Les femmes, les blancs et les enfants d'abord. Pour les Noirs et les Maghrébins, on verra plus tard.
Que c'est dommage. Parce qu'ils sont trognons les protagonistes de cette vidéo qui fait hurler X depuis plusieurs heures. Maya, Léo, Margot, Lilou et Clémentine, des adolescents français bien brossés et tirés à quatre épingles, se retrouvent bien malgré eux embarqués dans un brouhaha qui ne les concerne pas.
Ils ont tous la peau blanche et ne parlent pas de racisme.
Le célèbre discours de Martin Luther King, qui appelait justement à l'éradication du racisme face à une foule de 250 000 personnes, fêtait ses 60 ans le 28 août dernier. L'Education nationale, s'est-elle dit, ne pouvait manquer ça. Or, elle l'a raté en beauté. En forçant cinq collégiens blancs comme des nuages à «faire résonner» (en anglais) les mots du pasteur américain, le ministère de Gabriel Attal a méchamment trébuché sur le nuancier. «I have a dream»... qu'au moins un de ces enfants soit noir.
Pour dire, depuis la mise en ligne de la séquence, de nombreux internautes avaient aussi «a dream»: que les communicants de l'Education nationale pointent fissa au chômage. Quand internet fâché, internet toujours faire ça: se moquer.
A chaque nouvelle apparition dans la vidéo pic.twitter.com/tTVpIGIYFp
— RvpLand 🌍 (@RvpLand) August 29, 2023
Ils ne demandaient pourtant pas la lune. Juste un poil de diversité, histoire de célébrer la marche des droits civiques sur Washington, en 1963, avec un peu d'intelligence. Quitte à instrumentaliser des mineurs, au moins qu'ils n'en ressortent pas traumatisés. Un gros manque de jugeote de la part du ministère, qui avait certainement mieux à faire, en cette rentrée déjà polluée par une énième polémique sur les vêtements religieux, que de ridiculiser la mémoire d'un héros afro-américain.
Sur la page d'accueil du site officiel, on sent pourtant qu'un effort avait été fait.
Bien décidée à se justifier, la garde rapprochée de Gabriel Attal a fait ce qu'il ne faut pourtant jamais faire: expliquer sa blague. Car, soudain, Martin Luther King n'est plus au cœur de l'initiative malheureuse. S'il manque quelques couleurs de peau sur la séquence, c'est simplement que le ministère a dû se dépatouiller avec ce qu'il avait sous la main. Des enfants blancs qui ont gagné un concours.
D'accord, il fallait agir vite et le caméraman n'avait sans doute pas que ça à foutre. Mais un rapide détour par le palmarès de ce championnat d'anglais permet, par exemple, d'apprendre qu'une classe de Guadeloupe s'est vue recevoir une mention spéciale.
Le problème, avec toute tentative d'explication, c'est qu'elle abritera toujours ne serait-ce qu'une miette de nouvelle maladresse. Jusqu'à la suppression pure et simple de la vidéo, «face au trouble suscité et à la violence de certains commentaires».
Morale de l'histoire, quand on instrumentalise des gamins pour lustrer sa communication, la moindre des choses serait de tout faire pour les protéger. Et comme le dit si bien une internaute circonspecte, «rendez service à vos enfants: cochez "non" à chaque fois que l'école vous demande une cession de droit à l'image».