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Interview

Le coup de gueule pro-béton d’une star mondiale de l’architecture

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La dentelle de béton du Mucem, le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, à Marseille. Réalisation monumentale de Rudy Ricciotti.Image: shutterstock/dr
Interview

Le coup de gueule pro-béton d’une star mondiale de l’architecture

Brut de décoffrage, Rudy Ricciotti. Dans une interview à watson, l’architecte français, concepteur du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille, défend le béton et s’attaque aux «lobbys capitalistes du bois». Et envoie deux ou trois piques à la Suisse.
15.07.2021, 18:4517.07.2021, 12:39
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Rudy Ricciotti est un homme très occupé. Normal, c'est une star. De l'architecture. Parmi ses réalisations marquantes: le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille, le stade Jean-Bouin à Paris, le Pavillon noir à Aix-en-Provence. Il a la tchatche et la gueule cuivrée de ses origines: Français d'ascendance italienne, né en Algérie. Définitivement latin, les deux pieds dans la Grande Bleue. Un parler se voulant sans filtre, à rebrousse-poil du convenable. Il est à l'architecture ce que le poisson de roche est à la bouillabaisse: faussement modeste et goûteux.

Certains de vos confrères architectes, tel le Suisse Philippe Rahm, plaident pour un abandon progressif de la filière béton, qu'ils accusent de contribuer au réchauffement climatique. Les suivez-vous dans cette voie?
Rudy Riccioti:
Non, car c’est oublier que le béton est un matériau non spéculatif, contrairement au pétrole, au gaz, au charbon, aux métaux rares, au coton, à la vanille, aux graines de cacao, au franc suisse et au bois. Chaque pays produit son béton dans une chaîne courte de liaison, dans un rayon de moins de 30 kilomètres. Laquelle produit des emplois et des métiers de proximité, facteurs de cohésion sociale; c’est ce qu’on appelle l’écologie humaine.

«Et l’acier? Et l’aluminium? Et le verre? Et l’inox?»

On entend vos arguments sociaux, mais vous éludez la question de l’empreinte carbone du béton.
Je ne nie pas que l’empreinte environnementale soit un vrai sujet, ce que je dis, c’est que cette question intègre aussi des facteurs économiques, culturels et sociaux. Force est de constater que les attaques contre le béton relèvent d'un lobbying anglo-saxon avec, en ombre portée, les manipulations économiques et éthiques qui vont avec! Les bétons auraient une empreinte carbone critiquable, c’est vrai, mais bien moins que l’acier, l’aluminium, le verre, l’inox, le plastique. Les choses ont changé. La matrice cimentaire se fabrique aujourd’hui avec les déchets de l’industrie sidérurgique. Les bétons actuels sont quasiment décarbonés, mais il faut faire encore mieux.

De quelle façon?
Le processus de recyclage des agrégats est très engagé aujourd’hui. Les nouveaux bétons à ultra-haute performance permettent une réduction très importante des volumes consommés (exemple le Mucem à Marseille) et autorisent un récit alternatif à la culture américaine de l’architecture en kit. Je ne sais pas faire des ponts routiers en contreplaqué. L’histoire du mouvement moderne est jalonnée de chefs-d’œuvre. D’Auguste Perret (la reconstruction du Havre après 1945) à Le Corbusier (la Cité radieuse à Marseille).

Le Mucem, de nuit, avec sa passerelle le reliant au fort Saint-Jean.
Le Mucem, de nuit, avec sa passerelle le reliant au fort Saint-Jean.image: lisa ricciotti

La question climatique vous amène-t-elle à limiter l’usage du béton? Par quoi le remplacez-vous le cas échéant?
Surtout pas avec la filière pin Douglas consécutive aux coupes rases, qui sont un vrai désastre environnemental dans l’écosystème.

«De la même manière que les lobbys capitalistes étaient derrière le béton, aujourd’hui ils sont derrière le lobby bois»
Rudy Ricciotti

Les débats sont faussés, car l’empreinte doit se calculer sur la durée de vie et intégrer les coûts de transport d’un matériau léger. Par exemple, sur un poids-lourd au gasoil pour livrer des charpentes préfabriquées (où l’encombrant génère beaucoup de vide) depuis la Pologne vers Toulouse ou Zurich!

Il n'empêche, les anti-béton vantent les mérites du bois, de la brique en terre, de tout un arsenal de matériaux naturels ne nécessitant pas une transformation gourmande en énergie. Partagez-vous cette vision, un peu ou pas du tout? Vous venez de vous montrer critique envers le bois.
Je ne suis pas opposé au recours à des matériaux naturels, travaillant moi-même avec du béton de chanvre ou du béton de terre et surtout avec du bois pour les menuiseries. Le futur, c’est le recyclage comme le faisaient les Romains, il y a 2000 ans. L’entreprise française Saint-Gobain développe avec beaucoup d’intelligence tout un arsenal de technologies environnementales allant dans ce sens. Là est le futur, recycler les poubelles de nos industries, comme nous le faisons pour les déchets alimentaires.

Bois ou béton, cela veut dire exploitation des ressources naturelles. Et notamment le creusement de carrières, à quoi s'opposent notamment des zadistes. Quels défis la question environnementale pose-t-elle à l'architecture et à l'architecte que vous êtes?
Les zadistes ont raison. La Suisse est un paysage magnifique, et son massif forestier généreux! C’est pour cela qu’elle choisit plutôt d’exploiter les ressources bois des pays de l’Est, où le PNB est faible. Cependant, il convient de remarquer que la totalité des pays méditerranéens n’ont pas de production forestière, et il importe, par culture politique, de ne pas être autiste aux questions que nos amis arabes et du monde latin se posent. Ils ont bien compris qu’il y a là encore stratégie de domination impérialiste des économies libérales.

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