Donald Trump est-il un fasciste ou pas? Le débat traîne depuis des années. Les récentes déclarations de l'ex-président et la révélation de ses projets, s'il devait effectivement revenir à la Maison-Blanche, permettent désormais de trancher.
Rob Reiner, un acteur et réalisateur connu notamment pour son classique Quand Harry rencontre Sally, n'a pas pris de gants dans une interview sur la chaîne de télévision câblée MSNBC:
Ceux qui traitent leurs adversaires politiques de «vermine» à «exterminer» ne laissent effectivement plus aucune question en suspens. «Il s'agit d'échos à une rhétorique fasciste et ils sont très précis», explique Ruth Ben-Ghiat, professeur à l'université de New York, au NY Times.
Depuis qu'il a descendu l'escalator de la Trump Tower et annoncé sa candidature en 2015, l'ex-président a durement frôlé la rhétorique fasciste. Il a ainsi qualifié en bloc les Mexicains de «criminels» et de «violeurs». Aujourd'hui, ces limites sont allègrement franchies.
En voici quelques exemples: Il veut faire exécuter Mark Milley, l'ancien chef d'état-major de l'armée américaine, pour une prétendue trahison. Il menace de vengeance et de représailles ses adversaires politiques, qu'il veut tout jeter en prison, mais tout particulièrement la famille Biden. Les démocrates à Washington sont «un nid de malades qui doit être nettoyé et, ce, immédiatement». En cas de réélection, il «enlèvera définitivement les gants» et frappera fort. Enfin, tenez-vous bien: Trump veut même briser l'un des plus grands tabous des Américains: dézinguer la Constitution.
En outre, de plus en plus de détails ont été révélés récemment sur la manière dont Trump entend mettre en œuvre ses projets fascistes. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il a chaleureusement félicité Javier Milei, fraîchement nommé président de l'Argentine, pour sa victoire électorale. Comme on le sait, ce dernier veut réduire l'Etat à un minimum absolu et licencier des fonctionnaires à grande échelle. Trump veut, lui aussi, virer quelque 5000 fonctionnaires et les remplacer par des marionnettes drillées pour être parfaitement loyales.
Ainsi, l'ancien conseiller à la sécurité Michael Flynn est censé réintégrer la West Wing de la Maison-Blanche et Jeffrey Clarke est pressenti pour devenir ministre de la Justice. Rappelons que Flynn a été condamné - et gracié par Trump - pour avoir menti au FBI et que Clarke est l'un des co-accusés du procès pénal en Géorgie.
Même ceux qui condamnaient Trump pour sa propension au chaos, mais qui le considéraient davantage comme un clown politique que comme un fasciste commencent à admettre qu'ils se sont peut-être trompés. L'un d'entre eux est Chuck Hagel, un républicain et ancien secrétaire à la Défense sous Barack Obama. S'il continue de penser que Trump n'a pas une vision cohérente du monde, il admet au Ny Times que «son style est sacrément dangereux».
Le fascisme du milliardaire, désormais ouvertement affiché, a aussi un côté positif: les démocrates se réveillent enfin, après avoir longtemps tenté d'ignorer l'ex-président. Joe Biden a même refusé jusqu'à présent de prononcer son nom et n'a parlé (quand il le faisait) du «former guy». En gros, le gars d'avant.
Désormais, Biden attaque son adversaire nommément et plutôt frontalement dans ses discours. Outre la question de l'avortement, le danger que représente Trump pour la démocratie devient le thème central de la campagne électorale démocrate. Ces derniers demandent même aux chaînes de télévision de couvrir à nouveau davantage les rallyes du messie MAGA, comprenant que l'ignorance n'est pas la bonne tactique.
Sa rhétorique fasciste a également fait réagir le camp des nouveaux adeptes de Donald Trump. Dans une tribune publiée dans le NY Times, trois sommités juridiques (et conservatrices) tirent la sonnette d'alarme: George Conway, Michael Luttig et Barbara Comstock.
Ils déplorent que la Federalist Society - un lobby juridique extrêmement puissant aux Etats-Unis - ne remplisse plus sa mission de gardien de la démocratie. Ils veulent donc mettre sur pied un nouveau mouvement de juristes responsables, car «nous devons reconstruire quelque chose capable de soutenir la démocratie américaine, la Constitution et l'Etat de droit».
(traduit de l'allemand par Fred Valet)