C'est désormais bien connu, la contre-offensive ukrainienne n'avance pas suffisamment rapidement, du moins selon les responsables militaires occidentaux. Lancée il y a plus de trois mois, cette vaste opération n'a, pour l'heure, connu que des succès limités et ponctuels. Le général américain Mark Milley l'a répété une fois de plus ce dimanche, aux micros de la BBC, tout en ajoutant que «les combats sont toujours intenses».
Le chef de l'armée américaine a ajouté une autre chose: les Ukrainiens disposent encore d'une «trentaine de jours de combat», a-t-il affirmé, avant que les conditions météorologiques se dégradent.
Milley fait ici référence à un phénomène météorologique appelé «bezdorizhzhia» en ukrainien et «raspoutitsa» en russe. Ces termes désignent les périodes de l'année durant lesquelles une grande partie des terrains plats se transforment en mers de boue sous l'action de l'eau. La raspoutitsa se produit deux fois par année: au printemps, à cause de la fonte des neiges, et en automne, à cause des pluies.
«Pluies, boue, hiver»... Est-ce que cela signifie que l'Ukraine n'a qu'une trentaine de jours pour réussir sa contre-offensive? Les opérations vont-elles s'arrêter dès que les conditions météo se dégraderont? C'est ce que les déclarations du général semblent suggérer, mais les avis divergent à ce sujet.
Selon le centre de réflexion «Institute for the Study of War» (ISW), le froid et l'humidité affecteront les combats, sans toutefois les arrêter. L'ISW fait valoir que cela a déjà été le cas au cours des 18 premiers mois de la guerre.
«En automne, le terrain peut effectivement être humide dans certaines parties du front, dans le Donbass et au nord de la Crimée», réagit Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse. Le spécialiste rappelle toutefois que «l'Ukraine est un immense pays, dont les dimensions avoisinent celles de l'Europe occidentale».
Autre élément important: «La pluie et la boue n'ont aucune influence sur les véhicules chenillés. Or, l'armée russe est presque entièrement chenillée», ajoute-t-il. «Ces conditions posent problème aux véhicules à pneus, notamment les véhicules logistiques». C'est ce que montrent les vidéos documentant l'arrivée de la raspoutitsa l'automne dernier, où l'on voit des blindés sur roues lutter contre la boue.
бездоріжжя (bezdorizhzhia) has returned to Ukraine with the fall rains, turning many unpaved roads into muddy quagmires. Here, a convoy of Ukrainian M1224 MaxxPro MRAPs (sporting green dominant digital camouflage) work to pull a stuck vehicle from the mud. pic.twitter.com/aNsluEFYTW
— OSINTtechnical (@Osinttechnical) September 26, 2022
«Si des centaines de camions empruntent les mêmes itinéraires, cela finit effectivement par dégrader sensiblement les routes», commente Alexandre Vautravers.
Selon l'ISW, les pluies automnales «ralentiront les mouvements de terrain des deux côtés», tandis que «les basses températures poseront toute une série de problèmes logistiques». Alexandre Vautravers rappelle que, dans ces conditions météo, «les attaques peuvent demander davantage de préparation, et l'approvisionnement logistique devient plus compliqué». Mais l'essentiel ne devrait pas changer, estime-t-il:
Surtout parce que, selon lui, l'arrivée de la saison froide n'a pas que des conséquences négatives sur la guerre. «La météo ne concerne pas uniquement la situation au sol, mais implique également les conditions atmosphériques», précise-t-il. «Or, celles-ci peuvent, parfois, offrir des conditions avantageuses».
«Le brouillard, la pluie, ainsi qu'une visibilité réduite, sont historiquement favorables à l'attaquant», poursuit le rédacteur en chef de la Revue militaire suisse. Et d'ajouter: «Les forces disposant de dispositifs de vision thermique, comme ceux que l'Ukraine a reçus des Occidentaux, peuvent également être avantagées par ces conditions».
Une chose est sûre, Kiev a déjà annoncé que les opérations vont se poursuivre jusqu'à la fin de l'année. «Dans le froid, l'humidité et la boue, il est plus difficile de se battre», a déclaré le chef des services de renseignement, Kyrylo Boudanov, à Reuters. Avant de préciser: