Cela fait bientôt deux mois que la contre-offensive ukrainienne a été lancée. Depuis, les combats se poursuivent sans relâche, notamment dans les régions de Donetsk (est) et Zaporijia (sud). Confrontées à une forte résistance de la part des troupes russes, les forces de Kiev peinent à s'imposer.
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Selon les dernières estimations, diffusées lundi par la vice-ministre de la Défense ukrainienne Hanna Malyar, Kiev a libéré quelque 204 km2 de territoire depuis le début des opérations. Les forces ukrainiennes ont repris une poignée de villages occupés par les Russes. Le dernier, Staromaiorske, petit hameau de 800 habitants situé dans la région de Donetsk, a été recapturé le 31 juillet au bout d'une bataille d'une dizaine de jours.
Plusieurs facteurs expliqueraient la «lenteur» de la contre-offensive ukrainienne. Les spécialistes répètent depuis des semaines que de telles opérations prennent du temps, évoquant une «stratégie délibérée visant à épuiser l'ennemi». La nature jouerait également en défaveur des attaquants. La repousse sauvage des broussailles dans le sud du pays, alimentée par la chaleur estivale, «ralentit probablement les combats», estime, ce jeudi, le ministère britannique de la Défense. Cette végétation aiderait à camoufler les positions russes et rendrait les champs de mines plus difficiles à nettoyer.
Pourtant, malgré ces «circonstances atténuantes», la contre-offensive est jugée plutôt sévèrement par les analystes et les responsables occidentaux s'exprimant anonymement dans les médias.
Des erreurs tactiques ont effectivement été commises: la plus célèbre, au tout début des opérations, a fait perdre à l'Ukraine 25 véhicules en quelques minutes, dont quatre précieux chars Leopard 2 de conception allemande.
C'est précisément à cause de cela que la contre-offensive a déçu les attentes de l'Ouest, qui a infusé des milliards de dollars pour renforcer les forces de Kiev. Les armes occidentales modernes, longuement réclamées par le président Zelensky, ne semblent pas avoir fait la différence. Au même titre que la coûteuse formation dispensée par les pays de l'Otan à quelque 36 000 soldats ukrainiens.
«Equipées d'armes américaines de pointe et présentées comme l'avant-garde d'un assaut majeur, les troupes formées par les Etats-Unis se sont enlisées dans les champs de mines russes, sous le feu constant de l'artillerie et des hélicoptères», analyse mercredi le New York Times. Qui enfonce le clou:
Face à cette situation, Kiev a décidé de changer de stratégie, rapporte le quotidien américain. Les commandants militaires ukrainiens vont désormais se concentrer sur l'usure des forces russes avec de l'artillerie et des missiles à longue portée, au lieu de lancer de vastes attaques mécanisées sous le feu de l'ennemi.
Autrement dit, l'armée ukrainienne va mettre de côté les méthodes de combat américaines pour revenir aux tactiques qu'elle connaît le mieux. Une deuxième vague de forces entraînées par l'Occident est attendue dans le Sud, mais ces soldats devraient y mener des attaques à petite échelle, pour tenter de percer les lignes russes.
Ce changement de tactique inquiète les responsables américains, relate le New York Times. Ceux-ci craignent que le recours massif à l'artillerie épuise rapidement les précieuses réserves de munitions ukrainiennes. Cela ferait le jeu de Poutine, qui peut compter sur d'immenses stocks de matériel. Selon des informations recueillies fin avril par le Washington Post, l'armée ukrainienne tirait à l'époque environ 7700 obus par jour, soit environ un toutes les six secondes.
Surtout, la décision de l'Ukraine sonne comme un aveu d'échec pour l'Otan, du moins indirectement, commente encore le New York Times. «Les espoirs de l'alliance de voir des formations ukrainiennes dotées de nouvelles armes et d'un nouvel entraînement réaliser d'importantes avancées ne se sont pas concrétisés, du moins pour l'instant».
Les responsables de l'administration Biden espéraient que les neuf brigades formées à l'occidentale montreraient que la doctrine militaire américaine était supérieure à l'approche russe, poursuit le quotidien. Pour l'heure, il n'en est rien.
Il faut aussi dire que la tâche n'était pas facile. Les soldats ukrainiens formés par les pays de l'Otan n'ont reçu que quatre à six semaines d'entraînement aux armes combinées. Les experts militaires interrogés par le NYT soulignent qu'il est toujours difficile d'utiliser des tactiques nouvellement apprises pour la première fois, d'autant plus que la Russie peut compter sur un immense dispositif de fortifications défensives.
Le problème résidait plutôt dans les attentes de l'alliance, estime Michael Kofman, membre de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, dans les colonnes du Times. Il était erroné de penser que les unités ukrainiennes pouvaient être converties à la doctrine de combat américaine en l'espace d'une courte formation. Il aurait été plus sage de les aider à combattre de la meilleure manière qu'ils connaissent, argumente-t-il. Les prochaines semaines nous diront si ce retour aux fondamentaux portera ses fruits. (asi)