Quelle peine mérite Dominique Pelicot, ce septuagénaire qui, pendant dix, ans a drogué, violé et fait violer son épouse dans le sud-est de la France? Après onze semaines d'audiences, ce procès au retentissement international entre dans sa dernière ligne droite, le parquet estimant que l'enjeu était de «changer fondamentalement les rapports entre hommes et femmes».
Le coeur de ce procès est celui «de la domination masculine sur les femmes», a lancé l'un des représentants de l'accusation, Jean-François Mayet, à l'ouverture du réquisitoire devant la cour criminelle de Vaucluse.
Il a souligné ainsi que l'enjeu de ce procès «aux faits d'une gravité inimaginable» n'était «pas une condamnation ou un acquittement».
Hasard du calendrier, ce réquisitoire qui pourrait durer trois jours débute à l'occasion de la journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes. «C'est un symbole de plus», a estimé Me Antoine Camus, l'un des deux avocats des parties civiles.
Une certitude: les réquisitions seront scrutées de près, tant ce procès a eu un impact mondial et tant la victime principale, Gisèle Pelicot, 71 ans, a accédé au statut d'icône féministe après avoir refusé que le procès se déroule à huis clos, «pour que la honte change de camp».
Devant les magistrats professionnels composant la cour, le ministère public a débuté son réquisitoire par le «chef d'orchestre» de cette décennie de viols.
Dominique Pelicot, dénominateur commun des 50 coaccusés recrutés sur internet à qui il avait livré sa désormais ex-épouse, préalablement sédatée aux anxiolytiques, à leur domicile conjugal de Mazan entre juillet 2011 et octobre 2020.
Difficile d'imaginer que ne soit pas réclamée à son encontre la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle.
Dominique Pelicot n'a jamais caché sa responsabilité, se qualifiant lui-même de «violeur». Peu après le début du procès, il affirmait:
Même si la plupart des accusés sont poursuivis pour les mêmes faits, à savoir viols aggravés sur Gisèle Pelicot, et risquent donc également 20 ans de prison, l'individualisation des peines est obligatoire. Par exemple pour distinguer les récidivistes -dix hommes sont venus plusieurs fois- de ceux venus une seule fois à Mazan.
Ces hommes âgés de 26 à 74 ans pouvaient-ils légitimement croire qu'ils participaient au scénario d'un couple libertin, où l'épouse ferait semblant de dormir? Ont-ils été «manipulés» par Dominique Pelicot?
Ou leur discernement était-il altéré au moment des faits, comme l'ont encore suggéré les avocats de 33 d'entre eux mercredi?
La demande des collectifs féministes, qui ont apposé une banderole dimanche soir en face du tribunal, est très claire: «20 ans pour chacun».
A Avignon, le réquisitoire est prévu sur trois jours, selon le planning officiel. Mais, selon les informations recueillies auprès des différentes parties par l'AFP, il pourrait s'achever mercredi en fin de matinée.
Après le cas Pelicot, l'accusation devrait avancer crescendo avec d'abord les dossiers moins lourds, ceux de Joseph C., 69 ans, et Hugues M., 39 ans, respectivement accusés d'agression sexuelle et de tentative de viol, avant de s'atteler aux 48 autres (dont un en fuite).
Après le réquisitoire, la parole sera aux avocats de la défense jusqu'au 13 décembre. Restera alors une semaine à la cour pour délibérer, pour un verdict attendu le 20 décembre au plus tard. (ats)