il y avait au second tour 108 duels opposant des candidats d’Ensemble (ceux de la «majorité présidentielle») à des candidats du Rassemblement national. Il est tout à fait probable que le formidable résultat du RN tienne au fait que des électeurs Nupes, de gauche, donc, ont voté pour l’extrême-droite, et ce, pour trois raisons au moins:

  1. Par détestation du président Macron.
  2. Par calcul: faire élire des RN, c’est avoir moins d’élus Ensemble à l’Assemblée national et donc, en face, par ricochet, plus d'élus de la Nupes.
  3. Par conviction: entre Nupes, en tout cas Insoumis, et RN, entre extrême gauche et extrême droite, la frontière est parfois très ténue, tant la haine des «riches» fédère.

Les duels RN-Ensemble dont l'extrême droite est sortie victorieuse, peuvent aussi s’expliquer par le refus de certains Républicains de voter pour la macronie. Il s'agira de voir par ailleurs comment la majorité Ensemble a arbitré les confrontations de second tour entre le RN et la Nupes...

Comment gouverner avec cette proportionnelle implicite?

A présent, les calculs. La coalition Ensemble (LREM d’Emmanuel Macron, Modem de François Bayrou, Horizon d’Edouard Philippe) obtient une majorité relative faiblarde, loin des 289 sièges nécessaires à la majorité absolue. Quelques débauchages à droite comme à gauche n'y suffiraient certainement pas. Le seul moyen, pour Ensemble, sauf à vouloir gouverner au gré de majorités de circonstance, exercice périlleux, de mener la politique du pays, est de former une coalition de gouvernement. Avec la Nupes? Avec le RN? Ces deux options paraissent exclues.

Reste la droite LR. C’est l’alliance de gouvernement la plus envisageable – Emmanuel Macron n’est pas à proprement parler de gauche. Ce serait alors, peut-être, la fin d’une expérience, qui a fait le succès de 2017 et qui consistait à dépasser le traditionnel clivage gauche-droite. Ce serait l’amorce d’un retour à cette division classique de la politique.

Sauf que, entre-temps, sans même qu’il y ait eu besoin du suffrage proportionnel, c’est dire l’exploit, la droite nationaliste de Marine Le Pen aura fait une irruption fracassante dans le jeu parlementaire, qui bouscule l'habituel et rassurant partage des rôles entre ce que l'on a longtemps appelé la droite et la gauche «de gouvernement».

Une droite pour la première fois majoritairement d’extrême-droite

Qu’a-t-on désormais sous les yeux? Un bloc populiste à droite, mais aussi à gauche, avec en son sein une frange radicale qui promet des lendemains qui chantent. Un bloc populiste, ou populaire, prenant à gauche et à droite, qui fait face à un bloc bourgeois, Ensemble et LR, plus que jamais sur la défensive ou mis au défi s'agissant des Républicains. Qu’a-t-on encore? Eh bien, prise dans l'ensemble, une droite pour la première fois majoritairement d’extrême-droite. Une extrême-droite – c’est son vœu le plus cher – qui entend être le leader de la «recomposition à droite».

Sous la Ve République, l'Assemblée nationale, celle qui vient d'être élue, n’a certainement jamais été à ce point représentative du «peuple», de cette France dite aussi d’en bas, dont le mouvement contestataire des «gilets jaunes» a été en partie l'expression. Ceux qui se prétendent les élus de la France qui souffre sauront-ils parler autrement qu'en démagogues? Etant donné leurs forces, importantes, à l’Assemblée nationale, la stabilité politique de la France est en jeu.

Le «front républicain» à genou

Ce n’est pas seulement la macronie qui a été douchée, c’est le mythe du «front républicain» («pas une voix pour l’extrême droite»), dont la France, jusqu'ici, tirait pour beaucoup sa stabilité politique, qui est à genou. D’ordinaire, l’abstention (54% lors de ce second tour) profite au «système». Là, elle lui coupe les pattes.

La France sera-t-elle gouvernable? Emmanuel Macron dissoudra-t-il l’Assemblée nationale dans peu de temps pour de nouvelles élections, comme il en a le droit? Pour l’heure, il s’agit de former un nouveau gouvernement, dont Les Républicains pourraient être l’inévitable pivot. A la condition qu’ils le veuillent. Or tout un pan chez eux se voit plus naturellement avec le Rassemblement national qu'avec les macronistes. Si alliance il y a entre Ensemble et LR, alors ce pourrait être au prix d’une scission chez les Républicains. Décidément, cette nouvelle Assemblée paraît difficilement gouvernable.

Zelensky salue Macron avec un hug!
Video: watson
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