Ce sont des images récentes de la vie à Marioupol, assiégée par les Russes, que les festivaliers ont découvertes jeudi sur grand écran lors d'une séance spéciale de Mariupolis 2, du Lituanien Mantas Kvedaravicius. Le réalisateur a été tué fin mars en Ukraine, à l'âge de 45 ans. Il tentait de quitter la ville martyre, devenue un symbole de la résistance ukrainienne.
«C'était important pour lui de montrer la vie et les gens en temps de guerre plutôt que la guerre», a raconté sa fiancée Hanna Bilobrova qui travaillait avec lui et a rapporté ces images. «Quand on a entendu parler du siège de Marioupol, on savait qu'il y avait encore de la vie, il a dit: "Il faut qu'on y aille"», a-t-elle ajouté, la voix brisée par l'émotion.
Sans voix off ni musique, ce documentaire à l'os alterne entre longs plans montrant des paysages de désolation et scènes de la vie quotidienne d'habitants tentant de survivre. Avec en bande-son, le silence ou les incessants bruits de tirs et de bombardements.
C'était le second film de Mantas Kvedaravicius, qui en avait déjà tourné un précédent, pendant la guerre du Donbass.
Il y était retourné, après l'invasion russe en Ukraine de février dernier, «pour retrouver les personnes qu'il avait rencontrées et filmées entre 2014 et 2015».
Juste après sa mort, son entourage a décidé de monter le film et de le proposer aux organisateurs de Cannes. Un travail «nuit et jour», particulièrement éprouvant. Le film a été ajouté à la dernière minute par les organisateurs du Festival.
Pendant ce temps, les Russes font office d'invités indésirables pour cette 75e édition de la compétition cannoise. Tant que la guerre durera, le rendez-vous mondial du septième art refuse d'accueillir «des représentants officiels russes, des instances gouvernementales ou des journalistes représentant la ligne officielle» russe.
Si le jury s'est toujours dit prêt à accueillir les voix dissidentes, à commencer par le cinéaste Kirill Serebrennikov qui a présenté son film mercredi, des voix se sont élevées pour critiquer ce choix. A commencer par Andrew Fesiak, producteur ukrainien de films, qui n'a pas mâché ses mots lors d'une conférence de presse:
«Les cinéastes russes ne peuvent pas prétendre que tout va bien et qu'ils n'ont rien à se reprocher.»
Des critiques auxquelles le réalisateur Kirill Serebrennikov a tenté de répondre lors d'un entretien à l'AFP. «Je dois dire que je comprends pourquoi ils disent ce qu'ils disent. Je comprends qu'ils sont dans une situation terrible, que des gens perdent leur vie, leur maison.»
«Pour eux, c'est même difficile d'entendre la langue russe. Je comprends très bien ça», a complété le réalisateur de La femme de Tchaïkovski, en lice pour la Palme d'or.
Un autre événement dans le cadre du Festival a créé un certain émoi: le survol mercredi de la Patrouille de France lors de la montée des marches de Tom Cruise
Ce dernier s'est avéré traumatisant pour les équipes de Mariupolis 2. «On était sur le balcon quand nous avons entendu les avions et on s'est presque mis par terre. Mais il n'y a pas eu de bombes», a déploré Hanna Bilobrova, les larmes aux yeux.
L'Ukraine sera présente sur la Croisette via d'autres réalisateurs de ce pays:
(mbr/ats)