En cette fin d’année 2024, l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient a radicalement changé. Israël a bouleversé toutes les règles du jeu dans sa confrontation avec l’Iran, déclenchant une série d’événements qui ont fait voler en éclats la plupart des structures politiques habituelles.
Le gouvernement israélien s’est appuyé sur la supériorité de son armée, aguerrie par de nombreux conflits, et sur le soutien inconditionnel des pays occidentaux, pour imposer sa volonté.
Suite au 7 octobre 2023, Israël a répliqué en bombardant massivement la bande de Gaza et faisant de nombreux morts parmi les membres du Hamas, avant d’ouvrir un nouveau front contre le Hezbollah, allié de l’Iran. Ces actions ont conduit à un désarmement de fait de cette milice pro-iranienne.
Les terroristes du Hamas n’ont pas connu un sort plus clément. Leur objectif initial – replacer la question palestinienne au centre de l’agenda international et bloquer un rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite – semble désormais hors de portée.
Aujourd’hui, la création d’un Etat palestinien semble plus improbable que jamais. Au contraire, des politiciens israéliens évoquent ouvertement une annexion de la Cisjordanie. Pendant ce temps, des rapports indiquent que les négociations pour un accord de paix entre Israël et l’Arabie saoudite progressent.
La situation au nord d’Israël a des implications stratégiques encore plus profondes. Avec la défaite du Hezbollah à l’automne, la stratégie iranienne visant à utiliser le Liban comme base avancée contre Israël s’est effondrée. Peu après, en décembre, la chute du président syrien Bachar al-Assad a coupé les routes d’approvisionnement de l’Iran vers la Méditerranée.
La fuite d’Assad a temporairement mis fin aux ambitions de la Russie de jouer un rôle central au Moyen-Orient. Moscou cherche désormais à se repositionner en Libye, en Afrique du Nord, comme point stratégique sur la Méditerranée. Cependant, en Syrie, la Russie est pour le moment écartée du jeu.
Les Etats-Unis ne souhaitent pas combler ce vide: Donald Trump a déclaré qu’il ne voulait pas déclencher de nouveaux conflits au Moyen-Orient et qu’il envisageait un retrait progressif des Etats-Unis de la région. La première étape pourrait être le rappel des 2 000 soldats américains encore présents en Syrie. Pendant ce temps, Israël détruit les infrastructures syriennes et prévoit de doubler ses colonies illégales du Golan.
Si Trump met en œuvre ce qu’il a annoncé, les acteurs régionaux du Proche-Orient deviendront d'autant plus influents. La Syrie, malgré la libération du régime d'Assad et le retrait de la Russie et de l'Iran, restera dans un avenir proche un terrain de jeu pour ses voisins. Israël bombarde Damas et certaines installations militaires et annexe les zones frontalières syriennes.
La Turquie, qui occupe une partie du nord de la Syrie, mobilise des milices syriennes fidèles à Ankara contre les Kurdes syriens. Le président Recep Tayyip Erdoğan a plus d'influence sur les nouveaux dirigeants en Syrie que n'importe quel autre dirigeant étranger.
Durant la nouvelle année, il est donc possible de voir resurgir des tensions entre Turcs et Arabes rappelant la période du Printemps arabe de 2011. La Turquie soutient le groupe radical syrien HTS, proche des Frères musulmans, qualifiés d'organisation terroriste par certains pays arabes.
Qu’en sera-t-il du grand perdant, l'Iran? Selon les estimations du gouvernement américain, le régime des mollahs, très affaibli, pourrait désormais tenter de construire le plus rapidement possible une bombe atomique afin de disposer de nouveaux moyens de pression en tant que puissance nucléaire. Les opposants à l'Iran en Israël et aux Etats-Unis demandent donc une attaque contre la République islamique afin de renverser le gouvernement.
De leur côté, l'Arabie saoudite et d'autres pays arabes sont soulagés de l'affaiblissement de l'Iran. En revanche, ils veulent éviter une domination de la Turquie et un retour des Frères musulmans. Au début de l'année 2025, le Proche-Orient sera donc très différent de ce qu'il était il y a un an, mais la région ne sera pas tranquille pour autant.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich