Pendant 200 ans, le Royaume de Suède est resté neutre. Ou plutôt: sans alliance. Car comme la Suisse, la Suède savait clairement de quel côté elle se trouvait pendant la guerre froide, même si elle n'était pas membre de l'Otan.
Mais le mois de février 2022 et l'invasion de l'Ukraine par la Russie sont arrivés. La Suède a alors décidé de mettre fin à ses 200 ans de neutralité et d'adhérer à l'organisation transatlantique avec sa voisine, la Finlande. Une décision historique.
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Si le processus d'adhésion a duré près de deux ans, c'est à cause des entraves du président turc Recep Tayyip Erdogan et du premier ministre hongrois Viktor Orbán. Mais jeudi, le moment était venu: à Washington, le premier ministre suédois Ulf Kristersson a remis l'acte d'adhésion au secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, dans les bureaux où sont conservés les documents fondateurs de l'Otan.
Le processus est ainsi formellement achevé et le drapeau du 32e pays membre pourra être solennellement hissé, lundi à Bruxelles, au quartier général de l'organisation. Kristersson s'est réjoui de cette «victoire de la liberté». Le secrétaire d'Etat américain Blinken a lui parlé d'une «débâcle stratégique» pour le président russe Vladimir Poutine.
En effet, contrairement à ce que le maître du Kremlin avait imaginé, l'Otan est parvenue à placer ses pions aux portes de la Russie. Non seulement la Russie partage désormais 1300 kilomètres de frontière avec l'organisation, au niveau de la Finlande. Mais la mer Baltique passe, elle aussi, un peu plus aux mains de l'alliance et la flotte balte de Poutine devra s'en accommoder pour continuer à opérer. Les trois pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), talon d'Achille historique de l'Otan, pourraient ainsi être bien mieux défendus.
Avec la Suède, l'alliance gagne également en puissance de combat. En prévision de l'adhésion, le gouvernement de Stockholm a augmenté son budget militaire de 2,2 milliards d'euros en 2024 pour le porter à plus de 10 milliards et atteindra sans problème l'objectif réglementaire de 2%. Certes, les forces armées ne comptent actuellement que 50 000 soldats actifs à peine, y compris les réservistes et les volontaires. C'est relativement peu pour ce pays de 10,4 millions d'habitants. Toutefois, les troupes sont équipées d'un matériel moderne et formées selon les normes de l'Otan, ce qui leur permet d'être intégrées sans problème dès le premier jour.
Ce qui frappe pour la Suède, c'est la grande capacité militaro-industrielle qu'elle a conservée pendant ses décennies de neutralité.
Les choses sérieuses ont directement commencé pour les deux nouveaux membres. La Suède et la Finlande peuvent déjà faire leurs preuves alors que se déroule en ce moment le plus grand exercice de l'Otan depuis la fin de la guerre froide.
Nommé Steadfast Defender, il réunit environ 90 000 soldats. Dans le cadre de l'exercice partiel Nordic Response, quelque 20 000 forces aériennes, maritimes et terrestres s'exercent dans le nord de la Norvège, de la Finlande et de la Suède. Avec une certitude: la Russie observe elle aussi attentivement ces entraînements. Au cas où des troupes et des armes de l'Otan seraient transférées de manière permanente en Suède, Moscou a annoncé des «contre-mesures de nature politique et militaro-technique». Reste à savoir ce que cela signifie exactement.
(Adaptation française: Valentine Zenker)