Donald Trump: «Putains de généraux, pourquoi vous ne pouvez pas être comme les généraux allemands?»
John Kelly: «Quels généraux?»
D.T: «Les généraux allemands pendant la Seconde Guerre mondiale»
J.K: «Vous savez qu'ils ont tenté de tuer Hitler trois fois et qu'ils ont presque réussi?»
D.T: «Mhm...»
John Kelly, 72 ans, est un général à la retraite du Corps des Marines des États-Unis. Il a surtout été le chef de cabinet de Donald Trump de 2017 à 2018 et le principal confident de l'ancien président.
Aujourd'hui enlacé par les tentacules de la justice, Trump a dernièrement déclaré que Mar-a-Lago, sa mansarde luxueuse de Palm Beach (qu'il dit avoir aménagé en pensant très fort au château de Versailles), avait été visitée par le FBI.
Dans un bouquin prévu pour le mois d'octobre, The Divider: Trump in the White House, deux journalistes de The New Yorker peignent le comportement d'un milliardaire frustré par le manque de loyauté et de soumission de ses hauts responsables militaires. Un large extrait de cette enquête a été publié par le journal américain lundi. On y découvre, sans grande surprise non plus, un homme particulièrement agacé de ne pouvoir disposer de tous les jouets du pouvoir comme bon lui semble. Trump avait d'ailleurs terminé l'échange cité au début de cet article par une réplique particulièrement dédaigneuse, qui trahissait (au passage) sa méconnaissance de la Seconde Guerre mondiale:
Le chef de cabinet a eu beau lui expliquer que de tels généraux n'existaient pas aux Etats-Unis, le golden-golfeur a tout essayé, en vain, pour mettre en place cette configuration allemande qu'il fantasmait. Cocasse, sachant que son ancien conseiller Steve Bannon a osé, mardi, comparer le comportement du FBI dans la résidence de Trump à celui de... la Gestapo.
Dans l'extrait en question, les anecdotes se concentrent notamment sur Mark A. Milley. L'un des fameux généraux pas suffisamment soumis au goût de l'ex-président. Réputé pour avoir déclaré devant le congrès que les États-Unis avaient «perdu» la guerre d'Afghanistan face aux talibans, il a été nommé chef d'État-Major interarmées des Forces armées, en 2018, par un Trump qui en avait soupé de Joseph Dunford, ce général des Marines nommé par Barack Obama.
D'abord conquis par la prestance du président, «Je ferai tout ce que vous demanderez de faire», il a rapidement dû composer avec un homme qui «a ruiné l'ordre mondial» et qui ne pouvait s'empêcher de donner des ordres, au mieux loufoques, au pire dangereux.
Des ordres parfois refusés par plusieurs responsables militaires.
Milley en a fait partie.
Le 1er juin 2020, une semaine après la mort de George Floyd, les manifestants du mouvement Black Lives Matter envahissent Lafayette Square, à Washington, non loin de la Maison Blanche. Trump est en colère et signale à son entourage qu'il veut régler cette histoire «très vite». Le président hurle qu'il faut envoyer immédiatement l'armée sur ces jeunes. Milley refuse. Un refus qui fait sortir l'ancien locataire de la Maison Blanche de ses gonds: «N'importe quoi! Vous êtes tous des perdants!»
L'extrait du livre, à paraître en octobre prochain et publié lundi par le New Yorker, démarre sur une anecdote française. Le 14 juillet 2017, Trump n'a que six mois de Maison Blanche dans les pattes. Il est convié par Emmanuel Macron au traditionnel défilé militaire de la Fête nationale, dont une partie lui est particulièrement destinée. Le milliardaire s'est rapidement dit «impressionné par cette démonstration martiale spectaculaire» commémorant le centième anniversaire de l'entrée américaine dans la Première Guerre mondiale. La France voulait séduire l'Amérique. Mission accomplie.
Le New Yorker écrit ensuite que «le général français en charge du défilé s'est soudain tourné vers l'un de ses homologues américains et lui a dit: "Vous allez faire ça l'année prochaine".»
Excité par tant de biceps en costume déployés pour célébrer la nation, Trump voulait la même chose pour «son» prochain 4 juillet. Hormis le fait que le défilé allait coûter des millions de dollars et «déchirerait les rues de la capitale», ses généraux ont surtout refusé de lui concocter sa grandiose sauterie patriotique par dégoût, de Mark A. Milley à James Mattis.
En parlant de Mark A. Milley, quelques jours après l'incident de Lafayette Square, le chef d'État-Major interarmées a torché une lettre de démission... qu'il n'a jamais envoyé à Trump. Plusieurs brouillons, d'ailleurs. Des ébauches, parfois plus développées que les autres, dont l'une des versions a été publiées en intégralité sur le site du New Yorker. La missive charge violemment l'ex-taulier de la White House.
Mark A. Milley n'a jamais démissionné. Et Trump n'aura jamais eu de généraux suffisamment à sa botte pour ne plus jalouser le Führer.
(fv)