«Je suis une femme totalement détruite», a lancé la Française Gisèle Pelicot mercredi devant la cour qui juge son ex-mari et 50 autres hommes pour l'avoir violée pendant des années alors qu'elle était droguée et inconsciente. Elle a affirmé vouloir «changer cette société» face aux violences sexuelles faites aux femmes.
En demandant la levée du huis clos du procès des viols de Mazan (Vaucluse), «je voulais que toutes les femmes qui sont victimes de viol se disent "madame Pelicot l'a fait, on peut le faire". Celle qui est devenue, à 71 ans, une icône de la cause féministe a affirmé à la barre de la cour criminelle de Vaucluse:
Elle avait été invitée à s'exprimer par le président de la cour, Roger Arata, pour «donner ses impressions» à mi-parcours de ce procès hors norme débuté le 2 septembre, emblématique de la soumission chimique et des violences sexuelles.
Elle s'est ensuite adressée à son mari, assis dans le box des accusés, sans pourtant le regarder, pour lui demander «comment» il avait pu, pendant une décennie, la droguer aux anxiolytiques, la violer et la faire violer par des dizaines d'inconnus recrutés sur internet. Elle a expliqué, d'une voix claire et déterminée:
«Personne n'a rien vu. Ma vie a basculé dans le néant, je ne comprends pas comment il a pu en arriver là. J'ai toujours essayé de te tirer vers le haut, toi tu as atteint les bas-fonds de l'âme humaine, mais malheureusement c'est toi qui as choisi», a-t-elle poursuivi. Son ex-mari, 71 ans, est resté sans réaction apparente, baissant les yeux. Les six autres coaccusés, entourés de leurs conseils, dont la cour étudie les cas cette semaine, sont eux aussi restés silencieux.
Cette prise de parole de Gisèle Pelicot est la seconde depuis le début du procès. Mi-septembre, elle était sortie de sa réserve habituelle en exprimant son sentiment d'humiliation, mais aussi de colère face aux insinuations de certains avocats sur ce qu'elle a subi, leur lançant: «Un viol est un viol!» «Depuis que je suis arrivée dans cette salle d'audience, je me sens humiliée», avait-elle lâché en direction des 51 hommes, jugés jusqu'au 20 décembre.
La diffusion de 27 clichés d'elle pris à son insu, une première depuis l'ouverture des audiences, à la demande d'avocats de la défense et censés prouver que leurs clients ont pu être «trompés» en pensant avoir été attirés par son époux la prétendant consentante, l'avait fait sortir de ses gonds.
Comme quasiment tous les jours depuis l'ouverture du procès, Gisèle Pelicot est arrivée mercredi sous les applaudissements du public au palais de justice d'Avignon. La veille, elle avait également reçu un bouquet de fleurs lorsqu'elle avait quitté le tribunal, remerciant chaleureusement les personnes venues la soutenir.
Elle suit assidûment presque toutes les audiences lors desquelles défilent un à un tous les accusés de ce procès qui suscite l'attention internationale. Il lui arrive parfois de lever les yeux au ciel ou d'afficher un rictus moqueur lorsque certains d'entre-eux donnent des explications baroques -«par peur», «pour faire plaisir au couple», «par accident»...- pour justifier leurs actes. Les accusés encourent jusqu'à 20 années de réclusion criminelle. (jah/ats)