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Javier Milei, «le fou» élu nouveau président de l'Argentine

Javier Milei, «le fou» élu grâce à ses «cinq enfants clonés»
L'ultralibéral et extrémiste de droite Javier Milei a été confortablement élu président de l'Argentineimage: getty, montage: fred valet

Javier Milei, «le fou» qui doit son élection à ses «cinq enfants clonés»

Le nouveau président de l'Argentine entend des voix, considère le pape comme le porte-parole du Diable, applaudit le trafic d'organes et demande des conseils politiques à ses dogues anglais conçus dans un labo. Zoom sur le Trump latin.
20.11.2023, 16:4520.11.2023, 17:24
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Cette fois, ça y est. Ce que la gauche et les modérés redoutaient est arrivé. L'ultralibéral et extrémiste de droite Javier Milei a été confortablement élu président de l'Argentine, dans la nuit de dimanche à lundi. En récoltant 55,95% des voix face au centriste Sergio Massa, celui qu'on surnomme «El Loco» (le fou) s'empare ainsi d'un pays embourbé dans les crises, où sa population suffoque sous le poids d'une inflation sans précédent.

La plupart des électeurs ayant voté pour lui pensent que, foutu pour foutu, il est temps d'essayer autre chose.

Sa «folie» disséquée

Pour vous donner une petite idée de cette «autre chose», qu'une partie du peuple argentin est prête à s'infliger, sachez par exemple que le futur ministre de l'Economie devra être «quelqu’un d’aussi orthodoxe et aussi friand de tronçonneuses» que le président.

Depuis un premier tour qui promettait un final beaucoup plus serré que la véritable razzia de cette nuit, cet anti-féministe et climatosceptique de 53 ans avait décidé de calmer le jeu. Son jeu. Celui qui consiste à gesticuler en permanence dans les médias, à aligner déclarations farfelues et attaques personnelles à la cadence d'une Kalashnikov. Or, fin octobre, dans une séquence qui a offert à la chaîne argentine A24 la meilleure audience de son histoire, le désormais président a fait décrocher toutes les mâchoires.

Après une arrivée tardive très remarquée, le tout frais président interrompt soudain l'entretien pour se plaindre, avec des yeux quasi révulsés, de «chuchotements incessants dans ce studio qui me tuent».

«Pouvons-nous demander la fin de ces jacassements derrière la caméra? C'est très difficile de s'exprimer avec autant de personnes qui parlent en même temps»
Javier Milei, en direct à la télévision argentine

Hélas (pour lui), aucun bruit n'était à signaler dans le studio. «El Loco» est-il vraiment fou? Pendant un mois, certains médias sont allés jusqu'à dépêcher psychologues et psychiatres, dans l'espoir de disséquer la santé mentale de cet économiste de formation, qui promet (notamment) la «dollarisation» de l'Argentine.

Diagnostic? Javier Milei, leader du mouvement La Libertad Avanza, serait proche de la «psychopathie», une «bombe sans arrêt sur le point d'exploser», «dangereux pour lui et pour les autres». Sympa.

Quoiqu'il en soit, le mystère qui entoure sa «folie» ressemble furieusement à ces enquêtes médicales enrobées de fantasmes que l'on a déjà pu lire et entendre à propos de Donald Trump ou de Vladimir Poutine. Il s'agit à chaque fois d'essayer de comprendre un personnage littéralement insaisissable.

Il faut malgré tout avouer que l'excentrique Javier Milei fait tout pour que le monde peine à le juger sain d'esprit. Sachez d'ailleurs que son surnom de «fou» lui vient de ses coéquipiers de vestiaires, lorsque l'adolescent était alors gardien de but des Chacarita Juniors: «C'était un grand gars, puissant, un peu taré et qui gueulait tout le temps, mais gentil», dira plus tard un ancien joueur qui l'a longtemps côtoyé.

A l'époque, il n'était pas encore question de politique. Milei n'avait d'yeux que pour le ballon rond, les filles et le rock, notamment au sein d'un groupe de reprises des Rolling Stones. Ce qui ne l'empêchera pas de glisser dans sa poche un papelard en économie de l'Université privée de Belgrano.

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Ses chiens clonés

En 2004, la vie de cet «économiste anarchiste» sera profondément bouleversée par l'adoption d'un dogue anglais. Javier Milei, éternel célibataire sans enfant, va très vite considérer Conan (oui, comme le célèbre barbare) comme son fils.

«Conan est mon seul et véritable grand amour»
Milei dans le Buenos Aires Times

Dans plusieurs médias argentins, il avouera que cet amour immodéré pour les animaux lui vient d'une enfance qu'il décrit comme «compliquée avec les êtres humains», parsemée d'abus en tous genres à la maison et de harcèlements à l'école. La seule personne qu'il aimera sans retenue, c'est sa soeur cadette Karina.

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Mais treize ans après l'adoption de Conan, c'est le drame: le dogue meurt et Milei est littéralement dévasté. Convaincu qu'il n'est «plus capable de rien sans son meilleur allié», le polémiste argentin se rue alors chez une médium pour continuer à dialoguer avec son chien. Et, en plein échange télépathique, Conan suggérera à son maître, «en accord avec Dieu», de se lancer dans la course à la présidentielle. Au quotidien La Nacion, l'homme politique décrira une relation qui aurait débuté 2000 ans auparavant, dans une vie antérieure, où Conan était le véritable gladiateur et Milei un... lion. (Le fauve deviendra d'ailleurs son blase politique.)

«Conan et moi, on s'est rencontrés dans le Colisée romain. Mais on ne s'est pas battus, car nous étions destinés à unir nos forces dans le futur»
Javier Milei

Un lien si unique qu'en 2018, Javier Milei va décider de... cloner l'amour de sa vie, pour la modique somme de 50 000 dollars. Une aventure génétique orchestrée par la société PerPETuate (notez le jeu de mots), qui aboutira à la naissance de cinq chiots. S'il baptise le premier Conan, les autres rendront hommage à ses héros américains du monde économique. Citons notamment Murray Rothbard, Milton Friedman et Robert Lucas. Si la «famille» de Milei grandit en même temps que son influence politique en Argentine, ses «enfants à quatre pattes», ses «gosses poilus», deviendront ses plus fidèles conseillers en politique et de «fins stratèges», rapporte par exemple le New York Times.

En septembre dernier, le nouveau président argentin promettait de nommer un spécialiste du clonage, Daniel Salamone, à la tête d'un «puissant conseil scientifique national». Si la duplication en laboratoire est encore une lubie des riches de ce monde (Barbra Streisand possède deux clones de son chien Tuléar), elle inquiète les scientifiques un peu partout sur la planète. Javier Milei, qui voudrait d'ailleurs désacraliser la vente d'organes «pour en faire un marché comme un autre», y croit plus que jamais. Plus tôt cette année, il a même évoqué son envie de clonage pour remplacer les ministres.

«Cet homme fait des séances tous les matins avec ses chiens et se base là-dessus pour prendre ensuite des décisions qui concernent la vie des Argentins. C'est très choquant»
Juan Luis González, biographe non-officiel de Javier Milei, au site espagnol 20 Minutos.

Le journaliste Juan Luis González, qui le suit depuis longtemps, décrit Milei comme «un leader instable, en proie à un déséquilibre émotionnel très aigu». Sa solitude chronique l'ayant conduit à ne faire confiance qu'à ses chiens, il utiliserait les outrances et la provocation pour tenir ses idées noires à distance. Son premier dogue, Conan, a été «pendant quinze ans sa seule compagnie à Noël, à son anniversaire et le 31 décembre». Croit-il véritablement avoir été choisi par Dieu pour diriger l'Argentine? Difficile à dire. Reste que ses attitudes fantasques effraient les analystes politiques du pays.

Entre autres originalités, le président argentin ne «s'excusera jamais d'avoir un pénis», se considère comme un «gourou du sexe capable de ne pas éjaculer pendant trois mois», milite avec sa tronçonneuse en marche et passe son temps à se déguiser en «Général Ancap» (pour anarcho-capitaliste). Un super-héros en latex qui va sauver l'Argentine en la transformant en «Liberland», un monde magique dans lequel «personne ne paiera plus jamais d'impôt».

«Je suis le roi d'un monde perdu»
Javier, sur scène,

Sa vie (très) privée

Si ses chiens sont tout pour lui, quelques femmes sont parvenues à s'immiscer dans l'intimité du tout frais président. Lui-même très peu loquace à ce sujet, il jurait que s'il gagnait les élections, sa soeur Karina serait nommée «première dame». Or, dimanche, lors de sa première apparition en grand vainqueur, Javier Milei a été aperçu au bras de la «danseuse, actrice, présentatrice, journaliste» argentine Fátima Flórez. Une relation dévoilée en août dernier seulement.

Sa petite amie Fátima Flórez, 42 ans.
Sa petite amie Fátima Flórez, 42 ans.instagram

Ces dernières semaines, sur Instagram, Fátima n'a pas hésité à empoigner l'humour pour encourager son nouveau boyfriend, allant jusqu'à s'affubler d'une moumoute similaire à la coiffure excentrique du politicien, surnommé «la Perruque». Sinon, en 2022, le président d'extrême droite dit avoir vécu une année «de passion torride» avec la chanteuse Daniela Mori. Avant cela? Mystère.

Un mystère qu'il parvient à conserver en détournant constamment les regards sur ses gesticulations quotidiennes. A l'issue de sa victoire, dimanche, une vidéo de «l'homme à la tronçonneuse» a refait surface, dans laquelle il dévoile sa «stratégie» pour démembrer un à un les ministères actuels.

Reste à savoir si le programme autoritaire qu'il déroule depuis longtemps (anti-avortement, anti-woke, pro-dollars, pro-guns) sera bien celui qui atterrira sur les épaules déjà épuisées des Argentins.

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Video: watson
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