«Je ne crois pas que Toyota cherche intentionnellement à tirer profit de Daech. Mais ils devraient faire plus d’efforts.» Nous sommes en octobre 2015 et le célèbre constructeur nippon est à la place du mort. Les vidéos de propagandes de l'Etat islamique affichent systématiquement une star carrément tout-terrain et considérée comme «indestructible»:
Quand Mark Wallace, ancien ambassadeur américain et spécialiste du financement des groupes terroristes, s'emploie à comprendre pourquoi cette bagnole iconique détient un monopole peu reluisant auprès des combattants de Daesh, Toyota n'a d'autres choix que de collaborer.
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S'en suit une conclusion gorgée d'impuissance: «Mais il est impossible pour Toyota de contrôler complètement les canaux indirects ou illégaux à travers lesquels nos véhicules pourraient être détournés». Si les ventes officielles des Hilux chutent effectivement d'année en année, le marché noir et la contrebande, notamment en provenance d'Europe, ne faiblit pas. Preuve en est, ce week-end, la «Toyota des terroristes» a fait un come-back particulièrement morbide, avec des combattants du Hamas au volant.
Parmi la centaine d'otages aux mains des combattants du Hamas, figure le destin tragique d'une jeune femme qui a rapidement secoué l'opinion publique. Dans une vidéo qui circule encore sur les réseaux sociaux, on aperçoit Shani Louk, une étudiante germano-israélienne de 22 ans, couchée sur le ventre, inconsciente, dénudée.
Un homme armé lui écrase le bassin de sa lourde botte, un autre maintient sa tête en tirant sur ses dreadlocks. Tous scandent «Allahu Akbar» alors qu'ils entament une parade morbide en fendant la foule. Des passants se fraieront un chemin pour cracher sur le corps de la jeune otage.
Une scène insoutenable qui s'est déroulée, vous l'aurez compris, à l'arrière d'un pick-up Hilux de Toyota. D'abord présumée morte, Shani Louk aurait été signalée par sa maman, mardi après-midi, dans un hôpital de Gaza, dans un état critique.
Pourquoi Toyota? A l'époque, comme partout, les concessionnaires du géant japonais pullulaient au Moyen-Orient. En 2001, Alastair Finland, professeur d'études stratégiques à l'Université d'Aberystwyth, osait affirmer au New York Times qu'il «n’est pas exagéré d’imaginer que des hommes d’affaires entreprenants puissent expédier ces véhicules dans les territoires hostiles à des fins néfastes».
Mais pourquoi ce modèle en particulier? Les surnoms que la presse automobile lui flanque depuis sa naissance sont déjà un bon indice. Le pick-up Hilux, qui n'est autre que «la force tranquille», «l'arme increvable», le «4x4 indestructible», est approuvé par Chuck Norris en personne, dont il est l'égérie aux Etats-Unis.
Née en 1968, cette petite camionnette est rapidement devenue le pick-up le plus vendu au monde. Pratique, particulièrement robuste, modulable et disposant d'un réservoir sans fond, elle a d'abord fait le bonheur des familles et des artisans.
Et lorsque l'on peut y empiler pelles, briques, tôles, ouvriers, tentes de camping, mioches et tables de ping-pong, les armées irrégulières auront vite fait de comprendre l'intérêt de cet engin court sur pattes, que l'on surnommera technical une fois en mains peu recommandables.
Dans le désordre, citons parmi ses plus grands fans les Talibans, Al-Qaïda, l'Armée syrienne libre, Boko Haram. Et on en trouve littéralement partout, au Nicaragua, en Éthiopie, au Rwanda, au Libéria, en République démocratique du Congo, au Liban, Yémen, en Irak et... dans le parking du Hamas. Les groupes rebelles adorent tout particulièrement leur joujou quand ils peuvent y installer la célèbre mitrailleuse de calibre 50, qui défonce les gilets par balle et esquinte méchamment les véhicules blindés.
En somme, c'est une bagnole qui ne meurt quasiment jamais. Au point que l'émission anglaise Top Gear, en 2006, a tout tenté pour régler son compte à une Toyota Hilux de couleur rouge, diesel, de 18 ans d'âge, qui accuse 300 000 kilomètres au compteur et qui a été «rachetée pour 1500 misérables dollars». Au programme, multiples collisions frontales, noyade dans l'océan pendant cinq heures, chute d'une falaise, résistance au feu et fameuse boule de démolition. La petite Hilux respirait encore. Il a fallu le lâchage du haut d'une grue, à 70m du sol, pour empêcher la bestiole de démarrer.
Pour comprendre à quel point le succès du Toyota Hilux ne s'essouffle pas, il faut remonter à la fin des années huitante. Alors que la dernière phase du conflit entre le Tchad et la Libye opposait surtout la Libye à... une armée d'Hilux. Le pick-up, utilisé en grande quantité, a non seulement permis d'assurer une mobilité inédite des troupes tchadiennes, mais a aussi participé à leur victoire sanglante en 1987.
Vous n'êtes toujours pas convaincu de la popularité de l'engin? Sachez que le pick-up utilisé par Marty McFly dans Retour vers le futur est un Toyota Hilux...
... et qu'en 2015, Daesh, alors à l'apogée de sa propagande, s'est retrouvé en invité VIP de la célèbre émission Saturday Night Live, dans une parodie de publicité pour... Toyota.