On raconte que Nicolas Sarkozy n'a pas touché au boeuf, ni aux brocolis, se contentant de picorer quelques framboises. En revanche, l'ancien président de la République s'est littéralement jeté sur le Flamby, durant ce déjeuner qu'il a partagé, mardi, avec seize députés du parti Les Républicains. Flamby, c'est, bien sûr, au sens figuré. Car François Hollande a pris quelques balles perdues autour de cette table informelle.
Rappelons au passage que ce célèbre surnom avait été imaginé, «pour rire», par Arnaud Montebourg et qu'il était censé décrire une présidence sans aspérité et un peu molle du bidon.
Le journaliste Alexandre Sulzer, du Parisien, a eu la chance de glisser une oreille ou deux dans ce déjeuner. Enfin, disons plutôt qu'une poignée de convives ont eu la langue aussi bien pendue que la panse, en pleine digestion. «J’ai pris ma dose de Redbull pour les cinq prochaines années!», lui balancera notamment l'un des parlementaires, comparant le caractère de Sarko à l'effet d'une boisson énergisante.
S'il a déjà bouffé avec l'aile droite du parti Renaissance le 27 juin, c'est la première fois que le mari de Carla Bruni croise la fourchette avec des élus LR. Au menu, petite grappe de conseils stratégiques, sur son lit de tactiques politiques.
En vrac, Sarko rêve de voir Eric Ciotti se frotter aux élections européennes, en lieu et place de François-Xavier Bellamy: «Je n’ai jamais été de gauche mais, la ligne Bellamy, je ne peux pas». Celui qui avait refusé de soutenir Valérie Pécresse à la présidentielle l'année dernière a ensuite évoqué Emmanuel Macron, et le fait qu'une politique de droite «n'est pas naturelle pour lui». Raison de plus pour infiltrer le pouvoir en imaginant «un accord gouvernemental», pour créer un «rapport de force». Pourquoi? Parce qu'il manque un leader de droite et Macron et le «seul qui ne fera pas d’ombre à notre famille politique».
De manière générale, et toujours selon Le Parisien, Nicolas Sarkozy rêve d'une droite française plus gueularde, visible et imposante. En d'autres termes, il se manque à lui-même: «Ma hantise, c’est le silence. Le silence, vous l’aurez assez longtemps quand vous serez au cimetière!»
Et puis, comme un dessert qui n'était pas prévu au menu, l'existence de François Hollande s'est invitée dans les assiettes. Les deux anciens présidents de la République, ce n'est pas une surprise, ne sont pas les meilleurs amis du monde. Et la brouille n'est, semble-t-il, pas prête de s'éteindre. Alors qu'il aspergeait l'assemblée d'anecdotes sucrées/salées, Sarko a voulu préciser la teneur de son aversion pour le socialiste:
Mardi, une anecdote en particulier a pris le dessus. L'invité d'honneur a rappelé qu'à chaque fois qu'il croise son successeur, il en profite pour lui balancer une vanne sur son poids.
Sarko-Hollande, c'est une mésentente politique et personnelle qui est aussi endurante que bruyante. Dès que l'un d'eux se retrouve devant un micro, les vannes fusent... sur fond de rancoeurs étrangement tenaces. Il faut dire que, lors de la traditionnelle passation de pouvoir à l'Elysée, en 2012, François Hollande, fraîchement président, n'avait pas jugé bon de raccompagner son prédécesseur à sa voiture. Le politicien de droite ne l'a jamais digéré, alors même que le socialiste s'en est excusé, quelques années plus tard: «Je ne voulais pas donner le sentiment d'être discourtois».
Si Hollande a su parfois lui rendre la monnaie de sa pièce, et notamment sur sa légendaire petite taille, c'est Nicolas Sarkozy qui a toujours eu le plus de munitions dans le ceinturon. Le président «normal» est un «plouc», son couple qu'il formait avec Valérie Trierweiler n'avait rien à envier aux «Bidochons». «Franchement, il a pris le train une fois et puis quoi? Quand on fait ce métier, c'est qu'on n'est pas normal. Il faut de l'autorité, personne n'admire un homme normal».
Devrait-on, à l'inverse, admirer un ex-président qui a désormais plus de rendez-vous judiciaires que politiques?
Enfin, sachez que François Hollande, lui, a toujours été relativement bon joueur: «Tout ce qui est blessant doit être traité avec désinvolture pour ne rien laisser paraître», disait-il à l'époque, quand il se prenait une énième balle perdue dans le bidon.