Après une année d'âpres discussions, c'est fait. Le parlement ukrainien a décidé, jeudi, de légaliser le cannabis. Il ne s'agit toutefois pas de transformer Kiev en une Amsterdam de l'Est, mais bien de traiter les traumas des soldats ukrainiens de retour du front. Et ce n'était pas gagné, car un projet de loi similaire avait été rejeté avant la guerre.
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Les dernières divergences ont donc été éliminées ce jeudi et semble-t-il avec l'assentiment de la population ukrainienne, qui, rappelons-le, vit avec la guerre et ses blessés depuis 2014 et l'annexion de la Crimée. Selon un sondage d'opinion, rapporté par la BBC cette année, 70% des Ukrainiens seraient favorables à la légalisation du cannabis à des fins médicales. Rappelons, à titre de comparaison, que l’interdiction du cannabis à des fins médicales a été levée en août 2022 en Suisse.
L'acte politique de jeudi ne fait que formaliser dans la loi une pratique déjà courante dans le pays. Les témoignages de soldats affirmant l'efficacité de la marijuana sont légion. Danylo Yevtukhov, blessé et brûlé au combat, affirmait à la BBC que fumer du cannabis l'a aidé à traverser certains des jours les plus sombres:
Et il n'est pas le seul. Mais la plupart des ex-militaires préféraient, avant la légalisation, garder l'anonymat:
Les appels se sont donc multipliés du côté des médecins – qui fermaient parfois les yeux sur les pratiques d'auto-médication des soldats – et des chercheurs. Tous frustrés. Le professeur Viktor Dosenko, de l'Académie nationale des sciences, lançait un ultime appel, en octobre dernier:
Avant cela, le président, Volodymyr Zelensky, en avait fait un cheval de bataille de sa politique sanitaire, rappelle la BBC. Maintenant que la loi a été adoptée, la production va débuter, sous strict contrôle de l'Etat.
L'adoption de cette loi raconte aussi quelque chose sur la guerre en elle-même. Si Kiev reste particulièrement discrète sur ses soldats atteints dans leur santé par la longue guerre défensive menée contre la Russie, des chiffres sont tout de même disponibles.
Ainsi l'Organisation mondiale de la Santé affirmait, en juillet 2023, dans un rapport, que 60% des soldats ukrainiens souffrent probablement de dépression ou de syndrome post-traumatiques, rapportait Le Figaro. Reuters, citant U.S. Defence Intelligence Agency, indiquait, à la même période, que l'Ukraine comptait entre 109 000 et 113 500 blessés de retour du front. Des mutilés qui sont souvent handicapés à vie.
Il est prouvé que la prise de cannabis thérapeutique est efficace dans le cas des douleurs chroniques. Il fait depuis quelque temps partie de l'arsenal médical pour lutter contre ces maux.
Dans le cas du traitement de trouble de stress post-traumatique (TSPT), plusieurs études sont menées, mais tendraient à montrer son efficacité. Pour rappel, le TSPT peut susciter de l’agitation, des retours en arrière, des troubles de la concentration, de l’insomnie et des cauchemars et ces symptômes «peuvent conduire à un risque accru de consommation abusive et de dépendance à la drogue, ainsi que des risques de dépression et de suicide», rapportait The Conversation qui se penchait sur le cas des soldats canadiens, en 2019.
Les résultats démontrent, cependant, que l’usage du cannabis chez des personnes atteintes de troubles de stress post-traumatique pourrait diminuer l’éventualité d’une dépression ou d’un suicide. Les recherches sont toujours en cours et dans ce contexte, l'Ukraine se trouve être – bien malgré elle – un véritable laboratoire. Et aujourd'hui, les lois ukrainiennes n'empêchent plus les médecins de faire des études sur le sujet.