Depuis une semaine, l'ambiance est à la fête au sein des services secrets militaires ukrainiens: toutes les chaînes de télévision célèbrent l'opération «Synytsia» («Mésange»), dont les détails ont été rendus publics.
Une conférence de presse a même été organisée à Kiev pour que le pilote d'hélicoptère russe Maksim Kuzminov puisse raconter dans les moindres détails comment il avait réussi à s'éjecter de l'aérodrome de Koursk le 9 août avec son hélicoptère Mi-8 en direction de l'Ukraine.
Exclusive footage of the special operation of the GUR called Synytsia. A Russian pilot surrendered to Ukraine along with the Mi-8 combat helicopter
— NOELREPORTS 🇪🇺 🇺🇦 (@NOELreports) September 3, 2023
The Russian pilot calls on other Russian pilots to follow his example.
"You are guaranteed that you will live, receive a reward… pic.twitter.com/Pxp4MzZueJ
La désertion de Kuzminov aurait été précédée de six mois de planification méticuleuse avec des contacts secrets ukrainiens. Malgré des tirs et une blessure à la jambe, il a pu poser l'hélicoptère en toute sécurité près de Poltava. Selon Kiev, le pilote aurait reçu 500 000 dollars américains en récompense. Sa sécurité et celle de sa famille seraient en outre garanties.
«Le Kremlin est furieux», s'est réjoui le chef du renseignement militaire Kyrylo Budanov lors d'une interview à la télévision ukrainienne, lors de laquelle il a aussitôt annoncé le coup suivant.
Ses agents seraient en contact avec d'autres pilotes russes. La réussite de l'évasion de Kuzminov «remplira de confiance ceux qui hésitent encore», a déclaré Boudanov, fraîchement promu lieutenant-général par le président Zelensky, sur le site Internet des services secrets militaires. Lors de la conférence de presse précédente, l'officier des services secrets Andreï Yusov avait lancé un appel à tous les militaires russes:
Tous les réseaux sociaux ont aussitôt diffusé l'information selon laquelle l'Ukraine offrirait désormais deux millions de dollars et un permis de séjour pour n'importe quel pays de l'OTAN à tous les pilotes russes qui livreraient en Ukraine un chasseur-bombardier MiG-31 armé d'un missile hypersonique Kinschal.
Ukraine's Defense Intelligence Agency announced an award of $2,000,000 USD and residence in a NATO country of choice for the entire family to any Russian pilot who defects to Ukraine in a Mig-31 armed with Kinzhal missile. Last month, a Mi-8 helicopter pilot defected to Ukraine. pic.twitter.com/efKNyYvDNc
— Igor Sushko (@igorsushko) September 9, 2023
L'origine exacte de cette offre reste quelque peu mystérieuse, bien que les services secrets militaires soient partout cités comme source. La diffusion massive sur Internet laisse plutôt penser qu'il s'agit d'une intrigue astucieuse et d'un élément de la guerre psychologique menée par Kiev.
Bien entendu, les Ukrainiens ne s'attendent pas sérieusement à mettre la main sur un MiG-31 et son fameux Kinschal. En raison de sa portée impressionnante – estimée entre 500 et 1000 kilomètres – l'arme «miraculeuse» de Poutine est tirée peu après le décollage de l'avion de chasse qui la transporte, loin dans l'arrière-pays russe. Si un pilote russe retardait le tir et s'envolait vers l'Ukraine, il serait probablement immédiatement victime de sa propre défense antiaérienne.
La prime promise a néanmoins un effet non-négligeable: chaque pilote de MiG-31 russe est désormais soupçonné d'être un déserteur potentiel dès qu'il monte dans son cockpit. Cela risque de susciter beaucoup de nervosité au sein du FSB russe. Dans le meilleur des cas, pour l'Ukraine, un MiG-31 pourrait même être pris pour cible par ses propres camarades si le pilote effectuait une manœuvre inhabituelle qui éveillerait les soupçons.
Cette feinte n'est pas nouvelle. On aurait presque envie de parier que Budanov et compagnie ont piqué l'idée directement dans un scénario hollywoodien. Dans Under Fire de Roger Spottiswoode de 1983, le photoreporter joué par Nick Nolte tombe sur un tract pendant la guerre civile au Tchad. Dans ce document, la CIA promet à chaque pilote cubain volant pour les rebelles une villa avec piscine s'il déserte avec son MiG russe.
«C'est du n'importe quoi», déclare Nick Nolte, sceptique. «Nous le savons, mais pas eux», répond son homologue joué par Ed Harris:
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci