Seul, à deux ou à trois, ils déboulent, motos vrombissantes, cabrées sur la roue arrière. Leur terrain de jeu: au bas de chez eux ou tout à côté, dans l’allée, sur le parking, au milieu des habitations, généralement dans des quartiers situés à la périphérie des villes. Bienvenue dans l'univers des rodéos urbains. Un passe-temps exaspérant pour le voisinage et surtout très dangereux.
Un phénomène violent à tout point de vue, qui touche particulièrement la France. Samedi, à Colmar, un Afghan de 27 ans a été tué par balle dans le quartier de l’Europe, une banlieue de la préfecture du Haut-Rhin. Un groupe partageait un barbecue, avant d’être importuné par le bruit d’un scooter dont le conducteur effectuait un rodéo. S’en est suivie une altercation. Après avoir quitté les lieux, le conducteur est revenu armé et a ouvert le feu, tuant l’un des membres du groupe. L’auteur du coup mortel est recherché par la police pour assassinat.
Interdits depuis 2018 en France, les rodéos tuent ou blessent, non pas par balle habituellement, mais en raison des chocs provoqués dans un environnement urbain où cette pratique n’a visiblement pas sa place.
Cette pratique décriée monte en puissance lors des vacances d’été. Elle a pris de l’ampleur en 2020 pendant le Covid. Ces deux derniers mois, la police a effectué 8000 contrôles et procédé à 1200 interpellations et 700 saisies de véhicules, communiquent les services du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui veut montrer que l’Etat prend le problème au sérieux. Il l’annonce: 10 000 contrôles auront lieu en août.
Comment lutter efficacement contre les rodéos urbains? En dissuadant de passer à l’acte ou de récidiver. Les sanctions encourues peuvent aller jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 francs d’amende. Outre les sanctions, il s’agit, pour la police, d’identifier les caches où sont entreposées les motos servant aux rodéos urbains, souvent des véhicules volés. Une fois saisies, les motos sont envoyées à la casse.
Autre moyen envisagé pour sévir, la méthode du «tampon». En usage en Grande-Bretagne, elle consiste, pour les forces de l’ordre, à «tamponner» avec leur voiture un fuyard à deux roues pour le faire tomber. La manœuvre comporte des risques pour les individus ainsi interpellés, mais elle est acceptée par la population britannique.
En France, c’est le député François Jolivet, du parti Horizons, créé par l’ancien premier ministre Edouard Philippe, membre de la majorité présidentielle, qui souhaite faire expérimenter cette méthode. Mais son application pourrait déclencher des émeutes, craint-on. La doctrine aujourd’hui en vigueur dans la police française est de ne plus engager de courses-poursuites en milieu urbain, en particulier dans les quartiers dits sensibles, de peur des conséquences en cas de blessure ou de mort de la personne poursuivie.
Si les rodéos urbains ont leurs détracteurs, et ils sont nombreux, ils ont aussi leurs défenseurs. Telle la réalisatrice Lola Quivoron. En mai, dans une interview au média Konbini à l’occasion de la présentation de son film, le bien nommé Rodeo, sans accent, au Festival de Cannes, la jeune femme avait regretté que cette pratique soit «criminalisée à mort». Conquise par le phénomène de la «bike life», elle disait apprécier là une «solidarité de groupe» et rejetait sur les «flics» la cause des drames afférents à cette activité. Placés face à la réalité, moins romantique, des rodéos urbains, ses propos avaient été plutôt mal reçus sur les réseaux sociaux et ailleurs.
Lola Quivoron met la lumière sur la culture du cross-bitume à l’occasion de son film de fiction “Rodeo” présenté cette année au Festival de Cannes : "C’est une pratique qui est criminalisée à mort” pic.twitter.com/Df04f8ZoZZ
— Konbini France (@KonbiniFr) May 22, 2022