Aux Etats-Unis, Joe Biden a lancé mardi une grande bataille politique pour défendre le droit à l'avortement, suite à une révélation explosive sur les intentions de la Cour suprême:
Au lendemain de l'extraordinaire fuite d'un projet de décision de la haute juridiction, dans lequel elle dynamite le droit constitutionnel à avorter, garanti sur tout le territoire américain depuis 1973, le président a appelé dans un communiqué les électeurs à «choisir des candidats favorables» au droit à l'IVG lors de ce scrutin de mi-mandat.
La Cour suprême a confirmé l'authenticité de ce document interne, publié par le site Politico, tout en soulignant qu'il ne représentait pas une décision «finale» attendue avec fièvre.
Le démocrate, à la peine dans les sondages, a ensuite durci les enjeux de ces élections traditionnellement défavorables au parti présidentiel, en estimant que d'autres grands acquis de société pourraient être remis en cause par les Etats aux mains de l'opposition républicaine, ceux-là même qui ont déjà passé des lois très restrictives sur l'IVG, suspendues à la décision des neuf juges de Washington.
Suivant une ligne de fracture qui court depuis toujours dans la vie politique américaine, les démocrates ont donné de la voix pour défendre le droit à l'avortement, tandis que les républicains ont salué l'avant-projet de la Cour suprême.
Les démocrates voulaient légiférer au niveau fédéral sur le droit à l'avortement, pour couper l'herbe sous le pied aux Etats conservateurs et pour aller au-devant d'un revirement de la Cour suprême, mais n'y sont pas parvenus, faute de majorité assez forte.
Joe Biden a malgré tout assuré que la Maison Blanche était «prête» à réagir à une décision de la haute juridiction pour essayer de défendre, au moins en partie, l'accès à l'IVG, par la voie administrative et règlementaire.
Côté républicain, l'on savourait déjà un bouleversement judiciaire qui sonne comme une immense victoire, rendue possible par le profond remaniement de la Cour suprême par Donald Trump. L'ancien président a remplacé trois de ses membres et fait lourdement pencher la balance côté conservateur, et ce, pour plusieurs années: six juges contre trois progressistes, nommés à vie.
Si elle était avérée, la haute cour devant rendre son arrêt d'ici fin juin, cette décision serait «une réponse à (nos) prières», a tweeté l'élue républicaine Jackie Walorski.
La très conservatrice élue de Géorgie Marjorie Taylor Greene a, sans attendre les élections, déjà appelé un futur «Congrès contrôlé par les républicains» à adopter une loi reconnaissant au foetus des droits équivalant à ceux d'une personne déjà née.
Selon le texte publié lundi soir par Politico, la plus haute instance judiciaire dans le pays s'apprêterait à annuler son arrêt historique «Roe v. Wade», datant de 1973, garantissant à chaque femme le droit constitutionnel d'avorter même dans les Etats les plus conservateurs.
Ce document de 98 pages, censé pouvoir être négocié jusqu'au 30 juin, pose qu'il appartient «aux citoyens de chaque Etat de réglementer ou d'interdire l'avortement».
Si la décision est confirmée, le droit à l'avortement sera supprimé ou très sévèrement limité dans une moitié des Etats américains, surtout dans le sud et le centre du pays conservateurs et religieux.
Selon Politico, qui cite une personne ayant connaissance des délibérations de la Cour, quatre autres juges conservateurs se sont rangés du côté de Samuel Alito. Les trois juges progressistes travaillent à un contre-argumentaire, et le vote final du président de la Cour, John Roberts, reste inconnu.
Plus d'une centaine de manifestants, opposés à la décision ou venus la saluer, s'étaient rassemblés devant la Cour suprême mardi matin, séparés par des barrières.
La veille, des gouverneurs démocrates de plusieurs Etats, dont la Californie, le Nouveau-Mexique et le Michigan, avaient annoncé vouloir consacrer la légalité du droit à l'avortement même si la Cour annulait «Roe v. Wade».
«Nous ne pouvons faire confiance à (la Cour suprême) pour protéger le droit à l'avortement, donc nous le ferons nous-mêmes», a indiqué le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom. «Les femmes resteront protégées ici.» (ats/jch)