Jeudi encore, les experts spéculaient sur la véritable intention derrière l'annonce du retrait russe de Kherson. Nombreux sont ceux qui ont supposé que la mise en scène plutôt maladroite et rigide à la télévision nationale du ministre de la Défense Sergueï Choïgou et du commandant Sergueï Sourovikine était une manœuvre de tromperie russe, une soi-disant «maskirovka».
Les autorités de la ville de Kherson ont été informées de l'arrivée des troupes ukrainiennes, dans l'intention de les attirer dans un piège et une bataille sanglante dans les maisons. Mais ces spéculations ont rapidement été balayées dans le courant de la journée de vendredi, et ce avant même que les premières images de l'arrivée des troupes ukrainiennes et des drapeaux bleus et jaunes ne circulent dans le centre-ville de Kherson.
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En faisant sauter les deux ponts Antonovsky déjà endommagés ainsi qu'un ponton au nord-est de la ville, les Russes ont coupé toutes les liaisons fixes sur le fleuve Dnipro. Les éventuelles troupes d'embuscade restées cachées à Kherson auraient donc dû livrer leur dernier combat contre les Ukrainiens qui avançaient, sans perspective de retraite ni de ravitaillement.
Au lieu de cela, le ministère russe de la Défense a annoncé vendredi matin «l'évacuation programmée» de la rive ouest de Dnipro.
Selon le porte-parole du ministère Igor Konachenkov, à cinq heures du matin, les dernières unités ont été mises en sécurité sur la rive gauche du fleuve «avec leur équipement et leur technique et sans aucune perte». En termes de chiffres, Moscou a évalué à 30 000 le nombre de soldats ayant traversé.
Il n'était pas encore possible de vérifier hier si rien ni personne n'avait été laissé derrière. Seules des images de mines russes éparpillées ont été diffusées sur les réseaux sociaux, sans qu'il soit possible de savoir si elles provenaient de la région de Kherson.
Les services de renseignement militaires ukrainiens ont pour leur part annoncé vendredi que la Russie avait laissé jusqu'à 20 000 soldats sur la rive ouest pour couvrir le retrait des autres troupes. Dans l'annonce publiée sur son site Internet, le service de renseignement militaire s'est toutefois référé à une interview du vice-chef des services secrets Vadym Skibitski, que celui-ci avait déjà accordée jeudi au journal britannique Guardian.
Ces informations doivent donc être prises avec précaution. Néanmoins, les services secrets militaires ukrainiens ont appelé tous les soldats russes cachés à Kherson, peut-être déguisés en civils, à se rendre.
Alors que les commentateurs russes ont majoritairement salué la fuite de Kherson comme un «regroupement» et une opération de repli militaire réussie, le Kremlin a souligné la revendication territoriale ininterrompue sur la ville et l'oblast du même nom.
La région de Kherson reste une partie de la Fédération de Russie, a déclaré vendredi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, cité par l'agence de presse Interfax:
De même, il n'y aura pas de suspension des hostilités. «Kiev ne veut pas de discussions, donc l'opération militaire spéciale se poursuit», a poursuivi Peskov.
Comme pour le souligner, la Russie a déclaré vendredi avoir bombardé avec de l'artillerie les zones de la rive ouest qui venaient d'être abandonnées. Selon une porte-parole du commandement sud ukrainien à la télévision, ses propres troupes se seraient toutefois attendues à une telle contre-attaque.