Jim Jannard a fondé Oakley en 1975. Ce passionné de motocross, obsédé par la science-fiction et les gadgets de l'armée, n'accordait jamais d'interview et se plaisait à se qualifier de «scientifique fou» apolitique. En 2007, le mystérieux fondateur décide de céder son bébé contre 2,1 milliards de dollars au groupe italien Luxottica.
L'enseigne américaine a continué à grandir depuis. Oakley est une marque mondialement connue, le plus souvent associée au sport, notamment au cyclisme, au sport extrême. Elle perce même dans les événements branchés et les célébrités se pavanent souvent avec une monture sur le tarin. Les modèles au look aérien, futuriste, ont surtout la cote auprès des forces de l'ordre et l'armée.
Vers 2018, la marque américaine s'est lancée dans une gamme nommée Thin Blue Line, «en hommage au service et au sacrifice de nos hommes et femmes qui portent l'insigne», écrivait Oakley sur son site. Le sigle est barré d'une ligne bleue, un symbole discret de soutien à la police. Ce symbole vient par ailleurs d'être interdit dans les rangs des forces de l'ordre vaudoises, comme le révélait Blick.
Les liens entre les forces de l'ordre et Oakley ne sont pas récents. Il y a tout d'abord une idéologie qui n'est pas étrangère à la marque. En fouillant dans les archives, on remarque qu'Oakley a flirté avec une culture et une esthétique qui charpentent une image de soldat un brin dystopique.
Son siège social à Foothill Ranch, en Californie, illustre cette vision futuriste; une forteresse digne d'un édifice aperçu dans Star Trek ou encore Blade Runner. L'entreprise est connue pour son esthétique «cyborg», une technologie de pointe qui permet à la marque de se démarquer dans un contexte sportif, mais aussi sur les podiums des plus prestigieuses Fashion Week du globe.
Or Oakley est depuis 2020, et la montée des manifestations Black Lives Matter, dans le viseur des antifas. Les militants d'extrême droite se sont affichés avec des lunettes signées Oakley et les réseaux sociaux ont commencé à relever cette tendance de plus en plus visible.
La relation étroite avec la police et l'armée nourrit ces penchants pour l'extrême droite. Selon Mac Smiff, journaliste basé à Portland et interrogé en 2022 par The Independent:
Cette fameuse ligne bleue commence à déranger, surtout que les nationalistes l'arborent à tire-larigot. La Thin Blue Line devient l'emblème de l'extrême droite.
L'armée est un client de longue date de la marque de lunettes. L'entreprise travaille avec les troupes militaires américaines depuis les années 1980. En 2003, l'ancien grand patron de la marque de lunettes, Colin Baden, lâchait cette phrase sur CNN:
Ce succès s'est reflété à travers la carrière de feu Chris Kyle, le sniper dont la vie a été adaptée au cinéma dans le film de Clint Eastwood: American Sniper. L'ancien tireur d'élite de l'US Navy était bombardé comme une figure de la droite conservatrice et se pavanait régulièrement avec des lunettes Oakley.
Mais le partenariat avec les forces de police en 2018 est plus délicat. Un positionnement qui, pour beaucoup, ne passe pas et souligne le bord politique de la boîte. Nate Powell, essayiste, écrivait cette phrase dans une publication parue en 2019:
Pour les détracteurs de la marque, Oakley a choisi son camp en collaborant avec les forces de l'ordre et en confectionnant cette collection Thin Blue Line.
Le débat autour des lunettes Oakley et du symbole de la «fine ligne bleue» a nettement débordé sur ces factions d'extrême droite. Les Prouds Boys Enrique Tarrio, Joe Biggs ou Ethan Nordean se sont approprié ce symbole de force et d'autorité.
Mais si la marque est associée à cette mouvance de la droite dure, la réputation d'Oakley n'en est pas affectée pour autant. Le caractère authentique d'Oakley semble résister aux scandales. Comme l'ébauchait un article de GQ: