C'est une première. Ce dimanche, Volodymyr Zelensky a indiqué combien de ses soldats ont perdu la vie depuis le début de l'invasion russe. Jusqu'à présent, Kiev n'avait jamais fourni de bilan officiel, un silence qui avait poussé les observateurs à qualifier le nombre de victimes militaires ukrainiennes de «plus grand secret de cette guerre».
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Selon le président ukrainien, son pays a perdu 31 000 militaires au cours du conflit, entré ce samedi dans sa troisième année. Lors d'une conférence de presse organisée à Kiev, Zelensky a assuré:
Le nombre des blessés et des disparus n'a, en revanche, pas été communiqué. Zelensky a motivé ce silence en disant que ces informations pourraient permettre à Moscou d'évaluer le nombre de soldats actifs dont dispose actuellement Kiev.
Il s'agit d'une «déclaration inhabituelle» de la part du président, commente le New York Times, qui fait remarquer que ces chiffres ne peuvent pas être vérifiés.
Le nombre de victimes militaires constitue, en effet, une information hautement sensible. Les deux belligérants sont accusés de gonfler les pertes de l'adversaire et de sous-estimer le nombre de leurs propres victimes. Pour cette raison, les bilans émis par Kiev et Moscou ne sont généralement pas considérés comme fiables, nous indiquait l'année dernière, Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.
D'autant plus que le bilan communiqué par Zelensky «diffère fortement» des estimations occidentales, souligne le New York Times. Le dernier chiffre formulé par des responsables américains, remontant à août 2023, faisait déjà état de «près de 70 000 morts» côté ukrainien. Soit plus du double.
Les responsables, cités sous le couvert de l'anonymat par le quotidien américain, déclaraient que «le massacre s'était intensifié au cours de l'année» et qu'il «se poursuivait à un rythme soutenu» lors de la contre-offensive ukrainienne.
La dernière estimation publique, formulée par le chef de l'Etat-major américain en novembre 2022, disait que Kiev avait perdu «quelque 100 000 hommes», morts et blessés confondus. Un chiffre répété par les autorités militaires norvégiennes quelques mois plus tard, en janvier 2023.
Les déclarations de Zelensky interviennent à un moment tout sauf anodin. Si le président a affirmé vouloir contrer la propagande russe, il est incontestable que le pays traverse actuellement un très mauvais moment sur le front.
A court d'hommes et de munitions, l'armée ukrainienne peine à tenir tête aux Russes sur une ligne de front longue de près de 700 kilomètres. Alors que Kiev se retrouve à devoir rationner les obus, les forces ennemies poussent vers plusieurs directions dans le sud et l'est du pays. Le 17 février dernier, Moscou s'est emparé de la ville contestée d'Avdiivka après un siège particulièrement sanglant.
Parallèlement, les aides militaires occidentales se font désirer; la nouvelle enveloppe de 61 milliards de dollars, promise par les Etats-Unis, est toujours bloquée au Congrès. Les annonces de Zelensky, qui n'a jamais arrêté de demander plus d'équipements, pourraient donc être interprétées comme un message adressé à ses alliés.
Et la Russie? Il est généralement admis que Moscou ait subi des pertes plus importantes par rapport à l'Ukraine. Selon les responsables américains cités en août par le New York Times, jusqu'à 120 000 soldats russes auraient été tués, tandis que le nombre de blessés se situerait entre 170 et 180 000.
Si l'on ajoute à ces chiffres le nombre de pertes ukrainiennes, on obtient le chiffre monstrueux d'un demi-million de victimes.