Au mois de janvier dernier, la vente aux enchères de la «Villa Aurora», aussi appelée «Villa Ludovisi» ou encore «Casino de l'Aurore», se conclut par un flop. Prix de vente: 471 millions d'euros. Nombre d'enchérisseurs: zéro.
Depuis, le prix de cette somptueuse villa romaine a été revu à la baisse. Plusieurs fois. En avril, les prétendants pouvaient se l'offrir pour 376 millions d’euros. Sans succès. En mai, 301 millions. Toujours rien.
Pour l'instant, le prix de vente et les indispensables travaux de rénovation, estimés à 11 millions d'euros, découragent tous les acquéreurs potentiels. Cette semaine, les enchères démarrent ainsi à 241 millions d’euros, rappelle le Huffington Post. Sa propriétaire actuelle dit espérer qu'«un Elon Musk ou qu'un Jeff Bezos fasse surface» pour sauver ce trésor. Mais que vaut à ce pavillon de chasse ce prix de départ hallucinant d'un demi-milliard? Pour le savoir, faisons le tour du (et de la) propriétaire.
Cela va peut-être vous surprendre, mais la maison qui traîne son titre de «la plus chère du monde» comme un boulet n'a même pas de piscine. Ni de jacuzzi.
Rien à voir avec «The One», à Los Angeles, adjugée la maison la plus chère jamais vendue aux enchères en mars dernier pour 126 millions de dollars. Le mastodonte californien compte 5 piscines, un garage de 30 voitures, une salle de cinéma de 40 places, un bowling, 21 chambre ou encore 42 salles de bains... Bref, vous voyez le topo.
Véritable musée habitable, le pavillon de chasse romain donnerait des palpitations à l'historien le plus encroûté: un terrain ayant appartenu à Jules César, une sculpture attribuée à Michel-Ange, des fresques du peintre Le Guerchin, des lettres de la main de Marie-Antoinette cachés dans les tiroirs, ou encore un escalier de l'architecte Carlo Maderno (si ce nom ne vous dit rien, c'est le type qui a conçu la façade de la basilique Saint-Pierre de Rome, rien que ça).
D'ailleurs, depuis sa construction en 1570, la villa a ébloui une belle brochette d'invités: Galilée, Tchaikosvky, Stendhal, Henry James, ainsi que, plus récemment, Annie Leibovitz, Woody Allen, ou encore... Madonna, qui s'est émerveillée devant son fameux «Caravage érotique».
En effet. Quelque part au premier étage, dans une petite pièce d'à peine 10 mètres carrés, se cache un trésor «absolument pas mis en valeur»: la seule fresque murale au monde de la main de l'artiste italien Michelangelo Merisi da Caravaggio, plus connu sous le nom du Caravage.
Cinq mètres carrés de peinture à huile pour un coût estimé à 310 millions d’euros, par plusieurs experts.
Fun fact: Caravage se serait inspiré de son propre visage pour esquisser celui des dieux Jupiter, Neptune et Pluton. Mais pas que. Le peintre aurait représenté ses propres parties intimes pour celles de Pluton.
Une peinture que sa propriétaire, la princesse Rita Jenrette Boncompagni Ludovisi, 72 ans, ne se lasse pas d'admirer tant qu'elle le peut encore, confiait-elle en mars dernier au New York Times:
Fille d'un éleveur du Texas, directrice de recherche pour le parti républicain, épouse d'un sénateur démocrate, mannequin pour Playboy, actrice, journaliste ou encore agent immobilier, Rita Jenrette affiche un CV aussi foisonnant que sa collection d'oeuvres d'art.
Après une première vie de frasques à Washington, entre parties de jambes (à) l'air sur les marches du Capitole, «fêtes sans fin, orgies, soirées alcoolisées, cocaïne, call-girls et call-boys», Rita rencontre son troisième mari, l'illustre prince italien Nicolò Boncompagni Ludovisi de Piombino, avec lequel elle s'installe à Rome.
Vingt ans de vie commune pendant lesquels la «Principessa» se consacre corps et âme à la restauration de leur villa adorée, interrompues brutalement par la mort de Nicolò en 2018. S'ensuivent d'interminables litiges judiciaires entre la veuve et ses beaux-fils. Las, un juge italien décrète finalement la mise aux enchères publiques de l'ancien pavillon de chasse, pour éponger les dettes de la princesse américaine.
N'en déplaise aux estimateurs que les restrictions qui protègent le «Casino de l'Aurore» et les nombreuses pièces et œuvres d'art qu'il abrite, feront fuir les investisseurs. Rita ne désespère pas de trouver preneur. On murmure que Bill Gates ou le Sultan de Brunei pourraient être intéressés. Tant qu'«ils la traitent avec politesse», la fougueuse propriétaire des lieux est prête à tout accepter.
En attendant, la princesse désargentée est autorisée à occuper son appartement du troisième étage, entourée de ses quatre chiens bichons, de sa gouvernante ukrainienne et ses petits-enfants, réfugiés depuis le début de la guerre. Sans chauffage, mais sous un Caravage.