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Pourquoi Elon Musk déploie ses espions très spéciaux en Europe

epa09842270 Tesla CEO Elon Musk attends the opening day of the Tesla 'Gigafactory' in Gruenheide near Berlin, Germany, 22 March 2022. EPA/CHRISTIAN MARQUARDT / POOL
Elon Musk est (presque) l'homme le plus riche du monde; mais sa société Tesla fait régulièrement polémique.image: keystone

Pourquoi Elon Musk déploie ses espions très spéciaux en Europe

Elon Musk n'aime pas les journalistes dérangeants et trouve régulièrement le moyen de les bannir de Twitter. Il va désormais employer en Allemagne des enquêteurs destinés à traquer les informateurs au sein de l'entreprise Tesla.
29.12.2022, 16:54
Jonas Mueller-Töwe / t-online
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Pour son usine à Brandebourg, en Allemagne, Tesla a mis au concours des centaines de postes. Mais l'un d'entre eux, intitulé «security intelligence investigator» (enquêteur en matière de sécurité et renseignement) se distingue nettement des autres annonces.

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La raison: le poste exige une formation préalable très spécifique. Plusieurs années d'expérience professionnelle dans un service de renseignement ou de police sont exigées. Mais pas seulement parce que l'entreprise doit être protégée des dangers extérieurs: il s'agit de trouver l'ennemi dans ses propres rangs, c'est-à-dire de potentiels collaborateurs prêts à faire fuiter des informations aux médias. Voilà qui va intégrer les succursales allemandes de Tesla. Aux Etats-Unis, de tels enquêteurs internes existent déjà.

Opérations de sécurité

Depuis longtemps déjà, Elon Musk, considéré par certains comme un pionnier en technologie, s'est forgé une réputation douteuse: on dit que Tesla, sur ses instructions, traque sans relâche collaborateurs et anciens employés qui fournissent des informations aux médias.

Un «security intelligence investigator», comme celui que Tesla recherche actuellement pour Brandebourg, serait responsable de ce genre d'opérations.

Dans l'offre d'emploi, on présente cela un peu différemment: la personne recherchée sera responsable de la protection de la «propriété intellectuelle, des secrets commerciaux et des informations confidentielles» de Tesla. Pour cela, cette personne devra enquêter et s'occuper des menaces internes et externes.

La description du poste

L'enquêteur devra ainsi collecter des informations sur place «à l'intérieur et à l'extérieur» du site de Tesla et mener des «enquêtes hautement sensibles, complexes et confidentielles» concernant «la fuite de données, le vol de propriété intellectuelle, l'abus de technologie et les conflits d'intérêts». L'objectif: éviter de «compromettre les activités commerciales».

epa09842292 Tesla CEO Elon Musk (R) and German Chancellor Olaf Scholz (L) at the opening day of the Tesla 'Gigafactory' in Gruenheide near Berlin, Germany, 22 March 2022. EPA/CHRISTIAN MARQU ...
Elon Musk avec Olaf Schulz en mars 2022 lors de l'inauguration de l'usine Tesla à Grünheide.image: keystone

Des qualifications particulières sont nécessaires: les candidats doivent avoir plusieurs années d'expérience professionnelle dans les forces de l'ordre, les services de renseignement ou la sécurité des entreprises.

En outre, l'accent est mis sur l'expérience dans des enquêtes «complexes et globales», sur la maîtrise de la langue allemande et sur la connaissance du cadre juridique régissant l'activité en Europe. Les candidats doivent être en mesure de communiquer «au niveau de la direction».

La chasse aux informateurs

Si la réputation de Tesla était meilleure, ce genre d'appel à candidatures ne mériterait pas tout un article. Les grandes entreprises sont régulièrement confrontées à l'espionnage industriel et essaient donc de se protéger des attaques de piratage notamment.

Mais le département de renseignements sur la sécurité de Tesla a déjà une histoire assez troublante. Cela a commencé en 2018 avec un rapport du Business Insider. Le portail américain faisait alors état de dysfonctionnements dans l'usine Tesla du Nevada.

Selon une source de l'entreprise, l'inefficacité de la production entraînerait un gaspillage massif de matériaux, ce qui engendrerait des coûts énormes et ne correspondrait pas à l'engagement du constructeur automobile en faveur du climat. L'entreprise a contesté ce rapport. Et en interne, une véritable chasse à l'informateur du Business Insider a été lancée.

Une «presque» fusillade

En effet, Elon Musk était apparemment très mécontent et a lancé les enquêteurs de l'entreprise à la poursuite de la taupe. C'est ce qu'a rapporté plus tard l'ancien chef de la sécurité de l'agence de presse Bloomberg, qui est ainsi devenu un informateur à son tour. Selon lui, son équipe a été chargée non seulement de trouver le dénonciateur, mais aussi «de le détruire». L'objectif était de nuire publiquement à la réputation de l'employé – rapidement retrouvé.

Selon les témoignages, l'entreprise a même appelé la police pour empêcher le dénonciateur de commettre une prétendue fusillade. Lorsque la police a constaté qu'un tel acte de folie n'avait jamais été planifié, elle n'a pas envoyé de communiqué de presse à ce sujet. Mais l'entreprise s'en est chargée elle-même et a diffusé l'affirmation.

Tesla a qualifié les allégations de simples tentatives d'attirer l'attention des médias. Le litige avec ce premier informateur s'est soldé par le paiement de 400 000 dollars à l'entreprise à titre de dommages et intérêts – une fraction seulement de ce que Tesla voulait obtenir à l'origine. Mais les accusations à l'encontre de l'entreprise ne se sont pas arrêtées là.

Un autre ex-employé de la sécurité a accusé Tesla de mettre sur écoute les téléphones portables de ses employés. La chaîne de télévision CNBC a par ailleurs publié des résultats d'enquête selon lesquelles l'entreprise faisait surveiller les employés mécontents sur les réseaux sociaux.

En Allemagne également, un «security intelligence investigator» aurait probablement beaucoup à faire: l'usine Tesla de Brandebourg fait régulièrement la une des journaux, à plus ou moins grande échelle – notamment parce que les journalistes reçoivent des informations internes de l'usine.

La lutte politique de Musk

Récemment, Elon Musk a acheté Twitter pour 44 milliards d'euros. Sous le prétexte de rendre à nouveau possible la liberté d'expression, il a depuis lors – avec le soutien du royaume d'Arabie Saoudite en tant qu'investisseur – permis à de nombreux conspirationnistes, néonazis et antisémites de retrouver leur place sur la plateforme, alors qu'ils en étaient auparavant bannis. Il a lui-même diffusé plusieurs de leurs récits.

En même temps, une campagne particulière a été lancée: à l'aide de documents internes, Elon Musk a fait établir des «Twitter Files» qui doivent prouver la censure politique des voix conservatrices par les anciens administrateurs.

Mais finalement, tout ce que ceux-ci montrent, c'est une entreprise dépassée par les discours de haine de la droite et les campagnes de désinformation politique. Un ancien employé a même dû prendre la fuite suite à des menaces de mort. Avant Noël, la campagne de Musk a atteint son point culminant lorsqu'il a fait bloquer temporairement les comptes de plusieurs journalistes américains.

Dans ce contexte, l'offre d'emploi d'un enquêteur doté de compétences en matière de renseignement pour l'usine Tesla de Brandebourg apporte un aspect explosif supplémentaire. Car la lutte de longue date d'Elon Musk avec les journalistes et leurs sources va bien au-delà du rachat de Twitter.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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