Mardi, aux Etats-Unis, Joe Biden s'est officiellement lancé dans la course à sa réélection. En réaction à cette annonce, les républicains ont publié une vidéo esquintant logiquement le locataire de la Maison Blanche. Une campagne réalisée entièrement, et c'est une première, au moyen de l'intelligence artificielle.
Après le tsunami des fake news qui avait inondé les deux dernières campagnes, 2024 sera manifestement le terreau idéal pour la première élection présidentielle infestée d'images qui n'existent pas. Mais les Etats-Unis ne sont pas les seuls à devoir composer avec le sprint des nouvelles technologies. Depuis quelques jours, Moscou, pourtant jamais avare en propagande bidonnée, se retrouve empêtrée dans un flot d'illustrations de Vladimir Poutine jugées indésirables.
Et c'est même pire (ou plus drôle) que ça, puisque la population russe semble obsédée par le corps du maître du Kremlin au point de l'imaginer totalement nu. Et le résultat est plutôt... comment dire... perturbant.
Hébergé par Sber, qui n'est autre que la plus grande banque de Russie, le programme d'IA baptisé Kandinsky met actuellement le pouvoir russe dans un certain embarras. Le fait que «Poutine nu» soit la requête la plus populaire a crispé certains élus et proches du président. C'est, par exemple, le cas de Sergueï Mironov, député et leader du mouvement Une Russie juste - Pour la vérité.
Jeudi matin, sur Twitter, cet ancien patron de la chambre haute de la Douma a annoncé avoir demandé au bureau du procureur de vérifier si les entrailles de Kandinsky n'étaient pas purement et simplement russophobes.
Car Poutine à poil n'est manifestement que la pointe de l'Iceberg. Pour le député, Kandinsky aurait été conçu sur la base des technologies occidentales et offrirait ainsi un biais politique défavorable au Kremlin. Mironov a même listé ses griefs contre cette intelligence artificielle: «La requête Je suis un Z-patriote génère l'image d'une créature ressemblant à un zombie, quand on tape Donbass est russe, on tombe sur les couleurs de l'ennemi. Et puis, le drapeau russe est impossible à générer correctement, contrairement à celui de l'Ukraine ou des USA»
Il faut préciser que, comme les doigts humains, les différentes intelligences artificielles disponibles pêchent toutes quand il s'agit de générer des drapeaux. Afin de tester les dires du député, on a demandé à l'IA Kandinsky de nous proposer le drapeau suisse et russe. Surprise, l'algorithme fait effectivement absolument n'importe quoi, mais pas tout à fait comme prévu.
Vous vous en doutez, c'est un peu plus compliqué que ça. Non seulement les couacs partisans relevés par le député en colère semblent avoir été résolus, mais les résultats diffèrent suivant la langue utilisée dans les requêtes. Kandinsky est l'une des seules IA maîtrisant parfaitement le russe. Si le média Insider note par exemple qu'en tapant Дмитрий Медведев голый на лошади, l'IA offre une bête photo de fleurs, la même requête en anglais Dmitri Medvedev naked on a horseback (réalisée par watson) est toujours aussi franche.
(Faisons abstraction du petit souci crânien de l'animal, ce n'est pas le sujet.)
Une chose est sûre, depuis le coup de gueule de Sergueï Mironov, Sberbank, qui édite l'intelligence artificielle en question, a donné un grand coup de balai dans son algorithme. S'il est toujours possible de générer une image de Vladimir Poutine nu et dans des poses ridicules lorsqu'on utilise une autre langue que le russe, ses parties génitales ont été rendues totalement inaccessibles. Ce qui n'a pas eu le pouvoir de rassurer le député :
De notre côté, et avant de fermer définitivement la version 2.1 de Kandinsky, on s'est amusé une dernière fois, en imaginant Poutine, à poil, bouffant une fondue. (D'ailleurs, que pense le Kremlin du rouge à lèvres qui apparaît spontanément sur la bouche du patron?)