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Remaniement en France: Attal a foiré ses débuts

Gabriel Attal, Premier ministre et Amélie Oudéa-Castéra, Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse de France
Amélie Oudéa-Castéra et Gabriel Attal.Image: watson

Attal a foiré ses débuts

Suite à des déclarations d'une grande maladresse, la ministre de l'Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra, est sur un siège éjectable. Décryptage de débuts complètement ratés pour le jeune chef du gouvernement, Gabriel Attal.
15.01.2024, 17:0016.01.2024, 09:27
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Les appels à la démission se multiplient. Les jours d’Amélie Oudéa-Castéra au sein du tout jeune gouvernement Attal sont peut-être comptés. La super-ministre de l’Education nationale, des Sports, des Jeux olympiques et paralympiques – plus important que ce ministère à rallonge, en termes de symboles, c’est impossible – est dans la mouise jusqu’au cou. En cause: des mots on ne peut plus mal choisis pour tenter de se justifier. Facteur aggravant, elle aurait menti.

Tout commence le 12 janvier avec un article du site Mediapart révélant qu’Amélie Oudéa-Castéra, épouse du président du conseil d’administration de la pharma Sanofi, Frédéric Oudéa, a scolarisé ses trois enfants, des garçons, au collège Stanislas, un établissement catholique privé, réputé «réac», situé dans le chic 6e arrondissement parisien. Une ministre de l'Education nationale qui place ses trois enfants à l'école privée plutôt qu'à l'école publique, le message envoyé est désastreux, alors que le nouveau gouvernement n'a même pas une semaine d'existence. Interrogée dans la foulée par BFMTV, la ministre joue le registre de la sincérité, façon «je vais tout vous dire». Un «parler-vrai» qui très vite se retourne contre elle.

Ces déclarations qui ne passent pas

Que répond face aux caméras celle qui occupe un rang important, le quatrième, dans l’ordre protocolaire des ministres? Alors qu’elle effectue sa première sortie sur le terrain accompagnée de Gabriel Attal, elle invoque «la frustration [des] parents, mon mari et moi, qui avons vu des paquets d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées (réd: dans le public). Et à un moment, on en a eu marre (…) on a fait un choix d’aller chercher une solution différente.»

Elle cite le cas de son fils aîné, Vincent, «qui a commencé comme sa maman à l’école publique, à l’école Littré», située, elle aussi, dans le 6e arrondissement de Paris. Le passage de Vincent dans le privé, ses deux frères y ayant été inscrits directement, serait donc dû à des absences de professeurs non remplacées.

«Mépris inacceptable»

Résultat: le lendemain, samedi 13 janvier, la Fédération des Conseils de parents d'élèves de Paris (FCPE, marquée à gauche) dénonce un «mépris inacceptable». Des syndicats de professeurs parlent à leur tour de «mépris» et appellent à la grève, une grève initialement prévue pour les salaires et les conditions de travail du corps enseignant, qui trouve dans cette «violente charge contre l'enseignement public» un motif supplémentaire.

Les propos tenus la veille par Amélie Oudéa-Castéra ne peuvent pas être ceux d’une ministre de l’Education nationale. Ils plombent une institution, dont son prédécesseur, Gabriel Attal, devenu depuis premier ministre, s’était au contraire employé à relever le moral.

La ministre s'excuse. Elle dit «regretter» d'avoir pu «blesser certains enseignants de l'enseignement public» et assure qu'elle sera «toujours» aux «côtés de l'école publique et de ses professeurs».

«Ça m’a horrifiée»

L’affaire aurait pu en rester là, c’est-à-dire à quelque chose de déjà passablement dégradé entre Amélie Oudéa-Castéra et les profs. Quand est tombé le soupçon de «mensonge». Dimanche, Libération produisait le témoignage de Florence (prénom modifié), une ancienne professeure de l’école Littré, l’établissement public cité par la ministre. «Ce que dit la ministre est archifaux, ça m’a horrifiée», déclare Florence, qui était l’enseignante de Vincent.

«Je me sens personnellement attaquée. Je n’ai pas été absente et quand bien même cela aurait été le cas, on était toujours remplacé. Il n’y a jamais eu de problème de remplacement à Littré qui est une petite école très cotée.»
Florence, à Libération

La scolarisation de Vincent à l’école Littré, en section maternelle, l’enfant étant alors âgé de 3 ans, aurait été de courte durée: six mois. Selon Florence, les parents voulaient faire monter leur fils d’un niveau, mais il n’avait pas l’âge. L’école Littré a refusé, «pour le bien de l'enfant», soutient Florence.

Le second témoignage qui fragilise la ministre

Ce serait donc ce refus et non pas des heures non-remplacées qui auraient décidé les parents à placer leur fils aîné dans le privé, à Stanislas. Confronté au témoignage de Florence, la ministre le qualifie d’«élément à côté de la vérité» et maintient qu’elle et son mari étaient «régulièrement perturbés dans [leur] organisation parce que les cours sautaient».

Sauf qu’un second témoignage corroborant celui de Florence vient affaiblir la ligne de défense d’Amélie Oudéa-Castéra. Lundi matin sur RMC, le journaliste Nicolas Poincaré a affirmé que son fils, durant les huit ans qu’il a passés à l’école publique Littré, en maternelle puis en primaire, n’a jamais été confronté à des heures non-remplacées. Aïe!

Laurent Joffrin: «Ce n’est pas tenable»

Laurent Joffrin, l’ancien directeur de la rédaction de Libération, a été élève au collège catholique Stanislas. «C’était en 1969 et ce n’était pas mon choix», confie-t-il à watson. «C’est une école qui a été fondée au 19e siècle pour s’opposer aux idées républicaines, perçues à l’époque comme diaboliques», ajoute le journaliste, aujourd’hui à la tête du site LeJournal.info, dont il est le fondateur.

«La position d’Amélie Oudéa-Castéra n’est pas tenable. Dans ses premières déclarations, elle se donne l’apparence d’une bourgeoise pour qui l’école publique, c’est le bordel»
Laurent Joffrin

La situation se complique encore du fait d’un rapport sur le collège Stanislas, commandé en février 2023 par l’ex-ministre de l’Education nationale Pap N’Diaye, remis l’été dernier, jamais rendu public, aujourd’hui sur le bureau d’Amélie Oudéa-Castéra – d’où un possible conflit d’intérêts. Sous contrat avec l’Education nationale, le collège catholique Stanislas est accusé de véhiculer une vision sexiste et homophobe de la société. Pour sa défense encore, la ministre a indiqué qu'elle n'avait pas placé ses enfants dans cet établissement pour «des raisons idéologiques». «Je ne suis pas catholique», a-t-elle précisé.

Le rôle du secrétaire général de l'Elysée

A ce stade, on se demande pourquoi le président Emmanuel Macron et son premier ministre Gabriel Attal ont pris le risque de nommer Amélie Oudéa-Castéra à la tête de l’Education nationale, ministère ultra-sensible. Laurent Joffrin a peut-être une explication.

«Elle est de la même promotion à l’ENA que le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler. Celui-ci a dû dire à Macron qu’elle était bien. De fait, elle a fait de brillantes études.»
Laurent Joffrin

En déplacement lundi en Seine-Saint-Denis avec le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, Amélie Oudéa-Castéra a demandé de «clore» le «chapitre des attaques personnelles». «Jamais mon mari et moi n’avons priorisé autre chose que le bien-être de notre enfant. Je crois en l’école publique», a-t-elle déclaré.

«Il est temps de démissionner»

De son côté, l’opposition dans son ensemble, France insoumise, Parti communiste, écologiste et Rassemblement national réclament sa démission. «Il est temps de démissionner, Madame la Ministre», écrit le patron du Parti communiste Fabien Roussel sur X.

Sur le fond, nul ne nie le problème endémique des heures non-remplacées dans l’école publique, si l’on excepte des établissements situés dans les «beaux quartiers», à l’exemple de l’école Littré. Si, comme le note Libération, tous les prédécesseurs d’Amélie Oudéa-Castéra depuis 2017 ont mis leurs enfants dans le privé ou l’ont eux-mêmes fréquenté, le malaise, avec l’actuelle ministre, vient essentiellement de l’incroyable maladresse de ses premières déclarations donnant à penser que l’école publique est un lieu à fuir.

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