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Oakley est devenu le symbole de l'extrême droite

Oakley flirte avec l'extrême droite, même si le grand public n'appelle pas au boycott.
Ethan Nordean est une figure de l'extrême droite (et un porteur de lunettes Oakley).Image: watson

Ces lunettes de soleil sont devenues un symbole de l'extrême droite

Les lunettes américaines sont omniprésentes dans le sport et même dans la mode. Mais l'extrême droite américaine est une cliente fidèle de la marque, dopée par des partenariats avec les forces de l'ordre.
18.09.2023, 08:0118.09.2023, 08:01
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Jim Jannard a fondé Oakley en 1975. Ce passionné de motocross, obsédé par la science-fiction et les gadgets de l'armée, n'accordait jamais d'interview et se plaisait à se qualifier de «scientifique fou» apolitique. En 2007, le mystérieux fondateur décide de céder son bébé contre 2,1 milliards de dollars au groupe italien Luxottica.

L'enseigne américaine a continué à grandir depuis. Oakley est une marque mondialement connue, le plus souvent associée au sport, notamment au cyclisme, au sport extrême. Elle perce même dans les événements branchés et les célébrités se pavanent souvent avec une monture sur le tarin. Les modèles au look aérien, futuriste, ont surtout la cote auprès des forces de l'ordre et l'armée.

La ligne bleue qui dérange

Vers 2018, la marque américaine s'est lancée dans une gamme nommée Thin Blue Line, «en hommage au service et au sacrifice de nos hommes et femmes qui portent l'insigne», écrivait Oakley sur son site. Le sigle est barré d'une ligne bleue, un symbole discret de soutien à la police. Ce symbole vient par ailleurs d'être interdit dans les rangs des forces de l'ordre vaudoises, comme le révélait Blick.

Les origines de la Thin Blue Line:
La Thin Blue Line est un symbole utilisé par les forces de l'ordre, originaire du Royaume-Uni, mais à présent majoritairement répandu aux Etats-Unis et au Canada pour symboliser la place des forces de l'ordre dans la société. Outre Atlantique, des villes comme New York et Los Angeles au début des années 1900 ont vu ce symbole être utilisé par les forces de l'ordre.
Mais ce n’est qu’en 2014 que le concept a commencé à se généraliser, avec l'arrivée d'un drapeau surnommé Blue Lives Matter. On le doit à l'étudiant de l'Université du Michigan, Andrew Jacob, qui avait déjà vu la ligne bleue et a décidé de la transposer sur un drapeau américain en noir et blanc. Il réfute la moindre idéologie raciste, mais il considère cela comme un simple soutien pour les autorités.

Les liens entre les forces de l'ordre et Oakley ne sont pas récents. Il y a tout d'abord une idéologie qui n'est pas étrangère à la marque. En fouillant dans les archives, on remarque qu'Oakley a flirté avec une culture et une esthétique qui charpentent une image de soldat un brin dystopique.

WASHINGTON, le 6 juillet 2019. Joe Biggs. (Photo by Stephanie Keith/Getty Images)
Le membre des Proud Boys, Joe Biggs, le regard dissimulé derrière ses lunettes Oakley, a écopé de 17 ans de prison après les émeutes du Capitole. Getty Images North America

Son siège social à Foothill Ranch, en Californie, illustre cette vision futuriste; une forteresse digne d'un édifice aperçu dans Star Trek ou encore Blade Runner. L'entreprise est connue pour son esthétique «cyborg», une technologie de pointe qui permet à la marque de se démarquer dans un contexte sportif, mais aussi sur les podiums des plus prestigieuses Fashion Week du globe.

Or Oakley est depuis 2020, et la montée des manifestations Black Lives Matter, dans le viseur des antifas. Les militants d'extrême droite se sont affichés avec des lunettes signées Oakley et les réseaux sociaux ont commencé à relever cette tendance de plus en plus visible.

FILE - Proud Boy member Ethan Nordean walks toward the U.S. Capitol in Washington, in support of President Donald Trump on Jan. 6, 2021. (AP Photo/Carolyn Kaster, File)
Ethan Nordean, l'un des leaders des Proud Boys.Keystone

La relation étroite avec la police et l'armée nourrit ces penchants pour l'extrême droite. Selon Mac Smiff, journaliste basé à Portland et interrogé en 2022 par The Independent:

«Les miliciens de droite et les sympathisants des Proud Boys portent fréquemment des vêtements fins avec une ligne bleue»

Cette fameuse ligne bleue commence à déranger, surtout que les nationalistes l'arborent à tire-larigot. La Thin Blue Line devient l'emblème de l'extrême droite.

Un drapeau américain avec le Thin Blue Line, symbole de soutien pour les forces de l'ordre. (Photo by Andy Cross/The Denver Post via Getty Images)
Image: Denver Post

L'armée avant la police

L'armée est un client de longue date de la marque de lunettes. L'entreprise travaille avec les troupes militaires américaines depuis les années 1980. En 2003, l'ancien grand patron de la marque de lunettes, Colin Baden, lâchait cette phrase sur CNN:

«Nous espérons que le succès de l'armée américaine en Irak facilitera les ventes de nos produits»

Ce succès s'est reflété à travers la carrière de feu Chris Kyle, le sniper dont la vie a été adaptée au cinéma dans le film de Clint Eastwood: American Sniper. L'ancien tireur d'élite de l'US Navy était bombardé comme une figure de la droite conservatrice et se pavanait régulièrement avec des lunettes Oakley.

Chris Kyle (à gauche), l'ancien tireur d'élite de l'US Navy.
Image: NBCUniversal

Mais le partenariat avec les forces de police en 2018 est plus délicat. Un positionnement qui, pour beaucoup, ne passe pas et souligne le bord politique de la boîte. Nate Powell, essayiste, écrivait cette phrase dans une publication parue en 2019:

«Il y a une masculinisation superficielle de chaque détail et accessoire. Ces douces Oakley enveloppantes: méconnaissable, dépourvu de caractéristiques d'identification, une extension inexplicable du pouvoir d'un homme-enfant.»

Pour les détracteurs de la marque, Oakley a choisi son camp en collaborant avec les forces de l'ordre et en confectionnant cette collection Thin Blue Line.

Le boss des Proud Boys, Enrique Tarrio, casquette noire à l'envers, est également porteur de lunettes Oakley.
Le boss des Proud Boys, Enrique Tarrio, casquette noire à l'envers, est également porteur de lunettes Oakley.Keystone

Le débat autour des lunettes Oakley et du symbole de la «fine ligne bleue» a nettement débordé sur ces factions d'extrême droite. Les Prouds Boys Enrique Tarrio, Joe Biggs ou Ethan Nordean se sont approprié ce symbole de force et d'autorité.

Mais si la marque est associée à cette mouvance de la droite dure, la réputation d'Oakley n'en est pas affectée pour autant. Le caractère authentique d'Oakley semble résister aux scandales. Comme l'ébauchait un article de GQ:

«C'est peut-être la raison pour laquelle les darons, les fêtards à coupe mulet, les sportifs branchés, Bella Hadid et tous les autres admirateurs se côtoient au sein de la communauté bigarrée de la marque.»
L'assaut du Capitole en images
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L'assaut du Capitole en images
Des manifestants pro-Trump occupent les terrains de la partie ouest du Capitole.
source: epa / michael reynolds
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