Rassemblements interdits, mortiers d'artifice prohibés et «moyens massifs» promis pour le 14 juillet: le gouvernement poursuit son virage sécuritaire pour montrer coûte que coûte qu'il reprend la main après les émeutes.
Les 13 et 14 juillet, affirme samedi la Première ministre Elisabeth Borne dans un entretien au Parisien, alors que l'exécutif craint un nouvel embrasement dans les cités.
Un décret, publié dimanche, interdira en outre la «vente», le «port» et le «transport de mortiers d'artifice», fréquemment utilisés par les émeutiers, annonce la cheffe du gouvernement.
Concernant d'éventuelles sanctions pour les familles de jeunes auteurs de violences, la Première ministre prévient que l'exécutif «fera évoluer la loi (...) si le cadre légal existant n'est pas suffisant».
Le gouvernement réfléchit en l'occurrence à une amende spécifique pour les mineurs, sur le modèle de l'amende forfaitaire pour les adultes quand ils commettent de tels actes. «C'est rapide et efficace», souligne Elisabeth Borne. Depuis les violences qui ont suivi la mort du jeune Nahel, tué par un policier lors d'un contrôle routier, Emmanuel Macron a érigé le rétablissement d'un «ordre durable» en priorité absolue.
Les rassemblements en mémoire d'Adama Traoré, décédé peu après son arrestation par des gendarmes en juillet 2016, ont été interdits dans le Val-d'Oise et à Paris, ce qui n'a pas empêché 2000 personnes de se rassembler samedi après-midi dans la capitale. Le frère d'Adama, Youssouf Traoré, a été interpellé en marge du rassemblement et placé en garde à vue pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion.
La France insoumise et les écologistes ont déploré ces interdictions de rassemblement qui placent la France «au ban des démocraties». «D'interdiction en répression, de Pétain à Valeurs actuelles, le chef de l'arc républicain entraîne la France dans un régime déjà vu. Danger. Danger», a tweeté le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon.
«Petit à petit les libertés publiques perdent du terrain (...) Ne plus pouvoir manifester contre un pouvoir, c'est en accepter le discours (...) Là est la pente autoritaire», a abondé Sandrine Rousseau, présente, malgré l'interdiction, au rassemblement parisien en mémoire d'Adama Traoré. Une dizaine de députés insoumis et écologistes avaient également fait le déplacement.
Sur le plan judiciaire, les émeutes qui ont secoué la France ont donné lieu à 3734 gardes à vue, dont près de 400 incarcérations, selon les données du ministère de la Justice. Parmi ces gardés à vue, 1163 étaient des mineurs.
«Emmanuel Macron doit impérativement montrer aux Français que toutes les mesures sont prises», relève à l'AFP le politologue Bruno Cautrès.
Elisabeth Borne, qui a assuré samedi «avoir délivré» la feuille de route des «100 jours» fixée par Emmanuel Macron en avril pour relancer son quinquennat après la crise des retraites, a notamment réaffirmé l'objectif de «débattre d'un texte à l'automne» sur l'immigration. A plus long terme, «sur le plan de la sécurité, l'exécutif ne doit pas laisser le champ libre à la droite radicale», relève Bruno Cautrès.
Augmentation des places de prison, majorité pénale à 16 ans, responsabilité pénale parentale: pendant les violences qui ont suivi le décès de Nahel, plusieurs élus Les Républicains, dont le président du parti Eric Ciotti et le patron des sénateurs Bruno Retailleau, ont formulé des propositions parfois en phase avec l'extrême droite.
Dans la foulée des émeutes, un comité de l'ONU a dénoncé «l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre». Des propos contestés samedi par Paris qui les juge «excessifs» et «infondés».
La députée écologiste Sandrine Rousseau s'est dite samedi soir «inquiète» de potentiels débordements qui pourraient éclater le 14 juillet. «Le gouvernement doit annoncer des mesures» contre les violences policières, a déclaré l'élue sur BFMTV, dénonçant un pouvoir exécutif qui «ne comprend pas la France profonde». (dal/afp)