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Pourquoi le juge Alito est coincé entre Trump, sa femme et un drapeau?

Le juge de la Cour suprême Samuel Alito a remis une pièce dans le scandale trumpien.
Le juge de la Cour suprême Samuel Alito a remis une pièce dans le scandale trumpien. images: getty, montage: watson

Pourquoi ce juge suffoque entre sa femme, Trump et un drapeau

C'est un véritable feuilleton qui ébranle la Cour suprême. Depuis que Samuel Alito a été pris en flagrant délit de drapeau américain hissé à l'envers devant sa maison, ce juge conservateur est accusé (au mieux) de fricoter avec Trump. Jeudi, dans une lettre étrange, il a refusé de se récuser et rejette encore la faute sur sa femme... sans la nommer. Récit.
30.05.2024, 18:5630.05.2024, 18:56
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«My wife.» Dans un courrier officiel adressé au démocrates du Congrès américain, Samuel Alito rejette (une nouvelle fois) toute la responsabilité sur sa «femme». Une épouse qui n'aura d'ailleurs jamais droit à un nom, malgré deux bonnes pages d'explications. Ce juge de la Cour suprême va même pousser le bouchon jusqu'à former une anaphore, comme l'avait fait François Hollande avec son célèbre «moi, président de la République»: pas moins de quatre paragraphes qui démarrent par «My wife» et qui sont censés le disculper.

Samuel Alito, juge à la Cour suprême, dans une lettre d'explication adressée au Congrès américain.
Samuel Alito, juge à la Cour suprême, dans une lettre d'explication adressée au Congrès américain.

«C'est pas moi, c'est ma femme.» Mais de quoi parle-t-on exactement? Vous vous en souvenez peut-être, le 15 mai dernier, le New York Times révélait, image à l'appui, que la propriété de la famille Alito, à Alexandria en Virginie, arborait un drapeau des Etats-Unis hissé à l'envers.

Et pas tout à fait à n'importe quel moment: le 17 janvier 2021. Soit onze jours après l'assaut du Capitole et trente-six heures avant l'investiture de Joe Biden. Un bricolage qui a fait l'effet d'une bombe dans le paysage politico-judiciaire. Pour une raison à la fois simple et complexe: ce geste ressemble à s'y méprendre au symbole de révolte utilisé par l'extrême droite américaine pour refuser la défaite de Donald Trump.

OLYMPIA, WA - JANUARY 10: A conservative demonstrator holds a U.S. flag upside down as an anti-vaccination demonstrator walks nearby at the Washington State Capitol campus on January 10, 2021 in Olymp ...
Getty Images North America

Ce sont des voisins du couple qui ont pris la photo en question, avant d'alerter la presse. Détail cocasse, le jour de l'investiture de Joe Biden, soit plus de 1200 jours avant les révélations du NY Times, le Washington Post avait refusé de publier une interview de Samuel Alito, réalisée par le journaliste judiciaire Bob Barnes, prétextant qu'il n'y avait pas de quoi en faire tout un fromage. Déjà à l'époque, le juge de la Cour suprême avait glissé sa femme dans l'affaire, en racontant que le drapeau de la discorde avait été hissé par Madame Alito à cause de l'attitude «agressive» de plusieurs riverains à son encontre.

«Dès que je l’ai vu, j’ai demandé à ma femme de le retirer, mais pendant plusieurs jours, elle a refusé»
Le juge, au sujet de son épouse

Un stupide conflit de voisinage? Cette version sera confirmée par l'épouse à l'époque, dans l'article du Post qu'il va finalement se résoudre à publier le 25 mai dernier. On y apprend notamment que la maison d'à côté avait planté un panneau «Fuck Trump» dans sa pelouse, avant d'en rajouter un deuxième arborant une insulte doublée d'une accusation: «Vous êtes complices».

Pour la famille de l'homme de loi, pas de doute: la menace leur était destinée, justifiant ainsi l'expédition punitive menée, selon le mari, par son épouse. Une explication brouillonne (pour un juge de la Cour suprême) qui ne trompera personne. Et pas seulement parce que les voisins en question jurent que le panneau anti-Trump n'avait été planté qu'un mois après le renversement de l'Old Glory.

Pour ne rien arranger, mercredi, la fameuse voisine, une jeune progressiste qui avait rejoint sa maman en Virginie durant la pandémie, dira au New York Times qu'elle n'a jamais vu le drapeau au œr de la polémique et révélera de nouveaux détails sur la temporalité de la querelle. Sans compter qu'un deuxième drapeau, datant de l'Indépendance et lui aussi trimballé par les émeutiers en janvier 2021, avait été hissé devant leur résidence secondaire, dans le New Jersey. Une relique historique, prônant un Etat plus chrétien, devenu un signe de ralliement du mouvement MAGA.

Stop the steal and seek the truth and encourage action rally for president Trump at the State Capitol. . (Photo by: Michael Siluk/Education Images/Universal Images Group via Getty Images)
Universal Images Group Editorial

Dans sa récente lettre au Congrès, sur laquelle le sceau de la Cour suprême trône bien en vue, Alito utilise donc «l'indépendance» de sa moitié (qui se prénomme Martha-Ann) comme de la chair à canon pseudo féministe, afin qu'on ne puisse pas suggérer que la justice avait un message politique à propager dans le quartier. C'est raté.

«Que ce soit un conjoint, un enfant peu importe, un juge de la Cour suprême ne devrait pas autoriser un tel message dans son jardin. Surtout quand vous devez trancher des affaires liées aux élections»
Amanda Frost, professeur de droit à l'Université de Virginie, interrogée par le New York Times

Que des notables d'une ruelle paisible se crêpe ou non le chignon, c'est bien un scandale politique qui secoue la plus haute juridiction du pays. Les juges de la Cour suprême s'apprêtent à se prononcer sur deux affaires aussi sensibles que cruciales, qui entourent l'assaut du Capitole. Et l'une d'elle concerne l'immunité présidentielle dont Donald Trump est persuadé de pouvoir jouir.

Bien sûr, le fait que Samuel Alito soit un citoyen américain (ultra)conservateur n'a jamais été un secret. Depuis sa nomination par George W. Bush le 31 octobre 2005, ce juge a provoqué plusieurs larges vagues d'indignation à gauche (et des manifestations devant sa propriété de Virginie). Notamment lorsque Politico révélera son avis favorable à l'annulation de l'arrêt Roe c. Wade, qui légalisait l'avortement aux États-Unis.

WASHINGTON, DC - DECEMBER 01: An activist with The Center for Popular Democracy Action holds a photo of U.S. Supreme Court justice Samuel Alito as they block an intersection during a demonstration in  ...
La tête du juge Alito, brandie dans une manifestation à Washington, six mois avant l'annulation de l'arrêt Roe v. Wade. Getty Images North America

Mais l'actualité brûlante autour de Donald Trump jette une lumière crue sur le feuilleton dans lequel il est embourbé depuis plus de trois ans. Une grosse poignée d'élus démocrates considèrent que l'homme de 74 ans démontre lui-même qu'il n'est plus en mesure de remplir sa mission de manière intègre. Le 23 mai, deux pontes démocrates ont donc exhorté le président de la Cour suprême à pousser Alito à se récuser.

«Cela crée un doute raisonnable quant à son impartialité dans certains dossiers dont la Cour est saisie»
Dick Durbin et Sheldon Whitehouse, deux influents sénateurs démocrates, dans un courrier au président de la Cour suprême

Mercredi soir, dans son étrange lettre, le principal intéressé a refusé de raccrocher la robe, affirmant que les «deux incidents cités ne remplissent pas les conditions requises pour une récusation». Cerise sur le scandale, jeudi, c'est Donald Trump qui est venu rajouter une couche de malaise en félicitant, sur son réseau Truth Social, «l'intelligence, le courage et les tripes» d'un juge conservateur qui n'avait jamais autant pataugé dans cette mélasse d'extrême droite insurrectionnelle.

Précisons tout de même que personne n'a l'autorité de dégager un membre de la Cour suprême, sinon lui-même. De quoi rallonger d'avance un feuilleton dont les Américains n'avaient pas besoin pour être quotidiennement réveillé de leur torpeur.

Plusieurs questions, bien moins politique, se propagent peu à peu comme des ragots: Samuel Alito est-il en train de laver son linge sale en public? Y a-t-il suffisamment d'eau dans le gaz marital pour qu'il jette son épouse sous les projecteurs et refuse de citer son nom?

Une chose est certaine: rien ne va dans cette histoire.

Trump se moque de Biden
Video: instagram
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