Shaqiri peut construire sa maison de luxe, mais à une condition
Le long différend autour de la villa que le footballeur-star Xherdan Shaqiri prévoit d’ériger sur le Kapuzinerberg à Rheinfelden (AG) touche à sa fin. Le tribunal administratif argovien a largement confirmé le permis de construire de sa luxueuse propriété – mais sous une nouvelle condition: Shaqiri pourra bâtir à condition d’équiper toutes les fenêtres de stores, afin de réduire les nuisances lumineuses pour le voisinage.
Ainsi, le capitaine du FC Bâle obtient, après plus de quatre ans de querelles juridiques, un feu vert de principe pour son projet de demeure somptueuse – du moins provisoirement.
Le projet de construction de Shaqiri, situé au 5 Birkenweg à Rheinfelden, avait déjà été soumis à enquête publique en mars 2021. Quatre chambres à coucher et six salles de bains, piscine avec pergola et jacuzzi, cinéma, salle de sport et hammam: la villa projetée ne manquera de rien. Coût estimé selon la demande de permis: environ 2,8 millions de francs.
L'attique pose problème
Mais deux voisins ont déposé une opposition. Ils étaient dérangés par la grande façade vitrée, l’ascenseur panoramique et l’attique prévus pour la villa. Le conseil communal de Rheinfelden a rejeté les oppositions, et le Département cantonal argovien de la construction, des transports et de l’environnement a confirmé l’autorisation en 2023. Le chantier semblait pouvoir commencer – jusqu’à ce que le tribunal administratif, début 2024, fasse volte-face.
En janvier 2024, le tribunal administratif a donné raison aux voisins. Selon lui, la villa, avec une surface de plancher utile de 498,91 m², dépassait de près de 50 m² le coefficient d’exploitation autorisé. En cause: l’étage attique, qui, d’après les juges, devait être comptabilisé dans la surface brute de plancher. Shaqiri et la ville de Rheinfelden ont fait recours devant le Tribunal fédéral – avec succès.
En mars de cette année, le Tribunal fédéral a annulé ce jugement, estimant que le tribunal administratif avait porté atteinte à l’autonomie communale de Rheinfelden. Certes, le mot «attique» ne figure pas dans le règlement communal sur la construction, mais il était pertinent de l’assimiler à un étage de comble.
La ville avait donc agi en conformité avec sa pratique antérieure en matière d’autorisations: plusieurs projets précédents n’avaient pas intégré les attiques dans le calcul du coefficient d’exploitation. Le tribunal administratif aurait dû respecter cette interprétation communale et non la remplacer par la sienne. Les recours de Shaqiri et de la ville ont donc été admis, et l’affaire renvoyée pour nouvel examen.
Les voisins dénoncent les émissions lumineuses
Dans son arrêt désormais publié, le tribunal administratif s’est penché sur les derniers points litigieux: les émissions lumineuses et la configuration de l’attique. Les voisins soutenaient que les grandes baies vitrées et la cage d’ascenseur vitrée émettraient une lumière trop vive la nuit, perturbant le repos dans leurs chambres.
Le tribunal a étudié la question en détail, en se fondant sur les recommandations de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) pour la prévention des émissions lumineuses. Celles-ci considèrent que la lumière provenant d’habitations reste généralement une nuisance mineure, tant qu’elle est limitée par des moyens techniques ou de fonctionnement. Ce qui compte, c’est la présence de mesures telles que des commandes automatiques ou des stores.
Le tribunal administratif a conclu que la lumière intérieure de la villa atteindrait seulement un faible niveau d’émission. L’éclairage de la cage d’ascenseur vitrée serait activé par une commande automatique et uniquement de façon brève. En outre, le maître d’ouvrage a assuré que toutes les fenêtres seraient équipées de stores. Cette combinaison de mesures techniques permet déjà de prévenir efficacement tout éclairage gênant.
Cependant, le tribunal a précisé que cet engagement devait devenir juridiquement contraignant. Le permis de construire a donc été assorti d’une nouvelle condition: l’installation de stores à toutes les fenêtres, y compris sur la grande verrière de l’escalier. Une réduction de la surface vitrée ou la suppression des façades en verre aurait été disproportionnée et contraire au principe de proportionnalité. Dans une zone résidentielle, il n’existe aucun droit à l’obscurité totale, a rappelé le tribunal; certaines émissions lumineuses doivent être tolérées dans le cadre d’un usage d’habitation normal.
Les voisins doivent payer
Concernant la disposition de l’attique, le tribunal n’a pas non plus suivi les voisins. Il a constaté que toutes les limites et hauteurs réglementaires étaient respectées. La façade est du bâtiment est fortement décalée, la structure de l’ascenseur ne mesurant que 7,9 mètres – bien en dessous de la hauteur maximale autorisée de 12 mètres – et suffisamment éloignée des limites de propriété. Grâce à cette conception en retrait, les ombres projetées sont nettement réduites.
Les juges ont souligné que même une maison construite selon les normes ordinaires – avec un toit à deux pans et la hauteur maximale permise – produirait une ombre comparable, voire plus importante. Dans ces conditions, un diagramme d’ombre supplémentaire n’était pas nécessaire.
Le tribunal a également rejeté la demande des plaignants d’effectuer une visite des lieux. Les faits étaient suffisamment établis à partir des plans et documents existants. Une inspection n’aurait pas apporté d’éléments nouveaux décisifs et n’était donc pas justifiée.
Bien que les voisins aient obtenu un petit succès formel avec l’imposition des stores, ils sont considérés comme la partie perdante. Ils doivent s’acquitter des frais de procédure, soit 7 777 francs, et verser en outre 6 600 francs à Shaqiri et 4 125 francs à la ville de Rheinfelden au titre de dépens. Le tribunal a qualifié leur victoire de «très marginale».
Le jugement apporte une clarification juridique, mais il ne signifie pas un démarrage immédiat des travaux: la construction ne pourra débuter que lorsque toutes les conditions annexes – telles que la végétalisation et l’utilisation des eaux souterraines – auront été remplies et qu’aucun nouveau recours ne sera pendant.
La décision (WBE.2025.162) n’est pas encore définitive. Les voisins peuvent la contester devant le Tribunal fédéral.
Adaptation en français: Yoann Graber
