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Salman Rushdie attaqué: rester libres face à l'islamisme

Salman Rushdie attaqué: rester libres face à l'islamisme
Salman Rushdie. Berlin, 11 novembre 2019.image: keystone
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Face à l'islamisme, rester libres avec et grâce à Salman Rushdie

Quand la mort ou la blessure atteint un individu en raison de sa mécréance, il est temps de le défendre et de resserrer les rangs derrière la liberté.
15.08.2022, 05:5415.08.2022, 09:09
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Salman Rushdie. Avant lui, Charlie Hebdo, Samuel Paty. Tant d’autres. Assassinés ou blessés. En Occident comme dans des pays musulmans. Leur point commun? Le «blasphème». Leur tort, leur crime, aux yeux de leurs bourreaux, est d’avoir «blasphémé», fait outrage à leur foi. Leur système de croyance, plutôt. En l’espèce, l’islam. Dans la vision de ces fanatiques, la religion est plus qu’une religion. Elle est un tout auquel ne doit échapper aucune parcelle de l’activité humaine. Il n’y a pour eux de loi que celle découlant des textes sacrés. Cette idéologie porte un nom: l’islamisme.

D'où vient l'islamisme?

L’islamisme a une histoire, un contexte. Il naît, si l'on doit le dater, à la fin du XIXe siècle au Moyen-Orient. Il s’inscrit dans un rapport compétitif, concurrentiel et conflictuel avec l’Occident. Il est le fruit d’un constat, opéré par des intellectuels musulmans: l’islam, s’inquiètent-ils, accuse un retard considérable sur l’Occident en termes de développement économique et politique. Retard qu’il s’agit de combler au plus vite.

C’est là que les choses vont se gâter. Au lieu de considérer la foi en Dieu comme une ressource personnelle aidant à affronter les difficultés de l’existence, ils vont faire de l’islam un instrument politique censé restaurer la grandeur perdue du monde musulman.

Humiliation, toute-puissance et injustice

L’islamisme procède de deux sentiments faisant cause commune. D’une part, un sentiment l’humiliation, celui de se voir distancé par l’Occident sur presque tous les plans, ce que la colonisation confirme d’une certaine manière; d’autre part, un sentiment de toute-puissance, qui découle de la certitude que l’islam, en tant que dernière religion révélée, détient la vérité et doit, de ce fait, s’imposer à la terre entière. L’un des grands ressorts de l'islamisme est la notion d’injustice, déclinée sur quantité de plans, dont celui-ci: le monde non-musulman serait injuste avec l’islam en ne reconnaissant pas sa prééminence ni son apport à l'humanité au cours de l'Histoire.

Ce mélange explosif de posture humiliée et de vision suprémaciste est à l’origine des attentats islamistes, et l’on peut penser que la tentative de meurtre visant Salman Rushdie ne déroge pas à ce terrible schéma.

L’attaque contre l’auteur des Versets sataniques, au nom du blasphème, une notion totalitaire, est une atteinte à ce que nous avons de plus cher, la liberté de créer. Et pour Salman Rushdie, c’est une atteinte à sa liberté d’écrire des romans, autrement dit, dans l’esprit des islamistes, de s’émanciper de la tutelle divine en imaginant des histoires dans lesquelles Dieu ou son prophète ne serait pas nécessairement à leur avantage.

Cette liberté de création, les islamistes la refusent aux musulmans comme aux «mécréants», dans leur langage

Si, au moins, en Europe, toutes les familles politiques attachées à la démocratie disaient «non» à l’islamisme. Ce n’est malheureusement pas le cas. Une partie de la gauche refuse ou rechigne à employer le terme d’islamisme, notamment pour qualifier l’acte de l’agresseur de Salman Rushdie, préférant parler, pour être moins stigmatisant, d’«obscurantisme religieux» – ce dont relève cet acte à n’en point douter, sauf qu’il se rattache à une idéologie bien précise.

Venant du tiers-mondisme, il y a en effet une partie de la gauche, dorénavant plutôt située à l’extrême gauche, qui, ces 20 dernières années, mais avant cela déjà au moment de la révolution islamique en Iran en 1979, au nom de l’anti-impérialisme, a noué un compagnonnage avec l’islamisme politique. Lequel sait s'y prendre pour culpabiliser les Occidentaux, au point de faire dire, aujourd'hui, à certains d'entre eux, comble du cynisme, que le port du burkini participe d’un combat féministe, quand il en est l’exact contraire.

Cette partie de la gauche acoquinée à l'islam politique, qui entretient la confusion entre islamisme et musulmans par calcul électoral, est devenue puritaine, elle est tombée dans le culte de l'offense, elle contribue à la réhabilitation, en réalité, du blasphème

L'islamisme politique, qui ne prône pas l’usage de la violence, aura abondamment eu recours, ces dernières décennies, à l’accusation d’islamophobie, le jour même, parfois, où étaient commis des attentats islamistes. L'islamophobie fut bien le reproche premier adressé à Salman Rushdie par la théocratie iranienne. Cela recouvrait chez lui le «crime» d’apostasie, le fait de ne plus se dire musulman, en quoi il méritait la mort pour ceux qui voulaient sa peau.

La laïcité protège tout le monde

Remise au goût du jour par l’ayatollah Khomeiny – le guide suprême de la révolution islamique de 1979, qui a renversé le shah d'Iran – pour faire taire toute critique de l’islam en un moment profondément réactionnaire dans l’histoire de cette religion, l’accusation d’islamophobie peut tuer, blesser ou valoir harcèlement nécessitant une protection policière. Disons, pour faire court, que ce terme n’est pas idéal pour désigner un racisme antimusulman, de même qu’une haine de l’islam. Au demeurant, on a le droit de ne pas apprécier une religion, quelle qu’elle soit, de trouver ridicules certains de ses aspects. Cela ne revient absolument pas à vouloir du mal aux fidèles ni à se moquer d'eux.

L'agression de Salman Rushdie est l'occasion de resserrer les rangs derrière la liberté et la laïcité, qui permet aux croyants de croire et aux incroyants de ne pas croire.

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