Plusieurs des hommes accusés de viols ou agressions sexuelles sur Gisèle Pelicot ont développé un mécanisme de défense face à leurs failles narcissiques. Il leur a permis un «passage à l'acte», a expliqué mardi une psychologue au procès des viols de Mazan.
Gisèle Pelicot, que son mari droguait pour la violer et la faire violer, était présente à l'audience, accompagnée de son fils David.
La cour criminelle de Vaucluse a poursuivi l'étude des cas de six des 51 accusés, dont le plus jeune, Joan K., 22 ans au moment des faits.
C'est par cet homme, engagé dans l'armée à 18 ans, qu'Annabelle Montagne a commencé la lecture de ses rapports d'expertise psychologique.
Consommateur chronique d'alcool et de cannabis, dépressif, impulsif et solitaire, il a eu besoin au cours de sa vie du soutien de ses compagnes et de l'armée pour faire face à des «angoisses potentiellement envahissantes», a expliqué la psychologue.
«Et de celui de Dominique Pelicot ?», le mari de Gisèle, qui faisait venir des hommes recrutés sur internet, lui demande le président de la cour, Roger Arata. «Sa capacité à se penser lui-même n'est pas très élaborée», répond l'experte.
Interrogé dans l'après-midi, Joan K. estime qu'il y a eu «de la manipulation, quelque part», de la part de Dominique Pelicot. «Il m'a beaucoup rassuré, il m'a dit 'T'inquiète pas, ça fait longtemps qu'on fait comme ça'», a-t-il expliqué. «Je n'allais pas pour violer une dame», a-t-il ajouté, en reconnaissant qu'il ne maîtrisait pas à l'époque la notion de consentement.
Comme pour chacun des accusés, Dominique Pelicot a assuré au contraire lui avoir expliqué, comme aux autres, qu'il cherchait quelqu'un «pour abuser de sa femme, droguée par (ses) soins».
Fabien S., 39 ans, deuxième cas examiné, a, lui aussi, un caractère impulsif. Réfractaire à l'autorité, adepte des pratiques sado-masochistes, il a «besoin d'immédiateté», selon la psychologue.
Quant à Husamettin D., 43 ans, il a une personnalité qui «s'oriente autour d'une faille narcissique, due à une enfance marquée par la misère socio-économique et un rejet de son père». Il a développé une «addiction» à la sexualité qui constitue une manière de «lutter contre un vide interne et un risque d'effondrement narcissique», souligne l'experte.
Ont-ils pour point commun d'avoir construit un «clivage» entre vie publique et vie sexuelle, un «mécanisme de défense» qui leur «permet d'exister ?», lui demande Béatrice Zavarro, l'avocate de Dominique Pelicot, qui présentait lui-même cette double face.
«Oui, à des degrés divers, c'est un même mécanisme qui permet de passer à l'acte», répond Annabelle Montagne, en soulignant toutefois la nécessité «d'individualiser» les comportements.
En fin de journée, Hugues M., 39 ans, a expliqué s'être rendu chez le couple quelques heures à peine après avoir échangé sur internet avec Dominique Pelicot. «Cela devait être juste un trio, avec la particularité que madame dormirait et qu'elle se réveillerait au moment de l'acte», a assuré cet homme aguerri aux pratiques de l'échangisme.
Il reconnaît avoir trouvé Gisèle Pelicot couchée sur le côté et tenté en vain de la pénétrer, faute d'érection. «Lorsque M. Pelicot vient me remplacer et qu'il pénètre son épouse, et qu'elle ne se réveille toujours pas, je me dis qu'il y a un problème et je m'en vais rapidement», a-t-il poursuivi, niant farouchement la tentative de viol dont il est accusé.
Mercredi, la cour devrait interroger dans la matinée Husamettin D. et Mathieu D., 53 ans, et si elle en a le temps Fabien S., avant d'entendre le rapport de l'expert psychiatre Laurent Layet sur le cas des six accusés examinés cette semaine. (ats/afp)