Des punchlines, des membres du barreau au taquet, un jury anonyme et une absence remarquée: voici, en gros, le résumé de cette première journée de procès intenté par E. Jean Caroll contre Donald Trump. L'octogénaire accuse le magnat des affaires de l'avoir violée au milieu des années 1990, avant de la diffamer à coups de piques et de publications sur son réseau Truth Social.
A l'ère post #MeToo, autant dire que cette bataille judiciaire étalée sur deux semaines, s'annonce déjà «sauvage» et politiquement sensible.
Si sensible que l'identité des neuf membres du jury, qui ont garanti au juge Lewis Kaplan qu'ils pourraient traiter l'affaire équitablement et sans préjugés préconçus contre Donald Trump, restera inconnnue toute la durée du procès.
La décision de préserver leur anonymat a été prise le mois dernier par le juge Lewis Kaplan, afin de garantir la «protection» et la vie privée de ces New-Yorkais comme les autres - parmi lesquels un codeur informatique, une mère de famille du Bronx, un agent de sécurité, un concierge d'immeuble ou encore un bibliothécaire.
Sélectionnés mardi matin, ces citoyens lambda vont devoir jauger de la culpabilité de l'ex-chef d'Etat controversé.
Cette première journée, rythmée par les déclarations liminaires des avocats de chaque partie, marque peut-être la première erreur de Donald Trump: son choix stratégique et délibéré ne pas venir. Son message au jury est clair: les allégations de viol et diffamation ne l'inquiètent pas suffisamment pour le persuader de sauter dans l'avion pour New York depuis la Floride. Bref, Trump fait du Trump.
Il est peu probable que cette absence soit du goût des jurés. «Après tout, ils doivent être là à cause de lui, alors pourquoi ne devrait-il pas être là?», souligne l'ancien procureur Shan Wu dans les colonnes du Daily Beast.
Ce silence est d'autant plus criant qu'il tranche avec la présence de la principale accusatrice, E. Jean Caroll, droite dans ses bottes, et encadrée par son armée d'avocats.
Pour rivaliser avec la description d'un Trump prédateur sexuel, les jurés n'ont eu que la vision d'un siège désespérément vide et la verve de son avocat, Joe Tacopina.
Cette figure de proue de la défense de Trump ne s'est pas privé de dérouler sa langue et son argumentaire. Sans surprise, Tacopina s'est appuyé sur l'ancienneté des accusations («pourquoi attendre trente ans pour dénoncer son viol?»), a pointé quelques incohérences dans son récit («un magasin de luxe comme Bergdorf Goodman à moitié vide, really?») ou encore l'hypothèse que la journaliste a fabriqué les accusations pour gagner de l'argent et de la renommée.
Mardi soir, au terme des déclarations liminaires, le juge Kaplan a libéré le jury. Avant de quitter la salle, rapporte le New York Times, il s'est tourné vers l'avocat de Donald Trump pour demander s'il devait supposer que l'ancien président ne témoignerait pas. Ce à quoi Tacopina a répondu: «Je ne suis pas sûr, votre honneur.»
Comme veut la formule consacrée: affaire à suivre.