L'offensive sur Kherson est achevée, la ville est à nouveau sous contrôle ukrainien. Et finalement, tout s'est passé très vite. Est-ce que c'était une victoire militaire, est-ce que c'était le résultat d'un accord ou peut-être les deux?
Mykhailo Podolyak: C'était en tout cas une victoire militaire. Une cinquantaine de villes et de villages ont été libérés, et les Russes ont compris qu'ils ne pouvaient pas tenir cette région, qu'ils n'avaient pas de ravitaillement.
Le président Volodymyr Zelensky a parlé d'un «jour historique». Pour d'autres commentateurs, il s'agissait de la dernière bataille avant la pause hivernale. Pour d'autres, la reconquête de la seule grande ville que la Russie ait conquise marque un tournant. Que signifie pour vous la reprise de Kherson?
L'Ukraine n'a absolument aucune raison ni aucun moyen de mettre fin à cette offensive:
Il y a de nouveaux signaux. Le ministère des Affaires étrangères à Moscou a, par exemple, fait savoir qu'il était prêt à discuter; la Turquie veut également s'engager à nouveau pour une solution diplomatique. Mais existe-t-il vraiment une convergence d'intérêts?
Il n'y a pas de conflit à résoudre ici, il y a une invasion et l'annexion de territoires à arrêter. Ce que la Russie propose, c'est un ultimatum. Ce qu'ils veulent, c'est un cessez-le-feu, mais l'armée reste là où elle est, et ce qu'ils font pendant ce temps, c'est s'installer sur le territoire qu'ils ont pris. Tous les officiels russes, y compris le ministre des Affaires étrangères, ne parlent pas de négociations, mais d'une pause opérationnelle pour se regrouper et se restructurer.
Zelensky a été très clair sur ce que signifient les négociations pour nous:
Il y a eu quelques propositions intéressantes, notamment de la part de Zelensky: par exemple le déploiement de troupes de l'ONU à la frontière avec la Biélorussie. Mais sinon, on entend très peu parler de l'implication des organisations internationales. Sont-elles paralysées?
La réalisation d'une mission internationale présuppose que la Russie respecte le droit international public – ce qu'elle ne fait pas.
Et surtout, pourquoi l'Ukraine devrait-elle accepter un autre format que l'évacuation de territoires occupés par les forces armées ukrainiennes? Autre point a retenir: la Russie influence de nombreuses organisations internationales et cette influence peut rendre impossible l'utilisation de ces organisations pour trouver une solution.
D'un autre côté, la Russie peut, sans avoir à beaucoup se battre, paralyser l'infrastructure énergétique de l'Ukraine, s'asseoir et attendre l'hiver.
C'est évidemment dangereux. C'est une guerre génocidaire contre toutes les règles internationales qui est menée ici. Les Russes le font en toute connaissance de cause. Ils le disent aussi très ouvertement. Et les partenaires internationaux en sont conscients. C'est pourquoi ils ont également accéléré la livraison de systèmes de défense aérienne. Des transformateurs, des générateurs et des pièces de rechange sont également livrés. Avant, l'Ukraine exportait de l'électricité, maintenant, nous négocions des importations.
Aujourd'hui, Kherson est l'exemple d'une victoire, alors qu'auparavant, la ville était l'exemple d'une trahison. Elle est tombée pratiquement sans combattre. Des collaborateurs des services secrets ukrainiens y étaient stationnés et travaillaient pour la Russie. Quelle est l'ampleur du danger que représentent encore ces réseaux russes?
Kherson est ukrainienne, et nous devons toujours la libérer et lancer des contre-offensives. L'objectif est de libérer toutes les régions, y compris le Donbass et la Crimée. Nous avons mis en place un protocole pour les régions libérées, afin de repérer les mines, les saboteurs et les soldats russes. Mais l'armée russe est démoralisée, et croire qu'elle peut encore être très créative, c'est un peu trop. Je ne m'y attends pas. Les gens sur place les détestent, ils n'ont pas la possibilité de négocier avec la population locale.
Une partie de ce protocole consiste malheureusement à explorer des fosses communes et à enquêter sur des crimes de guerre. Les autorités ukrainiennes sont-elles à la hauteur de la masse de ce type d'enquêtes?
Nous avons un état-major opérationnel au sein du bureau du procureur général et il y a un groupe qui prépare des documents pour un tribunal international. Des partenaires internationaux aident au travail du Tribunal spécial: la France, la Pologne, l'Italie, les pays baltes, mais pas l'Autriche. Ils aident à tous les aspects de l'enquête et se documentent lorsque, par exemple, des tombes sont ouvertes.
L'ambassadeur ukrainien en Allemagne a déclaré que des discussions étaient en cours entre l'Allemagne et l'Ukraine concernant la livraison directe de chars de combat Leopard 2. Est-ce le cas?
L'Allemagne commence lentement à comprendre que l'Ukraine a besoin d'aide en raison de la nature de la guerre que mène la Russie. Et cela implique des véhicules de combat d'infanterie Marder et des chars de combat Leopard 2. Le gouvernement allemand communiquera sur les livraisons et leur volume dès que nous serons parvenus à un accord.
(traduction par sas)