Pour comprendre qui a joué un rôle fatal dans le destin du journaliste américain Evan Gershkovich, il suffit de regarder le témoin. Un certain Viatcheslaw Wegner, député du parti «Russie unie» d'Ekaterinbourg, a témoigné contre lui.
Gershkovich l'a rencontré quelques jours avant son arrestation l'année dernière. Ils ont parlé d'Uralvagonzavod, une entreprise qui fabrique des chars. Wegner a ensuite publié une photo avec le journaliste sur sa page Facebook et l'a intitulée comme suit:
Il est fort probable qu'après cette rencontre, Wegner ait appelé le FSB pour dénoncer le journaliste étranger qui s'intéressait à l'industrie de l'armement. Le journaliste du Wall Street Journal a été condamné à 16 ans de prison.
J'ai travaillé pendant plus de 10 ans comme journaliste à Ekaterinbourg et je connais non seulement Wegner, mais aussi d'autres élus locaux. Ces personnes ne communiquent avec la presse que pour se faire de la publicité.
La police municipale me considérait comme «un bon journaliste, mais travaillant pour une crapule», faisant ainsi référence au critique du Kremlin, Mikhaïl Khodorkovski. Le système nous a toujours rappelé que nous étions de trop, et à cet égard, il a toujours été assez difficile de faire du journalisme d'investigation. Pour les journalistes étrangers qui travaillent en Russie, c'est encore beaucoup plus difficile.
Nous savions que nous n'obtiendrions aucune information de la part des députés ou des maires. Les fonctionnaires ne révéleraient quelque chose que si cela leur était utile.
Dénoncer un journaliste étranger au FSB et chambouler sa vie n'est qu'une occasion pour les députés de démontrer leur loyauté. Le simple citoyen considérera désormais tout journaliste étranger comme un espion potentiel, ce qui ne fera que renforcer l'aversion envers les étrangers au sein de la Russie.
Roger Köppel, éditeur de la Weltwoche, ne peut se promener au Kremlin et rencontrer des partisans de Poutine que tant qu'il pose des questions qui plaisent aux fonctionnaires russes. Dans le cas contraire, ni un passeport américain ou suisse ni des signatures de soutien ne sauveront un journaliste honnête d'une prison russe. Je voudrais dire à tous les journalistes qui travaillent en Russie: soyez prudents. Liberté pour Evan Gershkovich.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)