Un peu plus tôt ce matin, sous les acclamations «Président, président» de la foule il montait sur une scène installée devant un arc de triomphe près du Parlement. Toujours visé par un mandat d'arrêt en Espagne pour son rôle dans la tentative de sécession avortée de la Catalogne en 2017, Carles Puigdemont a prononcé un bref discours. «Je ne sais pas combien de temps va passer avant que nous puissions nous voir à nouveau, mes amis, mais peu importe ce qu'il se passe...»
Il avait fui le pays pour échapper aux poursuites le visant et a passé les sept dernières années en Belgique et en France.
En milieu de matinée, le bruit courait déjà parmi ses sympathisants qu'il avait de nouveau pris la fuite. Très vite, selon des images diffusées par les médias espagnols, de vastes contrôles des véhicules se mettent en place dans les rues de Barcelone et sur les routes d'Espagne. Interrogée par l'AFP, la police locale a refusé de confirmer le lancement d'une vaste opération pour retrouver Puigdemont.
Après son discours, ses sympathisants ont pris la direction du Parlement, où était organisée l'élection du nouveau président de l'exécutif régional, le socialiste Salvador Illa, à laquelle Carles Puigdemont avait plusieurs fois annoncé son intention de participer. Mais au moment où les débats ont débuté, les députés de son parti, Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne) sont arrivés sans leur leader.
Selon la presse espagnole, un membre des Mossos, la police catalane, a été interpellé, soupçonné d'avoir aidé le leader indépendantiste à fuir de nouveau. Le policier serait le propriétaire de la voiture dans laquelle Carles Puigdemont s'est échappé.
Toujours visé par un mandat d'arrêt, malgré la loi d'amnistie négociée par Pedro Sanchez en échange du soutien de Junts à son gouvernement, Carles Puigdemont risquait d'être arrêté à tout moment - les forces de l'ordre devant se conformer obligatoirement au mandat d'arrêt le visant.
Très critiquée par l'opposition, cette loi d'amnistie est au coeur de multiples débats juridiques et, le 1er juillet, la Cour suprême a décidé qu'elle ne s'appliquait qu'à certains des délits reprochés au dirigeant indépendantiste - qui a encore dénoncé mercredi «l'attitude de rébellion de certains juges de la Cour suprême».
Son arrestation aurait pu dérailler, ou au moins retarder, le processus d'investiture de Salvador Illa comme nouveau président de la Generalitat, le gouvernement régional. Le secrétaire général de Junts per Catalunya Jordi Turull a annoncé qu'il demanderait dans ce cas la suspension de la session d'investiture.
Après des mois de tractations depuis les élections de mai qui avaient vu les socialistes devancer le parti de Carles Puigdemont, mais sans obtenir la majorité absolue, un accord de coalition a finalement vu le jour la semaine dernière, permettant à la riche région du nord-est de l'Espagne de voir cet ex-ministre de la Santé de Pedro Sanchez accéder à la tête de l'exécutif régional.
Et il était temps: si aucun président n'était élu d'ici au 26 août, un nouveau scrutin devrait être convoqué en Catalogne.
Salvador Illa pourrait devenir le premier président de l'exécutif catalan à ne pas être issu des rangs d'un parti nationaliste depuis 2010. Conclu par les socialistes avec le parti séparatiste de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et un petit parti d'extrême gauche, l'accord qui devrait le porter au pouvoir suscite déjà des critiques virulentes.
Pour arracher le soutien d'ERC, les socialistes ont en effet dû mettre dans la balance une promesse attendue de longue date par les indépendantistes: le contrôle total des impôts collectés dans la région, à l'image de ce qui se fait déjà au Pays Basque. La mesure, qui doit encore être approuvée au Parlement à Madrid, est déjà dans le viseur de l'opposition, mais aussi de certaines figures du Parti socialiste, comme Alfonso Guerra, ancien bras droit de Felipe Gonzalez, qui a fustigé une «voie vers un système fédéral et vers l'indépendance de la Catalogne». (mbr/ats)