Donald Trump doit disparaître.
Une phrase qui, à dix mois de l'élection présidentielle, est sur toutes les lèvres. Celles de la justice, parfaitement à même de le disqualifier, que ce soit par le truchement des différents procès qui l'attendent ou la volonté de certains Etats de l'éjecter du scrutin des primaires républicaines. Les lèvres de Joe Biden, qui considère le milliardaire comme un danger pour l'Amérique, la démocratie et la stabilité du monde. Tout comme celles d'une fine moitié des Etats-Unis et d'une majorité des leaders occidentaux.
N'oublions pas Donald Trump lui-même, dont les lèvres sont badigeonnées de paranoïa, qui n'arrête pas de rabâcher que les démocrates et le locataire actuel de la Maison-Blanche fomentent secrètement sa chute.
Alors que l'issue de l'élection présidentielle américaine semble déjà se jouer bien loin du terrain purement politique, un trouble-fête enfonce le clou et convoque de nouveaux acteurs: les agences de renseignement et les fédéraux. Selon le professeur John Gentry, ancien analyste à la CIA, «des signes» montrent depuis quelques semaines que des agents «seront actifs en 2024», avec une volonté «d'interférer» dans le processus démocratique.
Notre homme considère également que le fait que le FBI ait «minimisé l’importance de l’ordinateur portable de Hunter Biden était clairement politique» et qu’une «source haut placée» lui avait dit «en termes non équivoques» que c'était dans le «but d’aider à la campagne Biden», lit-on dans le NY Post. Il faut préciser que John Gentry, ancien officier de réserve et professeur à l'Université de Georgetown, est un conservateur pure souche.
On retrouve principalement ses analyses dans les médias qui penchent à droite, dont Fox News ou Daily Mail, et dans un dernier bouquin sorti fin 2023, dont le titre laisse peu de place à l'imagination: Nettoyer la CIA: pourquoi le renseignement américain contre Trump a des conséquences à long terme. Mais que nous raconte exactement cet ex-analyste de ladite agence qu'il s'agit de «nettoyer»?
Une vieille histoire et une polémique qui va rapidement gagner en ampleur en cette année présidentielle, à savoir la politisation des agences de renseignement. Plus précisément, un «militantisme anti-républicain au sein des agences» que le «président Obama a fortement contribué à promouvoir». En d'autres termes, «Donald Trump est considéré comme une menace» qu'il faudra «neutraliser», qu'importe la manière.
On sait par exemple que le FBI est l'un des punching-ball préférés des conservateurs. Accusé d'oeuvrer systématiquement contre le Grand Old Party et de verser dans un «wokisme» néfaste pour la «sécurité de la nation», son directeur a été récemment criblé de critiques, dans le cadre d'une audition au Congrès. Christopher Wray est pourtant un électeur républicain de la première heure, nommé par... Donald Trump lui-même en 2017.
Les mêmes foudres s'étaient abattues sur le FBI, quand ses agents ont déboulé à Mar-a-Lago, dans le cadre de l'enquête sur les dossiers classifiés, que le 45e président avait emportés avec lui à la fin de son mandat. On le sait, pour Trump, les fédéraux sont des «flics véreux» à qui il a déclaré la guerre dès le début de son mandat en 2016. Une guerre qui ne se terminera jamais, surtout si le milliardaire venait à retrouver le Bureau ovale en novembre prochain.
Bien sûr, le candidat républicain n'est pas le premier président à avoir tenu tête au FBI. Pensons notamment à John Fitzgerald Kennedy ou encore à Bill Clinton, qui limogea son patron en 1993, comme Trump a fichu James Comey dehors en 2017. Mais les tensions n'avaient jamais été balancées ainsi sur la place publique.
Aujourd'hui, la mission du Bureau est truffée d'embûches et la moindre erreur est capable d'enflammer le débat politique. En 2018, le rapport Durham, du nom du procureur spécial nommé sous Trump, avait pointé les manquements du FBI, dans l'enquête sur l'ingérence russe, durant la campagne présidentielle. Du pipi de chat pour les démocrates, un scandale pour les républicains. «Le FBI se livre à mon avis à un abus de pouvoir, parce que l’enquête de contre-espionnage menée contre Donald Trump ne semble pas être fondée sur des preuves concrètes de collaboration avec la Russie», confiait à l'époque l'historien Ivan Greenberg, au Temps.
Et cette impression générale, plutôt tenace, que l'on retrouve jusque dans les films: le Federal Bureau of Investigation déteste recevoir des ordres, de qui que ce soit, et choisit lui-même ses ennemis, ses batailles, ses menaces.
Une petite règle de trois frauduleuse? Si le FBI protège les Américains de nombreuses menaces et que Trump est considéré comme une menace, les pro-Trump partiront alors du principe que le FBI fera tout pour évincer leur gourou.
Pour en revenir aux pronostics du professeur John Gentry, ce n'est probablement pas demain que le directeur du FBI ordonnera froidement l'élimination de Donald Trump. Mais tous les ingrédients sont réunis pour qu'il soit possible d'en propager la rumeur et la menace.
La preuve? Ce samedi, les Etats-Unis fêtent les trois ans d'un traumatisme qui hante toujours la démocratie américaine: l'insurrection du 6 janvier 2021. Et, aussi fou que cela puisse paraître, les républicains accusent toujours le FBI d'avoir ordonné «l'infiltration d'agents» au sein des groupes pro-Trump, afin de «les inciter à attaquer le Capitole».