On prend les paris? On n’a pas fini d’entendre parler de l’«orientation» de Gabriel Attal, à la fois un «sujet» et un «non-sujet». On le sait, on le savait, il s’en était lui-même ouvert dernièrement: le nouveau premier ministre français est gay. Certains mots, certaines tournures de phrases prendront à l'avenir une résonance particulière, parfois graveleuse. On verra des allusions là où il n’y en a pas nécessairement. Aux allusions répondront des sous-entendus. D’ailleurs, ça commence.
Dans un tweet publié tôt mercredi matin, Daniel Schneiderman, animateur et fondateur du site de gauche Arrêt sur images, réagit de manière allusive à un passage d’un article du Monde relatant la façon dont le Rassemblement national (RN) accueille la nomination de Gabriel Attal, 34 ans, au poste de premier ministre. «Ceux qui savent» pourront y voir des sous-entendus.
Voici ce passage:
Ironique ou agacé, Daniel Schneiderman demande qu’on lui donne des «exemples» de ces «échanges au ton grivois», par «petits mots» interposés. Qu'est-il en train d'imaginer? Ce n’est pas un secret non plus: le député RN Sébastien Chenu, qui vient du parti UMP (devenu Les Républicains), est l’un des fondateurs en 2001 de GayLib, une association LGBT de droite libérale.
Quant à Jean-Philippe Tanguy, autre député RN, son homosexualité est également connue, il ne s'en cache pas, sans en faire un étendard. Lui rappelant son orientation sexuelle, la journaliste qui l’interrogeait mercredi matin sur France Inter l'a invité à commenter la nomination d’un premier ministre gay. Sa réponse:
En mentionnant, à la manière d’un Flaubert maniant la litote, ces «petits mots», «forts peu politiques», échangés entre Attal, Chenu et Tanguy à l'Assemblée national, le journaliste du Monde sous-entend-il l'existence entre eux d'une complicité gay transpartisane? Ou est-ce nous qui interprétons mal? Mercredi, le plateau de Quotidien, le divertissement de Yann Barthès, était mort de rire en évoquant la bourde (le lapsus?) de BFMTV. La chaîne d'information avait mis en bandeau «Premier bain de boule» ou lieu de «Premier bain de foule» sur les images du premier déplacement de Gabriel Attal, mardi, en tant que chef du gouvernement. A quoi pensaient les rieurs?
Cher @julienbellver, le « stagiaire bandeaux de BFM » est un mythe inventé de toutes pièces et le répandre n'est que contre-productif, a fortiori venant d'un journaliste. Quand vous voulez pour une formation à ce poste, qui en est un à part entière.😉
— Florian Poras (@porasflo) January 10, 2024
(PS : l'erreur est humaine) pic.twitter.com/QpUPOWXYeV
Deux écoles: ceux pour qui faire état de l’homosexualité de Gabriel Attal, le jour de sa nomination à la tête du gouvernement français, se justifie; ceux qui pensent que cette caractéristique est sans importance dans le débat public.
Aux Etats-Unis, où les identités sont des données majeures de la vie politique, le New York Times, grand quotidien progressiste, a titré: «La France se dote du plus jeune et du premier chef de gouvernement ouvertement gay». En France, Libération, avant de reprendre mercredi ses attaques contre Emmanuel Macron, a salué en ces termes l’entrée de Gabriel Attal à Matignon:
D’autres, telle l’auteure du tweet ci-après, ne jugent pas utile de souligner son orientation sexuelle:
La France progressera vraiment quand un quotidien de référence ne parlera pas de la vie sexuelle d'un Premier Ministre, quelle qu'elle soit, trois minutes après sa nomination. https://t.co/wfR8EWyHdf
— Bérengère Viennot (@Berentrice) January 9, 2024
Pour les associations LGBT, la nomination de Gabriel Attal à Matignon est clairement une bonne chose en termes de symbole. En France, SOS Homophobie s’en félicite sur son compte X:
En Suisse, le coprésident de la Fédération des associations genevoises LGBT, Eric Amato, joint par watson, accueille cette promotion avec enthousiasme:
Eric Amato dresse un rapide bilan:
Pendant ce temps, les réseaux sociaux continuent d’héberger des commentaires ou allusions homophobes. Exemple: l’ancien gilet jaune et anti-pass sanitaire «Oliv Oliv» qui imite la «folle» dans ce tweet:
Ca commence l'homophobie au sujet de Gabriel #Attal 🤮
— Ch (@APchris06) January 8, 2024
L'illettré, complotiste @olivoliv22 pic.twitter.com/qKMIk6mbX9
La gauche indigéniste, proche des milieux de l'islam politique, retient surtout que Gabriel Attal a interdit l’abaya à l’école:
Ils vont passer la journée à nous présenter Gabriel Attal comme « le plus jeune 1er Ministre de la Ve », « le 1er à être ouvertement gay », « l’homme à gauche de la Macronie » alors qu’on le connaît surtout pour sa chasse aux abayas : islamophobie, répression, autoritarisme.
— Sihame Assbague (@s_assbague) January 9, 2024
Dans la même veine, l'extrême gauche LGBT voit en Gabriel Attal un ennemi de classe et de race:
CET homme gay, c’est donc le modèle du gay que l’hétérosexualité veut bien accepter : le gay qui lui ressemble le plus, et qui se comporte dans l’intérêt de l’hétérosexualité blanche de classe sup - en votant des lois qui lui sont favorables.
— Trung Nguyên Quang (@trung_ngq) January 10, 2024
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Edwy Plenel, cofondateur de Mediapart, apporte sa pierre à cette lapidation en relayant un article de son site décrivant Gabriel Attal comme «gay mais pas trop». Comme si être gay impliquait un engagement révolutionnaire pareil à une théologie de la libération.
Gay mais pas trop : Attal, qui a interdit l’abaya à l’école et désormais chargé du « réarmement civique », ne saurait être suspect de menacer l’autorité de l’État avec des revendications minoritaires. Ainsi lui seront ouvertes les portes du pouvoir. https://t.co/FW8aNMAMRn
— Edwy Plenel (@edwyplenel) January 10, 2024
D’autres s’attaquent au nouveau premier ministre par deux biais: son homosexualité et sa judéité présumée. Le «Lausannois» Alain Soral, condamné en octobre pour homophobie par la justice vaudoise et plusieurs fois en France pour antisémitisme, publiait mardi soir un tweet qu’il a effacé mercredi. Il y était question d'un «séfarade et pédé» prenant la place à Matignon d'une «ashkénaze et gouine».
Gabriel Attal est-il juif, comme certains le déduisent de son nom de famille? Cela lui appartient, mais des personnes «bien informées» affirment qu’il ne l’est pas. Question de généalogie.
Et maintenant, au travail!