Mon cher Elon,
Une confession, d'abord. Je t'aime bien. Disons plutôt que tu as su attraper ma sympathie, entre deux rachats de sociétés et trois tweets compulsifs. Pourtant, les voitures m'indiffèrent et l'espace me terrorise. Fou, non? J'avoue que les égocentriques pétés de thune et un peu cinglés m'ont toujours beaucoup amusé. Te voir changer ta bio toutes les deux heures, comme un ado bien né, mais mal savonné, c'est proprement fascinant. Je suis sincère.
A quelques heures du rachat, tu t'étais flanqué le grade de «chief twit», pour mieux couper les premières têtes qui dépassaient de ton nouvel open-space. Te voilà désormais «opérateur Twitter pour la hotline des plaintes». Funny.
Ce nouveau blase prouve au moins que tu as compris dans quel bourbier tu viens de fourrer les pneus de ta Tesla.
Oui, ça gueule.
Depuis une semaine, la gauche courgette pleure son espace de bienveillance fantasmé, alors que la droite blanquette croit pouvoir se réjouir d'un Fight club vidangé de toute notion de modération. Tout ça parce que tu nous as promis un «Twitter pour tous», un réseau one size, alors qu'on n'y taille précisément que des costards. Au plus près de nos névroses.
Elon Musk fait le ménage sur Twitter et vient de virer celle qui avait banni Donald Trump : un signe fort prometteur !
— Florian Philippot (@f_philippot) October 28, 2022
En tête de meute? Donald Trump et Sandrine Rousseau. Parfaits petits Marvel enragés et moulés dans leurs collants orange et vert, comme les deux boyscouts d'une bande de bourrins pensant détenir la vérité de l'autre. A quelques jours des midterms, étouffés par les violences et déjà tailladés de coups de canifs, ton antipathie légendaire pour Joe Biden et ta méfiance crasse pour le New York times font craindre le pire.
En quelques jours, tu es parvenu à figer de peur tous tes employés, réhabiliter Kanye West et propager les informations bidonnées d'un média qui prétend que l’époux Pelosi était fin bourré au moment de son agression.
Tu voudrais nous mener tout droit à l'attentat politique, dis?
Thank you Elon Musk, I'm back !!!
— Donald J. Trump 🇱🇷🇱🇷🇱🇷 (@NehaAga06399235) October 28, 2022
Common on. Make America Great again!!!
Résumons, mon cher Elon: t'offrir ton punching-ball préféré, celui sur lequel tu passes tes nuits et tes nerfs, c'est hériter d'un coup sec de tous tes nouveaux meilleurs ennemis et d'un paquet d'emmerdes. Un joyeux bordel virtuel où chacun a des attentes démesurées et des craintes inconsolables. Personne ne peut se payer Disneyland sans froisser Mickey.
Et puis, tu sais bien qu'une fois déballés, les cadeaux n'intéressent plus que ceux qui ne les ont pas reçus. Dans ton cas, les jaloux sont féroces et susceptibles: politiciens, journalistes, scientifiques, very important people, fachos et comploteurs. Tous les autres postent des photos de brunch sur Instagram, des âneries sur TikTok ou des nudes sur OnlyFans.
Sorry, frère.
Ceci dit, Elon, je reste intimement persuadé que tu voudrais bien faire. Ménager les sensibilités, sans fragiliser ton porte-monnaie. Mais te voilà face à un dilemme autrement plus délicat qu'une série de tweets hystériques qui divertissent les petites gens. Bannir les racistes et les homophobes? C'est fâcher tes groupies républicaines. Virer les arbitres? C'est refroidir des annonceurs qui, pour certains, ont déjà menacé de plier bagages.
T'as beau jouer au PDG babacool qui ne supporte pas de maintenir un système qui «distingue seigneurs et paysans», qui négocie le futur tarif potentiel d'une certification Twitter avec un Stephen King ronchon, ça ne suffira pas à pérenniser cette zone de non-droit. Tu viens finalement de décider qu'être certifié coûterait 8 dollars par mois. Et qu'apprend-on, mardi soir? Que ton responsable des ventes publicitaires a démissionné à cause de ton «arrivée turbulente»? Allons...
Twitter n'est pas Tesla, Starlink ou une poignée de bitcoins. Toi qui secoues la Bourse avec autant d'élégance qu'une main qui gratte des couilles, tu vois très bien de quoi on parle. Comme le dit un type super, un tweet c'est une arme, Madame! Et jeter le petit oiseau bleu dans son caddie, c'est politique. Uniquement politique. Mais pour 44 milliards de dollars, tu ne t'es pas seulement approprié des opinions. Les abrutis qui les défendent sont livrés avec.
On parie que dans moins d'un an, ce nouveau (et dangereux) joujou croupira dans ton tiroir à mauvaises idées?
Bref, fais pas le con, l'ami. Et comme te le souhaitait The verge lundi, welcome to Hell, Elon.