C’est un coup de tonnerre. Un «coup dans le dos», a réagi le ministre français des Affaires étrangères, ex-ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. L’Australie renonce à l’achat de douze sous-marins à propulsion conventionnelle, que devait lui livrer la France pour un montant de 56 milliards d’euros, a annoncé mercredi Canberra. Le contrat avait été conclu en 2016. Sa rupture donnera lieu comme il se doit à des compensations, mais pour Paris, «c’est un très gros revers», analyse Hadrien Desuin, auteur de «La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie« (Le Cerf, 2017) et ancien élève de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, en France.
L’Australie fera affaire avec les Etats-Unis en lui achetant des sous-marins à propulsion nucléaire, jugés plus performants. En échange, Washington partagera la technologie liée à cette commande avec son allié australien.
Ce revirement marque la naissance d'un partenariat de sécurité fraîchement scellé par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie, appelé AUKUS et valant pour la zone indo-pacifique. «Chacun le comprend: Il s’agit d’afficher un front déterminé face aux ambitions chinoises dans la région», situe Hadrien Desuin, spécialiste de géopolitique. Qui poursuit: «On a là, sous les yeux, l’illustration du basculement stratégique des Etats-Unis, qui délaissent l’Afghanistan pour un enjeu sécuritaire bien plus important pour eux: la compétition avec la Chine.»
En quoi cette nouvelle alliance entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie, assortie de la rupture d'un très gros contrat d’armement avec la France, secoue-t-elle cette dernière?
Le «mal» étant fait, Joe Biden a tenu à rassurer la France, «un partenaire-clé» de Washington dans la zone indo-pakistanaise.
Hadrien Desuin s’interroge sur les conséquences à plus long terme, pour la France, de cette coopération britanno-américano-australienne qui semble l’exclure du jeu dans une zone où elle a pourtant des intérêts, à commencer par la Nouvelle-Calédonie:
Hadrien Desuin rappelle que les habitants de Nouvelle-Calédonie voteront en décembre sur leur appartenance à la France. Une France paraissant affaiblie pourrait pousser ceux qui hésitent à le faire pour l’indépendance. De façon à se mettre sous la protection du «plus fort» face aux appétits chinois.