A un jet de pierre de la Russie, les habitants de la petite ville frontalière finlandaise de Kuhmo s'inquiètent du renforcement militaire du grand voisin, ravivant les préoccupations pour la sécurité du pays nordique.
La Finlande, qui a rejoint l'Otan en 2023 après des décennies de non-alignement militaire, partage une frontière de 1340 kilomètres avec la Russie.
Des images satellites récentes obtenues par le New York Times et les groupes de médias publics finlandais Yle et suédois SVT ont révélé une expansion de l'infrastructure militaire russe en divers endroits près de la frontière finlandaise.
Elles relancent les craintes d'une préparation de la Russie à une action militaire contre la Finlande, une fois la guerre en Ukraine terminée.
Moscou a mis en garde à plusieurs reprises Helsinki contre les répercussions de son adhésion à l'Otan après l'invasion de l'Ukraine en 2022.
L'expert militaire Emil Kastehelmi, du groupe finlandais Black Bird, qui analyse l'invasion de l'Ukraine par la Russie, explique:
Selon l'expert, ce renforcement est une réponse à l'adhésion à l'Otan, mais aussi une tentative d'accélérer le recrutement de soldats, et une conséquence du rétablissement du district militaire de Leningrad l'année dernière. Les forces de défense finlandaises ont d'ailleurs estimé en mai que:
Le ministre finlandais de la Défense, Antti Hakkanen, a déclaré pour sa part qu'Helsinki «surveillait et évaluait de près les activités et les intentions de la Russie», avec ses alliés.
A Kuhmo, à 600 kilomètres au nord d'Helsinki, Samuli Pulkkinen, 49 ans, vend des baies et des légumes devant une épicerie. Les habitants sont, selon lui, de plus en plus inquiets à l'idée d'une nouvelle guerre avec la Russie. Et à raison, car la dernière en date, en 1939-1940, a vu la Finlande être contrainte de céder 11% de son territoire. Pulkkinen témoigne:
La ville de Kuhmo, qui compte moins de 10 000 habitants, est située à une soixantaine de kilomètres du poste-frontière fermé de Vartius. De nombreux habitants ont de la famille des deux côtés de la frontière, et le tourisme et le commerce transfrontaliers étaient d'importantes sources de revenus avant 2022.
«Je ne m'inquiète pas trop, car vivre avec la peur est un défi au quotidien», dit un homme de 67 ans qui requiert l'anonymat, avant d'ajouter:
La Finlande construit une clôture frontalière de 200 kilomètres en 2023 afin d'empêcher la Russie d'«instrumentaliser les migrants», après l'arrivée d'un millier de personnes sans visa. Moscou a démenti avoir orchestré cet afflux.
Les gardes-frontières surveillent quotidiennement les activités le long de la frontière orientale et sont «très bien informés de la situation du côté russe», explique Tomi Tirkkonen, commandant adjoint du district des gardes-frontières de Kainuu, qui inclut Kuhmo.
Lors d'une visite au poste-frontière de Vartius, Tirkkonen a déclaré avec assurance, sans pour autant être en mesure de divulguer des détails «opérationnels et confidentiels»:
Depuis son adhésion à l'Otan, la Finlande a renforcé ses investissements militaires et la préparation de sa population à un éventuel scénario de conflit direct avec la Russie.
Le pays, qui soutient l'objectif fixé par l'Otan d'un investissement de 5% du PIB des pays membres en faveur de la défense et de la sécurité en 2035, a lancé une réforme allant en ce sens.
Pirjo Rasinkangas, qui rend visite à des parents à Kuhmo, soutient la décision de fermer la frontière et de construire cette clôture, affirmant que cela donne un «sentiment de sécurité»:
Selon l'analyste Kastehelmi, le renforcement russe ne constitue pas une menace immédiate pour la sécurité de la Finlande et ne présage pas non plus de préparatifs imminents d'offensive.
Le président finlandais, Alexander Stubb a assuré, lors d'une interview à CNN en mai, que les bases militaires russes situées le long de la frontière n'avaient rien de nouveau et qu'il s'agissait d'une «montée en puissance normale». Kastehelmi précise: