Vous n'avez sans doute pas oublié l'histoire abracadabrante de George Santos, le sulfureux député dont le CV bricolé, les mensonges répétés et les subversions éthiques ont régalé les médias du monde, il y a un mois. Eh bien, il est toujours là. Fidèle au poste, malgré les injonctions à la démission.
Son impunité quasi totale a laissé la majorité des législateurs cloués sur leur banc. Pas tous. Ritchie Torres et Dan Goldman, aussi surnommés «the two Dem's of New York», sont bien résolus à ce que George Santos prenne la porte.
Loin de se contenter d'une plainte commune, déposée début janvier au comité d'éthique du Congrès, et d'une proposition de loi qui ne cache pas son nom (le «Stopping Another Non-Truthful Office Seeker Act», abrégé loi SANTOS, oui oui), le duo de législateurs s'est lancé dans une cabale acharnée, à coups de tweets (64 rien que pour Ritchie Torres depuis le 3 janvier, selon un décompte de Semafor) et de conférences de presse.
Pas plus tard que ce mardi, à Washington, les deux compères ont pris le micro et la parole devant un parterre d'électeurs mécontents débarqués tout droit du 3e district de New York et de pancartes enjoignant Santos à faire ses bagages.
S'ils sont encore méconnus de ce côté-ci de l'Atlantique, le «brillant procureur» de Brooklyn et le «politicien défenseur des pauvres» du Bronx font la fierté du parti démocrate de New York.
L’autoproclamée «formidable combinaison» a donc peu goûté au coup de pub de leur collègue du Congrès, également originaire de la Grosse Pomme, pour la délégation de leur Etat.
Le fringuant duo a fait de sa croisade une affaire personnelle. Dan Goldman, juif lui-même, s'est dit particulièrement offensé par les inventions de George Santos sur ses pseudos origines juives et grands-parents rescapés de l'Holocauste. Sans oublier ses blagues en ligne sur les nazis tuant des Juifs.
Et puis, il faut admettre que les jeunes et ambitieux démocrates auraient tort de se priver du plaisir de cet esclandre qui éclabousse tout le parti républicain. Ce n’est pas faute pour son chef de file, Kevin McCarthy, d’avoir vaguement tenté de flotter au-dessus des critiques. Avec sa mince majorité à la Chambre, le nouveau speaker est conscient qu'il ne peut se priver d'un seul vote. Pas même celui d’un George Santos.
Pour ce qui est du principal intéressé, il a suggéré, lors d'une brève entrevue au Capitole, que les deux démocrates ligués contre lui l'utilisaient à des fins publicitaires. Pour une fois, George Santos n'a peut-être complètement pas tort.
«Ce n'est pas comme si j'étais un membre obscur avant», a objecté Torres. Le premier homosexuel afro-latino du Congrès a effectivement eu sa part de curiosité des médias et de portraits élogieux. «Je reçois un flux constant de couverture médiatique.»
S'ils se défendent de vouloir se mettre en avant, Ritchie Torres et Daniel Goldman assument en revanche parfaitement le côté obsessionnel de leur déclaration de guerre:
Quant à Dan Goldman, lorsqu'une journaliste lui demande s'il n'est pas fatigué de parler sans arrêt de son nouveau collègue, il laisse échapper un petit rire.
«Tant qu'il reste membre du Congrès, il doit y avoir des gens comme Dan et moi qui braquons les projecteurs sur lui», assume Ritchie Torres au Daily Beast, avant de conclure qu'il continuera à «faire pression» avec «une campagne de pression écrasante, qui ne montre aucun signe de ralentissement».
Que leur acharnement porte ses fruits ou non importe finalement assez peu; dans tous les cas, Ritchie Torres et Dan Goldman se sont bien amusés.