Economie
Interview

La présidente de Migros assume une expansion historique

Ursula Nold promet «la plus grande expansion» de Migros.
Ursula Nold, 56 ans, a pris la présidence de la Fédération des coopératives Migros en juillet 2019 – une première pour une femme.Image: WATSON

Migros à l’offensive avec «la plus grande expansion» de son histoire

Migros, premier employeur de Suisse, veut remettre les gaz après les ventes d’entreprises et les suppressions de postes. Sa présidente, Ursula Nold, promet davantage de participation pour les coopérateurs et explique aussi pourquoi il ne reste plus grand-chose de M-Budget.
27.12.2025, 12:5627.12.2025, 15:46
Patrik Müller, Florence Vuichard / ch media

Migros prévoit d’ouvrir au total 140 nouvelles filiales d’ici à 2029. «C’est la plus grande expansion jamais réalisée par l’entreprise sur une période aussi courte», affirme la présidente de Migros, Ursula Nold. Quelques nouveaux sites ont déjà ouvert, notamment à Spreitenbach, en Argovie, où nous rencontrons Ursula Nold. Le magasin se situe au cœur d’un quartier résidentiel et est en activité depuis environ un mois. Elle nous fait visiter les lieux, se réjouit du «design moderne» et des «couleurs fraîches». Nous nous rendons ensuite dans la salle de pause, habituellement réservée aux 13 employés du magasin.

Madame Ursula Nold, ici, nous sommes dans un point de vente flambant neuf. Trouvez-vous suffisamment de locaux pour cette expansion?
Ursula Nold: C’est exigeant. Nous avons besoin de bien plus de 140 projets, car les procédures d’autorisation durent souvent plusieurs années. Cette filiale-ci a été réalisée en seulement six mois: c’est plutôt l’exception. En Argovie, les démarches vont vite.

Ce n’est pas le cas partout?
Il existe de grandes différences régionales dans les procédures d’autorisation.

Les nouveaux magasins sont plutôt petits. Pourquoi?
Nous voulons être plus proches des gens, au cœur des quartiers. Nous allons ainsi mieux atteindre environ 200 000 ménages supplémentaires.

«Les formats plus petits gagnent en importance, car les habitudes d’achat ont changé»

Beaucoup de clientes et de clients ne font plus de grosses courses hebdomadaires, mais achètent plus souvent et de manière ciblée, souvent après le travail.

Un tel projet s’inscrit sur le long terme. Ne risque-t-il pas d’être dépassé par la prochaine évolution du secteur, comme des filiales entièrement automatisées sans personnel?
Non. A l’avenir aussi, il faudra des collaborateurs en contact direct avec la clientèle. Ici à Spreitenbach, nous n’avons plus qu’une seule caisse avec personnel, mais les effectifs restent. Le personnel dispose désormais de plus de temps pour le conseil, les produits frais et la gestion des marchandises.

«Le commerce de détail reste une activité très gourmande en main-d’œuvre»

Qui a développé ce nouveau concept de magasin?
Notre unité Supermarchés, en collaboration avec les coopératives régionales. Il correspond à notre vision, que nous avons également élaborée ensemble. Elle repose sur trois piliers: l’excellence dans le cœur de métier, l’engagement sociétal et le fait de restituer une partie du succès à la communauté Migros.

«Celui qui a des visions devrait consulter un médecin», aurait dit l’ancien chancelier fédéral Helmut Schmidt...
Migros est grande et très diversifiée; elle a donc besoin d’un fil conducteur. D’une orientation qui permet aux collaborateurs comme à la clientèle de comprendre clairement ce que représente l'entreprise. C’est à cela que sert la vision. Elle exprime que Migros est plus qu’une entreprise. Elle fait partie de la Suisse et s’engage dans la société – par exemple avec le Pour-cent culturel.

Des changements en vue pour les coopérateurs

Cela a une longue tradition. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est que vous souhaitez impliquer davantage les près de 2,3 millions de coopérateurs dans cette vision. Qu’est-ce que cela signifie?
Nous voulons leur donner plus de possibilités de participation. Migros appartient à ses coopératrices et coopérateurs. Elle n’a ni actionnaires ni propriétaires immensément riches. Cette année, nous avons organisé pour la première fois une votation numérique. La numérisation permet de mieux recueillir l’avis des coopérateurs. Nous voulons leur restituer une partie du succès et les y associer.

L'entretien avec Ursula Nold a eu lieu dans la succursale de Glattlerpark à Spreitenbach, en Argovie.
Notre entretien avec Ursula Nold a eu lieu dans la succursale de Glattlerpark à Spreitenbach, en Argovie.Image: ch-media

Comment cela va-t-il fonctionner?
Nous sommes plus qu’un supermarché. Il y a le non alimentaire avec Digitec Galaxus, les prestations de santé avec Medbase, des centres dentaires, des studios de fitness – et, bien sûr, la Banque Migros. Tout cela forme un écosystème qu’aucune autre entreprise ne peut offrir dans une telle ampleur.

«Et plus une personne utilise cet écosystème, plus elle doit pouvoir en profiter»

Cela veut dire : plus on va chez Medbase, plus on cumule des points Cumulus? Ou on obtient de meilleurs taux à la Banque Migros?
Nous ne savons pas encore comment cela sera mis en œuvre. L’idée, c’est: si quelqu’un utilise de manière cohérente l’écosystème Migros – fait ses achats, recourt aux offres de santé et aux services bancaires –, pourquoi ne bénéficierait-il pas de meilleures conditions?

Y aura-t-il une carte de membre valable dans tout l’écosystème Migros?
La mise en œuvre concrète n’est pas encore définie. Mais c’est ainsi que nous voulons renforcer la participation et la fidélité des coopérateurs. La question est de savoir si une personne particulièrement active dans l’écosystème peut bénéficier d’avantages.

Mais, ces deux dernières années, Migros a vendu ou fermé des secteurs. L’écosystème dont vous parlez était autrefois plus vaste.
Les grands changements sont désormais achevés. Nous nous concentrons clairement sur les quatre domaines d’activité stratégiques. Cela ne veut pas dire que nous ne continuons pas à réfléchir.

Un cinquième domaine pourrait-il s’ajouter?
Tout est possible. Les entreprises doivent s’adapter en permanence à l’évolution des besoins de la clientèle. Nous voulons être, en tant que Migros, le premier point de contact, assumer une responsabilité pour la société – et, en même temps, être économiquement performants. Cela implique des changements continus.

Coop, Lidl ou Aldi pourraient en dire autant, non? Tous veulent être le premier point de contact.
Mais tous n’ont pas l’importance sociétale de Migros – et ce, pour l’ensemble des parties prenantes. Et faire participer les coopérateurs nous rend uniques dans le commerce de détail.

Les réformes de Migros ont eu un impact sur l'emploi

Le capital de sympathie est-il toujours là, après toutes ces ventes et ces suppressions de postes?
Oui, je le ressens chaque jour. Les clients et les coopératrices comprennent que nous ne pouvons rester engagés sur le plan sociétal que si nous sommes économiquement performants. Ils voient aussi comment leur comportement évolue, comment le commerce en ligne progresse – et que Migros doit y réagir.

Donc Migros a fait tout juste?
Nous avons certainement fait des erreurs de communication. Aujourd’hui, nous l’expliquerions mieux. Mais les décisions étaient justes. Nous avons vendu des entreprises représentant environ quatre milliards de francs de chiffre d’affaires: au total 18 sociétés, avec près de 60 entités juridiques. Aujourd’hui, notre structure est nettement plus simple. Cela nous permet d’investir à nouveau de manière ciblée dans le cœur de métier.

Pourtant, vous avez créé une structure supplémentaire avec Migros Supermarché SA, rendant l’ensemble à nouveau plus complexe, non?
Migros Supermarché SA nous rend plus efficaces. Nous pouvons regrouper des prestations tout au long de la chaîne de valeur. Et nous sommes devenus plus efficients.

Des emplois ont tout de même été sabrés. Dans quelle mesure ces réductions ont-elles nui à l’image de Migros?
Les changements sont toujours douloureux, surtout lorsqu’ils touchent à des emplois. Mais de nombreux secteurs vendus continuent d’être exploités par les acheteurs avec le personnel existant. Et Migros se développe à nouveau. Nous avons actuellement environ 1000 postes vacants et quelque 850 places d’apprentissage.

«L’expansion annoncée avec 140 nouvelles filiales créera des emplois supplémentaires. Pour cela, nous avons besoin de personnel qualifié»

Dans quels domaines la pénurie de main-d’œuvre est-elle la plus marquée?
Surtout chez les boulangers, les bouchers, les chauffeurs de poids lourds et dans les métiers techniques.

Qu’avez-vous fait pour les collaborateurs qui ont perdu leur emploi?
Sur environ 1300 collaborateurs concernés, près de 800 ont retrouvé un poste au sein de Migros. Je le répète: nous investissons à nouveau. Et chaque année, nous engageons plus de 1000 nouveaux collaborateurs.

A propos des comptes de Migros

Comment s’est comporté le cœur de métier durant cette année anniversaire pour les 100 ans de l'entreprise?
Le chiffre d’affaires a légèrement reculé. C’était prévisible:

«Nous avons baissé les prix à hauteur de 500 millions de francs; à court terme, cela pèse sur le chiffre d’affaires.»

Mais nous sommes convaincus – et nous en voyons les premiers signes – que ces mesures aideront Migros à renouer avec la croissance et à gagner des parts de marché à moyen terme.

Ce recul n’est-il pas lié à des clients irrités par les changements?
Non, les volumes ont augmenté. C’est l’effet des prix que nous ressentons. Et il y a des domaines où nous avons nettement accru le chiffre d’affaires. Chez Digitec Galaxus et chez Medbase, l’évolution est très positive. La Banque Migros, en revanche, souffre de l’environnement actuel des taux d’intérêt.

Baisse des prix? Pourtant, et on le voit dans les allées: il y a moins de produits M-Budget.
C’est exact. Nous avons opté pour un emballage plus neutre et un design plus attrayant. Le contenu et les prix restent toutefois ceux de la marque M-Budget.

Comment les clients réagissent-ils à ces changements?
Très positivement. Selon le produit, les ventes augmentent déjà uniquement grâce au nouveau design. Pour les olives en bocal, par exemple, nous avons vendu 11% de plus. Avec cette nouvelle identité, nous renforçons la marque Migros, c’est la principale raison du changement. S’y ajoute le fait que certains clients nous ont dit que cela les dérangeait, par exemple lorsqu’ils recevaient des invités, de mettre sur la table des produits à l’esthétique «budget».

Migros au lieu de M-Budget: Les ventes d'olives en bocaux ont considérablement augmenté depuis le changement de marque.
Les olives en question.Image: CH-MEDIA

Pourtant, M-Budget n’est pas totalement supprimé. N’est-ce pas incohérent?
Non. Il existe des produits cultes qui fonctionnent très bien, comme la boisson énergisante. M-Budget reste là où cela a du sens.

La réduction de la gamme M-Budget ne nuit-elle pas à l’image «bas prix» de l'entreprise?
Migros, en tant que telle, est synonyme de prix attractifs. Nous avons durablement baissé les prix de plus de 1000 produits. Il s’agit de produits essentiels du quotidien, pas d’articles marginaux. Et nous continuons à proposer un assortiment complet, très varié, notamment grâce à nos marques propres.

En résumé: recul du chiffre d’affaires dans les supermarchés et à la Banque Migros, croissance ailleurs. Qu’est-ce que cela donne, au final, pour 2025?
Globalement, nous obtiendrons un résultat solide. Au final, c’était une très bonne année. Grâce aux gains d’efficience, mais aussi, bien sûr, aux recettes extraordinaires issues des ventes de secteurs d’activité.

Il y a donc un bénéfice record. C’est exact?
Nous ne communiquons pas encore de détails. Simplement ceci:

«Avec les effets exceptionnels, ce sera une très bonne année. Sur le plan opérationnel, c’est plus nuancé»

Migros impacte-t-elle toujours la politique?

Que retenez-vous des 100 ans de Migros?
De très belles rencontres et beaucoup d’échanges. En particulier la fête du personnel sur le site de la Fête fédérale de lutte suisse. C’était unique. Avec notre «Merci», nous avons à la fois réjoui nos clientes et clients et donné un élan à nos formidables collaborateurs. C’était une célébration de nos valeurs essentielles et l’expression de notre conviction de vouloir rendre quelque chose à la société, à nos parties prenantes et à la Suisse.

Le fondateur Gottlieb Duttweiler était omniprésent cette année. C’était un révolutionnaire, un combattant, aussi en politique. Où est passé cet esprit de combat aujourd’hui?
Duttweiler était un entrepreneur disruptif. Le succès rend parfois complaisant; cela a peut-être été le cas ces dernières années. Mais cela change à nouveau.

Sur quoi vous basez-vous pour l'affirmer?
Un changement culturel a eu lieu. Nous voulons retrouver une mentalité de gagnants, davantage d’esprit d’entreprise et une position claire de leader du marché. Cette année jubilaire nous a soudés et a créé une identification commune.

Pourtant, sur le plan politique, Migros a récemment semblé plutôt faire partie de l’establishment. Où est la dimension contestataire?
Duttweiler a été conseiller national et conseiller aux Etats pendant 25 ans. Ce rôle n’existe plus aujourd’hui. Mais nous continuons à défendre les intérêts des consommateurs. Pas de manière partisane, mais factuelle. Cela se reflète aussi avec Migros Magazine, l’un des hebdomadaires les plus lus de Suisse: il contribue à la formation de l’opinion.

A propos de Denner

Comment se porte Denner?
Denner a vécu une année exigeante. Mais nous croyons en cette activité. La marque est très bien positionnée grâce à sa proximité avec la clientèle – il a plus de filiales que Migros.

Mais depuis que Mario Irminger est passé de Denner à Migros comme CEO, la dynamique s’est perdue.
Le CEO de Denner, Torsten Friedrich, fait un bon travail. Les assortiments de Denner et de Migros sont différents, et le profil de Denner a été affiné. Ce format garde toute sa pertinence.

Migros, avec sa stratégie de bas prix, ne coupe-t-elle pas l’herbe sous le pied de Denner?
Denner est clairement positionné comme discounter, en termes de prix et d’assortiment. Denner propose environ 3500 produits, tandis que le plus petit supermarché Migros en compte environ 8000, et le plus grand jusqu’à 40 000. Et chez Migros, près de 80% des produits sont des marques propres.

Vous êtes présidente de Migros depuis 2019. Combien de temps voulez-vous rester?
La durée du mandat est limitée à douze ans. Je trouve toujours ma mission très enrichissante – surtout dans cette phase exigeante. Et Migros a besoin de stabilité dans ce processus de transformation. (adapt jah)

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