Le gouvernement israélien doit débattre de l'arrêt de la réforme très controversée du système judiciaire, suite aux violentes manifestations qui ont eu lieu dans le pays dans la nuit de dimanche à lundi. C'est ce qu'a rapporté le Jerusalem Post tôt lundi matin. Le président du pays, Izchak Herzog, a ensuite officiellement appelé la coalition au pouvoir, dirigée par le premier ministre Benjamin Netanyahou, à «cesser de légiférer».
Auparavant, le limogeage du ministre de la Défense Yoav Galant, très critiqué, avait entraîné un net durcissement des protestations dans le pays.
Israël est secoué par les plus violentes manifestations depuis leur début il y a quelques semaines. La raison en est le limogeage du ministre de la Défense Yoav Galant dimanche soir. Galant s'est exprimé de manière critique sur la réforme très controversée de la justice et a donc été démis de ses fonctions dimanche soir par le premier ministre Benjamin Netanyahou.
Dans la nuit de dimanche à lundi, les protestations se sont nettement intensifiées. Les médias israéliens rapportent que jusqu'à 600 000 personnes sont descendues dans les rues des villes de ce pays de 9,3 millions d'habitants pour manifester leur mécontentement. Les manifestations ont également donné lieu à des accrochages avec la police et parfois des débordements.
Les observateurs craignent, désormais, que la situation ne dégénère complètement dans le pays si la réforme judiciaire n'est pas arrêtée par le gouvernement religieux de droite ultraconservatrice. Le prédécesseur de Netanyahou au poste de premier ministre, Naftali Bennett, considère que son pays se trouve dans sa situation la plus dangereuse depuis la guerre du Yom Kippour, en 1973. On craint également que les nombreux pays et groupes hostiles à Israël, dans la région, ne profitent de la situation politique intérieure fragile pour lancer des attaques.
Yoav Galant est un ancien militaire de haut rang qui occupait le poste de ministre de la Défense du gouvernement israélien depuis décembre 2022. Cet homme de 64 ans, qui appartient, comme le premier ministre Netanyahou, au parti conservateur Likoud, s'est prononcé, ce week-end, en faveur d'une suspension du projet de réforme de la Justice en réponse à la pression de la rue. Il a suggéré d'entamer un dialogue avec les manifestants.
L'annonce de Galant a été une surprise, car le gouvernement a toujours fait bloc derrière la mise en œuvre de la réforme, malgré d'importantes protestations en continu. De plus, la mise en œuvre de certains éléments clés de la réforme était imminente, la coalition de droite menée par Netanyahou souhaitant les intégrer dans les jours à venir.
Galant a averti que la sécurité nationale du pays pourrait subir de graves dommages si les plans de réforme étaient imposés sans considération. Le ministre de la Défense a notamment fait référence au fait que la résistance à la réforme de la justice se manifeste également au sein de l'armée. Ainsi, de nombreux réservistes ne se sont pas présentés au service en signe de protestation.
En réponse aux critiques de Galant, Netanyahou l'a démis de ses fonctions de ministre de la Défense, comme on l'a appris dimanche soir.
Le licenciement n'a en aucun cas conduit à une stabilisation de la situation. Au contraire, les protestations de ces dernières heures se sont nettement intensifiées en solidarité avec Galant.
A spontaneous and massive protest spread this evening all over Israel, following Netanyahu's decision to fire Defense Minister Gallant. Tens of thousands blocked for long hours The Ayalon highways, the most important road in the country (I took this video there at around 2 am). pic.twitter.com/8sp5H1FffJ
— Ronen Bergman (@ronenbergman) March 27, 2023
La grande ville progressiste de Tel Aviv, située sur la côte méditerranéenne, a été le théâtre de manifestations massives. D'innombrables manifestants y ont bloqué la route centrale vers Jérusalem, au centre du pays. Des émeutes, des actes de vandalisme et des incendies criminels ont également eu lieu. La police est intervenue avec des escadrons de cavaliers et des canons à eau contre la foule.
Des pierres et d'autres objets ont été lancés en direction des forces d'intervention. Des vidéos et des images diffusées sur les médias sociaux montrent que la police était parfois complètement dépassée par la masse de personnes.
Another video from Israel of police clearing protesters from Ayalon highway in Tel Aviv https://t.co/SqIN3f3Ato
— Steve Lookner (@lookner) March 27, 2023
Selon des informations non confirmées, des fonctionnaires et des chefs de police se seraient également joints aux manifestants. Comme ici avec le chef de la police de Tel Aviv.
⚡️#BREAKING The police chief of the Tel Aviv district joined the demonstrations against Netanyahu pic.twitter.com/YoAr3qJO3S
— War Monitor (@WarMonitors) March 26, 2023
De fortes manifestations de protestation ont également eu lieu dans d'autres citées. A Jérusalem, des personnes en colère ont forcé un barrage routier près de la résidence de Benjamin Netanyahou.
Auparavant, plusieurs universités israéliennes avaient déjà annoncé un arrêt provisoire des cours pour protester contre le licenciement de Galant et les projets de réforme. Plusieurs maires ont entamé une grève de la faim pour exiger un arrêt immédiat de la crise nationale. La Fédération des syndicats (Histadrout) a prévu une conférence de presse lundi, apparemment pour annoncer une grève générale.
La réforme voulue par la coalition de droite au pouvoir depuis trois mois consiste à chambouler le système judiciaire israélien. Sa mise en œuvre affaiblirait la position des tribunaux et renforcerait celle des politiques. Le Parlement devrait à l'avenir pouvoir annuler les décisions de la Cour suprême à la majorité simple, et le premier ministre serait davantage protégé contre une destitution.
Les manifestants et les critiques d'autres pays voient dans cette réforme une tentative d'affaiblir la démocratie en Israël en diluant la séparation des pouvoirs. Certains évoquent même le risque de voir le système israélien prendre des allures dictatoriales si la réforme est mise en œuvre.
Les Etats-Unis, l'allié le plus important et le plus puissant d'Israël, sont également préoccupés par cette réforme. Dans un communiqué, la Maison Blanche s'est dite «profondément préoccupée» par les projets. Les «modifications fondamentales d'un système démocratique» prévues devraient être reconsidérées et les Etats-Unis ont demandé avec insistance de:
En plus des réactions de l'étranger, il y a aussi des critiques claires de la part des politiciens de l'opposition israélienne. Ainsi, l'ex-premier ministre Jair Lapid et l'ex-ministre de la Défense Benny Gantz ont demandé aux collègues du Likoud de Netanyahou de «ne pas participer à la destruction de la sécurité nationale». Le chef du gouvernement a «franchi une ligne rouge».
L'ex-premier ministre Naftali Bennett a averti qu'Israël se trouvait face au plus grand danger depuis la guerre du Yom Kippour en 1973. Les Etats arabes avaient alors attaqué Israël par surprise le jour de la plus grande fête juive. Bennett a appelé Netanyahou à revenir sur le licenciement de Galant, à suspendre la réforme et à entamer un dialogue avec les opposants. Il a exhorté les manifestants à ne pas recourir à la violence et à éviter toute effusion de sang. «Nous sommes frères», a écrit Bennett.
Le soutien de Netanyahou au sein de son propre parti semble s'effriter. Les critiques publiques de l'ancien ministre de la Défense Galant en sont un indice clair. Selon le journal israélien The Jerusalem Post, d'autres politiciens du Likoud se sont également engagés à arrêter la réforme de la Justice. Pour Haaretz, le grand quotidien de gauche, des personnalités influentes du parti exigent la démission du ministre de la Justice Yariv Levin, qui a associé son destin politique à la réforme.
La coalition la plus à droite que le pays ait jamais connue, au pouvoir depuis trois mois, avait prévu de mettre en œuvre les principaux éléments de la réforme dans les jours à venir. Les récents événements n'ont pas permis de savoir si le vote de la loi aurait lieu ce lundi, comme prévu.
Traduit de l'allemand (nva)