Fier comme un paon lors de l'attaque du Capitole le 6 janvier 2021, il fera désormais moins le malin derrière les barreaux. Enrique Tarrio (38 ans) vient de prendre 22 ans dans les gencives, pour avoir commandité le siège du Congrès américain. La presse juge cette décision comme un reflet du «rôle central» tenu par les «Proud Boys» dans l’assaut du 6 janvier 2021, et Tarrio en est le leader.
Il faut dire que cet Américain d’origine cubaine, élevé à Little Havana, près de Miami, dans l'Etat de Floride, a déjà pas mal bourlingué pour en arriver là. Il est bien connu des autorités, riche d'un casier judiciaire assez chargé, depuis qu'il est âgé de 20 ans. Auteur d'une paire de méfaits qui lui ont offert des séjours en prison et permis, selon un papier du Miami Sun Times, «d’affronter ses erreurs». Preuve s'il en faut, il créera à sa libération deux sociétés: la première était spécialisée dans l'installation de systèmes de sécurité et l'autre fournissait des GPS à différentes entreprises.
Mais chassez le naturel, il revient au galop. Dans ses faits de gloire les plus marquants, il s'est distingué en brûlant une banderole «Black Lives Matter» qui appartenait à une église d'une communauté afro-américaine de Washington, en marge d'un rassemblement pro-Trump. Tarrio avait vu son droit de fouler le sol de la capitale lui être retiré par un juge local.
Par conséquent, il n'était pas présent ce fatidique 6 janvier 2022, mais bien à Baltimore. Pourtant, un tribunal américain n'a pas hésité à l'envoyer à l'ombre pour un bon bout de temps, qualifiant son rôle de crucial:
Les procureurs ont présenté les «Proud Boys» comme «une armée de Donald Trump».
Absent, mais coupable par sa force de manipulation, le leader de l'extrême droite a tout appris dès son entrée dans les «Proud Boys» de Miami, en 2017. Cette milice fondée par Gavin McInnes, le cocréateur du magazine Vice, a charpenté les fondations du destin explosif de Tarrio. Le bonhomme a ensuite pris part, aux côtés des «Unite Right», au tristement célèbre affrontement de Charlottesville, qui a donné lieu à une attaque sanglante à la voiture-bélier.
A la suite de ce drame, Tarrio se défendra d'être un suprémaciste blanc, affirmant être un conservateur.
Or, derrière ces belles paroles traditionalistes, les «Proud Boys» véhicule un discours raciste, homophobe, misogyne, c'est un appel à la haine qui enfle dans les rangs de la milice, un nationalisme patriarcal violent et exacerbé.
Tarrio, toujours caché derrière son gilet pare-balles, casquette vissée et lunettes sur le nez, a gravi les échelons patiemment du groupe, avant de frapper un «antifa» (antifasciste) pour devenir un membre indéboulonnable des «Proud Boys», selon les informations du New York Times. Il gravit tous les échelons jusqu’à devenir en novembre 2018 le leader du mouvement, qui compterait entre 1 000 et 3 000 membres aux Etats-Unis.
Mais le plus surprenant a été révélé par Reuters, en janvier 2021. Dans un article, l'agence de presse relate une histoire fumeuse, avec pour titre:
Enrique Tarrio opérait comme informateur pour le FBI, travaillant à plusieurs reprises sous couverture pour les autorités après son arrestation en 2012, selon un ancien procureur et la transcription d’une procédure judiciaire fédérale datant de 2014.
Le justicier masqué avait aidé les agents à infiltrer différents milieux impliquant des trafics de drogue, des jeux de hasard et des trafics d'êtres humains. Plus d'une douzaine de personnes aurait été coincée grâce aux tuyaux de Tarrio.
Des opérations que l'intéressé a niées, rétorquant «ne se souvenir de rien». Mais l'ancienne procureure fédérale dans l'affaire Tarrio, Vanessa Singh Johannes, assure qu'il avait bel et bien coopéré avec les forces de l'ordre, «pour aider à poursuivre les responsables d'autres entreprises criminelles».
Désormais sans ses lunettes et son gilet pare-balles, Enrique Tarrio, qui s'est présenté avec la tenue de prisonnier orange, purgera sa peine de 22 ans, loin des broncas de l'extrême droite.