QAnon? Ce mouvement complotiste n’existe pas. Il en va de même pour le racisme. Les manifestants qui ont investi le Capitole n’étaient autres que des patriotes mal avisés. De toute manière, la vraie menace vient des immigrants, de la Chine, de l’Islam, d’une élite libérale de gauche, des médias traditionnels et des oligarques informatiques. Voici en quelques mots les lignes directrices de l’émission américaine animée par Tucker Carlson tous les soirs de la semaine.
Et le succès est au rendez-vous. L’animateur américain a volé la vedette à Sean Hannity, présentateur principal de Fox News, en enregistrant 3,5 millions de téléspectateurs contre 2,8 millions pour Hannity. D’ailleurs, ses fans sont plus jeunes que ceux de son collègue plus prudent, dont la moyenne d’âge dépasse les 70 ans.
Au niveau des pensées, les deux animateurs sont bien différents. En effet, Sean Hannity s’appuie sur la vieille formule de Blocher, à savoir néolibéralisme associé au nationalisme. Quant à Carlson, il critique sans cesse le capitalisme, s’attaque à Wall Street, mais principalement à Facebook, Twitter et Google. En gros, il se fonde sur la formule bien rodée du national-socialisme.
Le racisme se situe au cœur du discours de Carlson. Dans absolument toutes ses émissions, il répète inlassablement son credo: «Les Etats-Unis ne sont pas un Etat raciste, donc il est impossible que le racisme existe». Même quand des personnes dont le propos ne peut être remis en cause affirment le contraire, l’animateur ne veut pas en démordre. Prenons l’exemple de l’assaut du Capitole.
Lors d’une audition au Sénat, Christopher Wray, promu directeur du FBI depuis 2017 par Trump, a déclaré:
Le directeur du FBI n’a fait que dire ce que le monde entier pouvait voir de ses propres yeux à la télévision. Quelqu’un a-t-il vu un seul manifestant de couleur au sein du Capitole? Erik Wample, spécialiste des médias pour le Washington Post fait une liste des militants:
Sur place étaient présents le gars affublé de son t-shirt «Camp Ausschwitz», l’autre type brandissant son drapeau confédéré et plusieurs membres des mouvements d’extrême droite Proud Boys et Oath Keepers. Toutes ces milices ont la même idéologie: la suprématie blanche, le christianisme, ainsi que la haine envers les immigrants et les musulmans.
Bien évidemment, Tucker Carlson condamne les violences qui ont eu lieu le 6 janvier. Néanmoins, contrairement aux membres violents du mouvement Black Lives Matter, il fait preuve de sympathie pour les émeutiers du Capitole. «Il s’agit en fait de purs Américains profondément frustrés. La question que je me pose est de savoir si les gens de Washington les comprennent vraiment et ressentent de la compassion envers eux. Cette question est très sérieuse.»
Bien que des bannières QAnon aient été brandies lors de nombreux rassemblements de Trump et durant la journée du 6 janvier, l’animateur télé met en doute l’existence même de ce mouvement radical. «Nous avons cherché QAnon toute la journée et avons finalement appris qu’il n’avait même pas son propre site internet», a-t-il raillé.
Ses blagues sont malvenues, car tout le monde sait que QAnon n’est pas une personne et qu’il n’existe aucun site internet. Il s’agit plutôt d’une théorie du complot qui se développe principalement à travers les discussions sur Internet. Quand il s’agit de mentir, Carlson, à l’instar de l’ancien Président américain, ne ressent aucune honte.
La mort tragique de Georg Floyd à Minneapolis illustre bien son comportement. Le monde entier a vu cet homme être étranglé à mort par un policier et le rapport du médecin légiste le confirme. Pourtant, l’animateur prétend, sans sourciller, que la victime est «probablement morte d’une overdose de fentanyl».
Comme Trump, Carlson s’érige en victime. Selon lui, les Démocrates «socialistes», les oligarques, l’élite de Washington et les médias traditionnels veulent tous le faire taire. Il s’attaque régulièrement à ses collègues journalistes et se plaint de la censure exercée contre lui et d’autres conservateurs.
Après la mort de l’animateur radio Rush Limbaugh, Tucker Carlson est devenu la nouvelle figure d’identification pour l’extrême droite et les suprémacistes blancs. Max Boot met en garde contre ce changement. L’historien, autrefois néoconservateur de premier plan, ayant travaillé pour le journal du groupe, Weekly Standard, a maintenant une colonne dans le Washington Post dans laquelle il s’est exprimé:
Pour Carlson, tout est sujet à calomnie et il saute sur la moindre occasion. Il a ainsi comparé Nancy Pelosi et Adam Schiff, tous deux membres démocrates du Congrès, à des Ottomans, insinuant qu’ils « allaient détruire les villes qu’ils ont conquises».
Il ne s’arrête pas là et compare Joe Biden à Leonid Brezhnev, principal dirigeant de l’Union soviétique.
Texte traduit de l'allemand par Justine Pedroni. Lien vers l'article original.