Les estimations sont encore très partielles, mais le butin touché par Paul Antony, alias «PA7» sur les réseaux sociaux, s'élèverait à 5,8 millions d’euros. Il provenait du fonds de solidarité (FDS) mis en place en urgence par l’État français, pour soutenir les entreprises pendant la crise sanitaire. Voici sa recette secrète.
Première étape: adoptez le look d'un acteur de télé-réalité, posez devant une Lamborghini ou la piscine d'un rooftop. Passez vos vacances dans des hôtels de luxe à Dubaï, St-Tropez, Genève ou Lausanne. Affichez-vous au volant de voitures de sport ou des animaux exotiques, et n'oubliez pas de vanter les mérites de l'argent et de la réussite dans vos stories. En un mot: vendez du rêve à vos milliers d'abonnés.
Voilà, vous tenez le portrait de Paul, 24 ans. Selon les informations du Parisien, le jeune homme contactait, parmi ses abonnés, les auto-entrepreneurs et les gérants de société pour les convaincre de recourir à ses services.
Le deal proposé: l'abonné touche des subventions Covid-19, et en échange, il reverse à Paul entre 30 et 50% de la somme totale reçue.
Pour ce faire, Paul dépose simplement une demande de fonds de solidarité au nom de son abonné. Il lui suffit ensuite de remplacer leur réel secteur d'activité par un autre, encore éligible en fonction de l'évolution de la crise sanitaire (restauration, secteur culturel, etc.). Au passage, Paul gonfle le chiffre d'affaires de 2019 pour faire croire à une perte de revenus en 2020, due à la pandémie.
Une fois perçus, ces gains sont blanchis via des réseaux de sociétés-écrans.
Dans la précipitation de la crise, l'Etat français n'a pas encore mis en place de contrôles étroits et a versé l'argent sans être très regardant. À la grande joie des escrocs.
Ainsi, 657 auto-entrepreneurs et gérants auraient fait appel aux magouilles de Paul. Soit plus de 22 millions d’euros de demandes d’aides pour au moins 5 806 592 euros réellement récoltés par l’État.
Frauder l'Etat se fait à ses risques et périls, Paul vous le confirmera. Au printemps 2021, son immense arnaque éclate au grand jour à cause... d'un livreur Uber Eats.
Le jeune homme de 21 ans est un client de Paul. Forcément, le livreur n'est pas éligible aux aides, sa profession étant en plein boum. Pourtant, il parvient à toucher 16 000 euros du fonds de solidarité des entreprises, inscrit dans le secteur «art et spectacle vivant». Bizarre, bizarre...
Cette somme suspecte attire l'attention des contrôleurs du fisc, qui réalisent que ses déclarations sont bourrées d'anomalies. Entendu par les autorités, le jeune homme explique la manoeuvre de son «gourou» pour toucher l'aide Covid.
Le cas de ce livreur n’est en fait que la partie émergée de l'iceberg et d'un système plus vaste. Le 2 avril, la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco) du parquet de Paris ouvre une enquête.
Les enquêteurs constatent qu'à mesure que son business s'accroît et que le nombre de ses clients augmente, Paul s’expose toujours davantage sur ses réseaux sociaux avec bolides, vêtements et sacs de luxe.
En décembre 2020, il s'installe dans un hôtel des Emirats arabes unis. Confortablement établi à l'étranger, il multiplie les provocations. Lorsque le président français Emmanuel Macron annonce un reconfinement, en avril dernier, le jeune homme va jusqu'à se filmer dans sa chambre en ironisant:
N'est pas fraudeur discret qui veut.
Paul est finalement extradé de Dubaï vers la France à la fin du mois d'août, sur la foi d’un mandat d’arrêt émis par la justice française. Il été placé en détention provisoire à la prison de Fresnes, dans le Val-de-Marne. L’un de ses complices et bras droit présumé a lui aussi été mis en examen et écroué le 9 septembre.
Les 657 bénéficiaires du circuit recensés devraient être prochainement contactés par le Trésor public, afin de rembourser les sommes indues perçues. L’avocate de Paul entend, quant à elle, contester le nombre de détournements imputés à son client.
Sur Snapchat, il a quand même pris le temps de changer sa biographie: «Actuellement en prison 🦅». C'est un job à temps plein, d'être influenceur. (mbr)