Mercredi soir, Eric Zemmour a réclamé la construction d'un «mur» à «toutes les frontières» extérieures de l'UE pour lutter contre l'immigration. Ces propos ont certes été prononcés dans le cadre d'une campagne électorale et sont pour le moins irréalistes. N'empêche: les barrières anti-migrants se sont multipliées ces dernières années.
De six en 1989, nous sommes passés à une soixantaine de murs physiques en 2020, selon un récent rapport. Depuis le début du siècle, 1000 kilomètres de murs ont poussé le long des frontières de l'Union européenne. Tour d'horizon.
Ceuta et Melilla, les deux dernières enclaves espagnoles au Maroc, constituent la seule frontière terrestre entre l'Afrique et l'Europe. Pour cette raison, elles sont la cible de milliers de migrants venus du Magreb, qui cherchent à rejoindre le Vieux Continent.
Et ce n'est pas une mince affaire: en 1998 et 2001, l'Espagne a érigé des barrières autour des deux villes autonomes. Rehaussées et renouvelées à plusieurs reprises, elles se composent aujourd'hui de trois clôtures parallèles, couronnées de barbelés et truffées de capteurs et de caméras de surveillance.
Des migrants tentent régulièrement de les franchir. En 2005, les forces de sécurité avaient même ouvert le feu, en tuant une dizaine d'entre eux.
Pour faire face à l'afflux de réfugiés fuyant la guerre civile syrienne, les autorités bulgares décident fin 2013 de construire un mur à la frontière turque. Juillet 2014, c'est chose faite. La barrière, dont la fonction officielle est d'«orienter» les migrants vers les postes-frontières, s'étend sur 30 kilomètres et fait 3 mètres de haut.
Cinq mois plus tard, la capitale Sofia annonce son intention de prolonger cette clôture de 130 kilomètres. Précisons que la frontière, au total, s'étend sur 275 kilomètres. Surmontée de barbelés, surveillée en permanence par des caméras infrarouges et des rondes, la barrière a été construite sans autorisation et contre l’avis de la Communauté européenne.
En été 2015, la crise migratoire bat son plein en Europe. Des milliers de réfugiés empruntent la «ligne des Balkans» pour se rendre en Europe, au lieu de la périlleuse traversée de la Méditerranée. Ce qui ne plait pas à la Hongrie qui, en juin, ferme sa frontière avec la Serbie.
Deux mois plus tard, Budapest achève la construction d'un mur destiné à empêcher l’entrée des milliers de migrants qui se pressent à la frontière: 175 kilomètres de barbelés de quatre mètres de haut, mis en place afin de «préserver les racines chrétiennes» du pays.
La barrière a ensuite été étendue à la frontière avec la Croatie et la Roumanie.
Les murs anti-migrants ne sont pas l'apanage du sud-est européen. Depuis 2016, la France a également droit à sa (petite) barrière. Et un peu malgré elle. Voulu et financé par le Royaume-Uni, le mur est destiné à empêcher les migrants de monter clandestinement dans des camions.
Mesurant quatre mètres de haut, il sera progressivement végétalisé.
Ces dernières années, des murs ont été annoncés et bâtis au nord-est de l'Europe. Bien que leur fonction officielle reste la lutte contre l'immigration clandestine, ces barrières poursuivent un autre objectif: se protéger de Moscou.
La Lituanie a ouvert le bal en 2017, en installant un grillage haut de deux mètres et d'une longueur de 45 km, sur sa frontière avec l'enclave russe de Kaliningrad.
Deux ans plus tard, la Lettonie suit l'exemple lituanien. Mais contrairement à son voisin, la république balte partage une frontière de presque 300 kilomètres avec la Russie.
Une barrière de barbelés de 93 kilomètres a été discrètement érigée sur une portion de la ligne de démarcation. Riga n'envisage pourtant pas de clôturer l'intégralité de sa frontière, mais uniquement les points de passage sans frontière naturelle.
Cela s'annonçait comme une réplique de la crise migratoire de 2015: la prise de Kaboul par les talibans allait provoquer une nouvelle vague d'immigration clandestine en Europe. Les politiciens n'avaient par ailleurs pas attendu longtemps avant d'exprimer leurs inquiétudes à ce sujet.
Un pays est passé à l'action. Fin août 2021, la Grèce annonçait avoir bouclé la construction d'une barrière de 40 kilomètres à la frontière turque, dans le but de stopper les (potentiels) migrants afghans.
Le nouveau mur vient prolonger une barrière de près de douze kilomètres déjà érigée entre les deux pays en 2016. Un système de surveillance électronique et le recrutement de 1200 gardes-frontière supplémentaires sur terre et en mer Egée complètent le dispositif anti-migrants.
Beaucoup de murs ont été bâtis ces 20 dernières années. D'autres devraient suivre.
En 2015, l'Autriche a annoncé l'intention de construire une barrière à la frontière avec la Slovénie. Plus récemment, la Pologne a démarré la construction de la sienne, le long de la frontière biélorusse, où de nombreux migrants sont actuellement pris en étau. Elle devrait être terminée courant 2022.
Face à une telle prolifération de murs, une question s'impose. Au-delà de leur signification politique, une telle mesure est-elle efficace pour stopper l'immigration?
Les données disponibles indiquent que oui. La barrière dressée par la Grèce à la frontière avec la Turquie a fait baisser le nombre de passages de 90%. En Bulgarie, l'afflux de migrants s'est quasiment arrêté depuis la mise en place du dispositif de sécurité.
Mais ces barrières peuvent avoir des conséquences dramatiques, du moins indirectement. Le mur de Ceuta en est le parfait exemple. Ayant rendu beaucoup plus difficile le franchissement de la frontière, cette construction a poussé beaucoup de migrants à préférer la voie maritime, bien plus dangereuse et provoquant la mort de milliers de personnes, qui se sont noyées en tentant de gagner le territoire espagnol dans des embarcations de fortune.