Les faits se sont produits le 9 octobre dernier à la prison tristement célèbre des Baumettes, à Marseille. Ils illustrent l’état critique du système carcéral français. Robin, 22 ans, a été «frappé, assommé, puis froidement égorgé avec les tessons d’un bol en porcelaine», rapportait France Info le 13 janvier. L’auteur de cette terrible agression n’est autre que son codétenu, A., 25 ans, plusieurs fois condamné pour vol et violences.
Ce drame aurait pu être évité, clament les proches de la victime, dont sa mère, qui accuse l'administration pénitentiaire de n'avoir pas sauvé son fils. Robin, placé en détention provisoire pour des infractions en rapport avec les stupéfiants, n’aurait jamais dû être enfermé avec A., son futur agresseur.
watson a joint lundi par téléphone deux amis du défunt, Pierrick et Joan, âgé chacun de 23 ans. Salariés dans l’immobilier, ils résident et travaillent dans le «06», les Alpes-Maritimes, sur la Côte d’Azur. Comme leur camarade tragiquement disparu, ils ont grandi dans le «04», le département voisin, mais isolé, des Alpes-de-Haute-Provence, où «les débouchés professionnels sont peu nombreux et les trains trop rares».
Pierrick, qui a rendu hommage à Robin sur X, le présente ci-après en quelques mots:
Le 9 Octobre 2024, mon ami Robin Cotta a été assassiné à la prison des Baumettes. Il était âgé de 22 ans. J'ai lu ici beaucoup de fausses informations et j'aimerais raconter ce qu'il s'est vraiment passé. Merci à celles et ceux qui partageront. Robin mérite justice. (1) pic.twitter.com/iAYQSuo8FS
— Rick 👺 (@prckc137) January 17, 2025
Le 21 septembre, en possession de fausses ordonnances de sirop codéiné pour la toux nécessaire à la fabrication de «purple drank», un cocktail euphorisant, Robin, accompagné d’un ami, S., le frère aîné de Joan, se rend dans une pharmacie de Mezel, un village proche de Digne-les-Bains, chef-lieu des Alpes-de-Haute-Provence. Les deux jeunes gens sont arrêtés et mis en examen pour fausses ordonnances, trafic de stupéfiants et trafic de médicaments.
Robin est emprisonné le lendemain aux Baumettes, à Marseille, dans l'attente de son procès, sa détention préventive ne devant pas excéder quatre mois. Son ami S., 25 ans, est incarcéré non loin de là, à Aix, dans le centre pénitentiaire de Luynes. Les explications de son frère Joan:
Le 1er octobre, Robin, fils unique, écrit à son père, depuis peu à la retraite, avec lequel il avait rempli plusieurs missions intérimaires. Les nouvelles sont rassurantes. France Info, qui a obtenu copie de ce courrier, en a restitué le contenu:
Le 4 octobre, Robin est transféré de la cellule 504 à la 519. A., son nouveau codétenu, est un violent, selon des témoignages recueillis durant l’enquête. D'un geste, il aurait menacé d’autres de ses codétenus de les découper à la machette. Des surveillants des Baumettes auraient été informés de sa dangerosité. Un détenu aurait alerté:
A. purge alors une peine de six mois de prison dans une affaire de transport de stupéfiants. Il se trouve dans le quartier des «arrivants». Déjà condamné, il n’a en principe rien à y faire. La faute à la surpopulation carcérale, invoque-t-on, telle la fatalité.
Le plus incompréhensible, se dit-on, est que Robin ait été mis en cellule avec un profil tel que A. «Robin avait un petit casier pour des faits de stupéfiants, mais pas pour des faits de violence», rapporte l’avocat de sa famille, Me Etienne Noël, joint par watson, connu pour avoir fait condamner la France pour ses conditions de détention.
A noter que ni Robin, ni A. ne sont liés à la DZ Mafia, ce réseau de trafiquants dont Marseille est l’épicentre.👇
Dans les jours précédant le drame, Robin, craignant pour sa sécurité, redoutant un malheur, avait demandé plusieurs fois à pouvoir changer de cellule, proposant même d’être placé à l’isolement. Sans succès. Ce sont ses supplications et ses cris, ainsi que ceux provenant de détenus de cellules voisines de la sienne qui ont alerté les surveillants. «Mais ils étaient bien trop peu nombreux. Lorsque l’un d’eux est enfin arrivé, c’était trop tard», relate Pierrick.
L'enquête tente d'établir ce qu'il s'est réellement passé dans cette cellule 519 de la prison des Baumettes. A., le meurtrier présumé, dit avoir été menacé par Robin et avoir agi en état de légitime défense. La paranoïa a-t-elle pu jouer un rôle dans ce déclenchement de violence?
Pierrick et Joan gardent de Robin le souvenir d’un ami «enjoué, vif d’esprit, qui n’était pas violent». «On connaissait leurs ennuis d’addiction, à lui et à S. On les avait prévenus qu’ils pourraient avoir des problèmes», confient-ils. Etre tué en prison ne pouvait être l’un de ces problèmes.