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Un an avant la fin de son mandat, Macron a-t-il tenu ses promesses?

Un an avant la fin de son mandat, Macron a-t-il tenu ses promesses?

epa09239553 French President Emmanuel Macron on a screen during a joint press conference following a virtual plenary session of the 22nd German-French Ministerial Council, in Berlin, Germany, 31 May 2 ...
Image: EPA DDP IMAGES POOL
S'il ne s'est pas dédit de ses annonces en matière d'économie, le président ne peut pas s'enorgueillir d'avoir su prendre le train en marche de l'écologie.
04.06.2021, 20:05
Vincent Bresson / slate
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François Mitterrand et le programme commun, Jacques Chirac et ses livres-programmes, François Hollande et ses «60 engagements»? Moins pressé que ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a fini par jouer le jeu des promesses présidentielles au début de l'année 2017.

Sommé de sortir du bois et de dévoiler une ligne politique encore floue, le candidat d'En Marche! résumait son programme dans un livret de 30 pages publié en février, deux mois avant le premier tour de l'élection présidentielle. «Au début de la campagne, il traîne et conteste le fait que cet exercice soit pertinent, se souvient Isabelle Guinaudeau, chercheuse en politique comparée et compétition partisane au CNRS. Ça l'agace même quand on lui demande s'il va publier ses promesses, mais il finit, malgré tout, par le faire.»

En tête au premier tour, Emmanuel Macron remporte une élection présidentielle à laquelle ne se présente pas François Hollande. Son antécesseur pâtit d'une mauvaise image, liée en grande partie à une idée tenace: une fois au pouvoir, le socialiste n'aurait pas tenu ses fameuses promesses de campagne.

Une étude Ifop publiée par le Journal du Dimanche en 2014 révèle qu'il s'agirait même du reproche principal adressé par les sondés au «président normal». Cette idée de renoncement lui collera à la peau. «Si l'on se réfère aux sondages, François Hollande est très impopulaire en fin de mandat à cause de ses promesses brisées. C'est assez classique. De façon générale, on entend souvent dire que les hommes et femmes politiques font des promesses en l'air. Mais si on s'amuse à regarder de plus près ce qui a été mis en place sous le mandat de François Hollande, on se rend compte que ses ?60 engagements? ont, assez souvent, été tenus», démystifie la chercheuse qui, dans ses études, passe au crible les promesses présidentielles.

Incoming French President Emmanuel Macron and his wife Brigitte Macron wave at supporters in front of the Pyramid at the Louvre Museum in Paris, Sunday, May 7, 2017. Macron says that France is facing  ...
Image: AP POOL

Marqué par les faux-pas de l'homme qui l'a lancé en politique, Emmanuel Macron décide d'en prendre le contre-pied. Celui qui deviendra le huitième président de la Ve République ne fait pas des promesses le c?ur de sa candidature et mise davantage «sur ses qualités personnelles que sur une campagne très précise», résume Isabelle Guinaudeau. Ce qui n'empêche pas le locataire de l'Élysée de s'enorgueillir régulièrement de faire «ce que j'avais dit que je ferais», comme il l'avait tweeté l'été 2020.

J'ai fait ce que j'avais dit que je ferai.

Moins au centre des débats, le suivi des promesses a été, jusqu'ici, relativement marginalisé par rapport à la dernière présidence. Pour autant, La République en marche sait qu'il constitue un point incontournable et assure donc sa propre vérification des réalisations présidentielles sur son site. «Mais certaines promesses ne sont pas référencées, voire parfois reformulées», dénonce la chercheuse. Qu'en est-il donc vraiment des promesses de campagne du président sortant à l'approche du crépuscule de son premier mandat?

Des réformes économiques conformes

«Je pense que Macron a été plutôt fidèle à son programme», tranche Maxime Vaudano. Journaliste au Monde, il est le cofondateur du site de fact-checking Lui Président, aujourd'hui tenu par des étudiants de l'École supérieure de journalisme de Lille. «Cette tendance à mettre en ?uvre ce qui avait été promis est due, en partie, au fait que ses promesses étaient moins ambitieuses et moins précises que celles de son prédécesseur», détaille Maxime Vaudano, qui est également coauteur du livre Lui, Président - Que reste-t-il des promesses de François Hollande?. «François Hollande avait promis la Lune, donc, assez logiquement, c'était plus compliqué à tenir», compare-t-il.

La rédaction de Lui Président a passé au peigne fin les 401 promesses d'Emmanuel Macron. Bilan: 61 ont été pleinement réalisées, 40 sont en cours de réalisation, 25 sont partiellement tenues et 17 ne l'ont pas été. Le reste des engagements n'a pas encore été tenu, mais une partie pourrait l'être dans les mois à venir.

À y regarder de plus près, le président Emmanuel Macron a tenu ses promesses particulièrement sur un point: l'économie. Conformément aux annonces faites en 2017, l'État a créé un fonds d'investissement pour l'industrie et l'innovation de 10 milliards d'euros, tandis que le régime social des indépendants,(RSI), et l'impôt de solidarité sur la fortune, feu (ISF), ont bel et bien été supprimés. Le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) -un avantage fiscal de plusieurs milliards d'euros profitant aux entreprises, mis en place par François Hollande- a été transformé en allègement de cotisations sociales, comme promis en 2017. En dépit de la contestation auquel le projet a fait face, Emmanuel Macron a fait adopter par ordonnance une réforme du code du travail, plafonnant les indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif et étendant la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche.

Au rayon des promesses économiques, un gros raté demeure cependant. Si Emmanuel Macron avait assuré vouloir ouvrir le chômage à tous les indépendants, la loi adoptée en 2019 est beaucoup trop restrictive. Un premier bilan de cette mesure faisait état de seulement 800 allocataires en novembre 2020, au lieu des 30'000 prévus initialement. «Il avait également promis de résorber les déficits publics, rappelle Isabelle Guinaudeau. Mais, au contraire, avec la crise sanitaire, ils se sont envolés.» De 98.3% du PIB français en 2017, la dette est passée à 115.7% en 2020, alors qu'elle était en baisse en 2019, n'atteignant «que» 97.6% du PIB.

#INSEE : Comptes nationaux des administrations publiques - premiers résultats en 2020, le déficit public s'élève à 9.2% du PIB, la dette notifiée à 115.7% du PIBhttps://t.co/GkkOTc0wt3 pic.twitter.com/WbgnXswOQT

Promesse tenue sur la taxe d'habitation et rabotage du «Pass culture»

Globalement fidèle à ses annonces sur le terrain des mesures économiques, l'actuel président a réalisé davantage d'écarts en matière de politique sociale. Au point mort, le versement social unique faisait pourtant partie du programme présidentiel. Ce projet visait à fusionner différentes prestations sociales, telles les APL ou le RSA, pour les regrouper en un seul versement à la fois. Baptisé «revenu universel d'activité» (RUA), il est toujours à la traîne concernant sa réalisation. On a du mal à croire que ce RUA devienne réalité à un an de la fin du mandat présidentiel.

Sur le front des promesses tenues, Emmanuel Macron peut se targuer de faire disparaître la taxe d'habitation, à horizon 2023. À l'origine, seuls 80% des ménages les moins aisés du pays devaient en profiter. À l'inverse, le «Pass culture», qui s'est fait désirer, a été raboté par rapport au projet initial. Cette aide donne droit à 300 euros, uniquement voués aux dépenses qui ont un rapport avec la culture. Testé dans quatorze départements pendant plusieurs mois, ce coup de pouce est étendu à tout le territoire, à deux conditions: être dans l'année de ses 18 ans et prouver que l'on est français, européen ou que l'on vit en France depuis plus d'un an. Petit bémol: à l'origine, le «Pass culture» était un projet plus ambitieux puisqu'on avait fait miroiter aux jeunes une manne de 500 euros.

À quelques mois de la fin du premier mandat macronien, une surprenante incertitude plane sur la réforme des retraites, alors même qu'il s'agissait d'un des chantiers prioritaires. Ce projet de système universel des retraites est hautement inflammable, donc particulièrement complexe à défendre à l'approche d'une élection. «Ce qui est intéressant avec cette réforme, c'est qu'elle aurait pu être un gros marqueur du quinquennat, s'étonne Maxime Vaudano. Mais personne n'a trop tiqué durant la campagne. Le débat politique autour de cette idée s'est installé après.»

Incertitudes sur la proportionnelle

Sur la politique sécuritaire, migratoire, écologique et institutionnelle, Emmanuel Macron est davantage à la peine que sur l'économique et le social. Isabelle Guinaudeau abonde: «J'ai le sentiment qu'il a davantage respecté les pages bleues de son programme, consacrées à l'économie et parfois au social, que vertes, dédiées à l'écologie. Sur l'immigration, il y a une forme d'ambiguïté. Candidat, il se présentait comme une alternative au Rassemblement national et comme plus progressiste qu'il ne l'a été [par la suite].»

Si on se plonge dans les pages écologie du programme présidentiel, la France devait se placer en tête «du combat contre les perturbateurs endocriniens et les pesticides» et diviser «par deux le nombre de jours de pollution atmosphérique». Ces deux promesses n'ont pas été suivies d'effets, tout comme la mesure phare de la politique écologique promise par Emmanuel Macron: faire chuter la part du nucléaire à 50% du mix énergétique à horizon 2025.

«Les discours et les promesses sont volatiles d'une audience à l'autre»

Alors qu'en 2020 celle-ci était encore de 67%, l'objectif, repoussé à 2035, semble inatteignable en quatre ans. «Les discours et les promesses sont volatiles d'une audience à l'autre. Entre le programme écolo d'Emmanuel Macron et ses discours devant la FNSEA, il y avait déjà des différences», souligne Isabelle Guinaudeau.

Une autre pierre angulaire de la candidature d'Emmanuel Macron n'a pas été portée jusqu'au bout par le président: l'ajout d'une dose de proportionnelle censée assurer une meilleure représentation du pluralisme politique l'Assemblée nationale.

S'il reste une dizaine de mois pour mettre en ?uvre cette réforme, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a reconnu dimanche 24 janvier sur France 3 que «la proportionnelle n'est pas le dossier en haut de la pile». Elle ne semble pas l'être davantage aujourd'hui. Un problème épineux, car la majorité présidentielle s'est construite avec le MoDem, à qui LREM avait promis cette dose de proportionnelle. «C'est un renoncement important, car ce changement était au c?ur de l'accord du parti de François Bayrou, analyse Maxime Vaudano. C'est, je pense, l'un des rares points sur lesquels on peut penser qu'Emmanuel Macron a trahi sa parole. Il se murmure qu'il n'a pas mis tout son poids dans la balance pour porter cette idée.»

Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson a changé le titre. Cliquez ici pour lire l'article original

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