Certes, le coût de la conquête de l'espace est en chute libre depuis le surgissement de la sphère privée dans la course aux orbites et aux étoiles. Mais trimballer en vaisseau spatial parpaings, briques et plaques de plâtre reste une assez piètre idée en matière de coût et d'efficacité - l'eau ou la nourriture prendront moins de place et pèseront moins lourd, ce qui en fait des éléments à la fois plus pratiques à transporter sur de telles distances et plus utiles une fois arrivé à destination.
Pourtant, et bien que l'on doive limiter la durée de leur séjour à seulement quelques courtes années si l'on veut les préserver d'importants risques sur leur santé, les futurs premiers marsonautes devront bien bâtir, sur la planète rouge, quelques laboratoires pour plancher la journée et des logis pour se reposer le soir venu.
Ils pourront, pour créer le béton nécessaire à l'édification de ces embryons de bases, compter sur le sol et la poussière martienne. Mais qu'ajouter à cet élément de base pour en faire un véritable matériau de construction?
Les solutions envisagées vont de l'utilisation de polymères produits par les insectes aux bons vieux champignons. Le recyclage de l'urine avait également déjà été évoqué dans le cadre d'une reconquête lunaire.
Une équipe de recherche de l'université de Manchester est allée un peu plus loin: l'urine, les larmes, la transpiration, mais aussi et surtout le sang des marsonautes pourraient servir à concocter une sorte de torchis 2.0, qui pourrait ensuite être mouliné par des imprimantes 3D, afin de créer des éléments de construction.
L'idée n'est en soi pas tout à fait neuve. Elle est même très ancienne: il a longtemps été question d'utiliser du sang animal dans le béton terrien pour le renforcer, une technique dont les Romains, notamment, s'étaient fait spécialistes.
Dans un article titré (d'une manière très britannique) «Blood, sweat and tears: extraterrestrial regolith biocomposites with in vivo binders», les scientifiques ont ainsi démontré comment la sueur et les larmes humaines pouvaient constituer un excellent adjuvant pour le régolithe qui se trouve sur place, en se liant à une protéine contenue par le sang, plus précisément dans le plasma, l'albumine sérique.
D'après elle, la robustesse du matériau, créée par l'intégration d'albumine sérique à la poussière martienne, serait équivalente à celle du béton que l'on connaît. Mieux: en incorporant de l'urée, l'un des composants de l'urine, ledit ciment pourrait encore gagner en résistance.
Leur petit mélange porte même d'ores et déjà un petit nom: l'AstroCrete. Des calculs ont aussi été faits: un équipage de six êtres humains pourrait, sur une période de deux ans, fournir suffisamment de sang, de larmes, de sueur et d'urine pour produire 500 kg d'AstroCrete.
Celui-ci pourrait rentrer dans la composition d'un véritable torchis, pour lier des sacs de sable martien ou des briques de régolithes cuites sur place. Dans ce cas, «chaque membre d'équipage pourrait produire assez d'AstroCrete pour construire un habitat suffisant pour un nouvel astronaute, permettant de doubler à chaque mission la capacité de la base».
A terme, on peut aisément imaginer qu'une base édifiée de la sorte aurait les moyens d'accueillir une étable et les animaux qui vont avec: le début de ces exploitations agricoles signifierait un décuplement possible de la fourniture de sang, donc de la capacité des êtres humains à étendre leur lointain petit village.
Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original